Société

Avoir le bon œil

20/06/2013 | par Daniel Haïk

Du vote du budget de l’Etat d’Israël à l’élection de Rohani, Daniel Haïk analyse l'actualité sous le prisme de la Torah.

« Ce que l’on voit d’ici, on ne le voit pas de là »

C’est Ariel Sharon qui a rendu célèbre cette phrase. L’ancien Premier ministre israélien répondait ainsi à ceux qui lui demandaient pourquoi il avait si nettement modifié ses positions politiques après son arrivée au poste de Premier ministre, au point de décréter la destruction des localités juives du Gouch Katif dans la Bande de Gaza, localités qu’il avait lui-même créées dans les années 70 et 80.  Sharon voulait ainsi expliquer que les lourdes responsabilités d’un chef de gouvernement israélien l’obligent parfois à reconsidérer des avis qu’il avait émis alors qu’il n’était que simple député ou chef de l’opposition.

Cette même phrase s’est retrouvée à plusieurs reprises, ces dernières semaines, et sous diverses variantes, dans la bouche du nouveau ministre des Finances Yaïr Lapid lorsqu’il a concocté le budget de l’Etat pour les années 2013 et 2014, budget qui a été voté, il y a quelques jours, en première lecture, par la Knesset. En effet, le même Yaïr Lapid qui , alors qu’il n’était pas encore député, accusait  Byniamine Netanayou de vouloir « mettre à genoux » la classe moyenne et d’accorder trop de privilèges aux grosses fortunes du pays, s’est retrouvé, six mois plus tard, contraint d’imposer une série de mesures économiques douloureuses à cette même classe moyenne qui l’avait pourtant porté au pouvoir en janvier dernier. Ainsi Lapid qui, il y a peu, était encensé par les acteurs de la protestation sociale de l’été 2011,  a du reconnaitre que la gravité de la situation financière d’Israël l’obligeait à prendre des mesures d’urgence qui n’épargnerait personne. C’était le prix à payer pour redresser l’économie israélienne : « Ce que j’ai vu en entrant au ministère des Finances, je ne pouvais pas le voir en tant que simple candidat à la Knesset » a-t-il affirmé pour tenter de se justifier.  

Rohani : un « modéré » ?

Dans une autre perspective, la formule d’Ariel Sharon aurait tout aussi bien pu décrire l’autre événement politique important de la semaine : l’élection à la présidence iranienne de Hassan Rohani. En effet, alors que les régimes occidentaux  comme la France et les Etats-Unis voient en lui un « modéré » capable d’instaurer de véritables réformes en Iran, le Premier ministre Netanyaou   considère que Rohani n’est qu’un extrémiste déguisé en réformateur. Mr Netanyaou redoute que désormais, les sourires chaleureux de ce Rohani, dont le nom signifie littéralement en hébreu « Je suis tendre » ( !), n’hypnotisent Barack Obama et ne le poussent à vouloir donner une nouvelle chance à la négociation dans l’espoir de stopper le programme nucléaire iranien. Ainsi ce que les Israéliens perçoivent de Rohani n’est pas vraiment ce que les Occidentaux voient en lui.

Ces deux événements politiques, le vote du Budget de l’Etat d’Israël et l’élection de Rohani, de nature totalement différente, se rejoignent donc sur un point directement lié à notre paracha de la semaine, « Balak » : la perception visuelle des choses. Ils nous enseignent, en effet, que les mêmes choses peuvent être vues et perçues de manière différente.

Ce que Bileam a vu d’ici, il ne l’avait pas vu de là !

Or c’est précisément l’une des leçons que nous livre le prophète des Nations qu’était Bileam. Nos sages nous expliquent que Bileam était un homme cupide et mauvais qui captait les étincelles de Mal dans le monde. C’est pourtant cet homme, mobilisé par le roi de Moav Balak pour maudire les Enfants d’Israel, qui va prononcer quelques unes des plus belles bénédictions adressés à notre peuple. Le Kli Yakar, rabbi Ephraïm Luntshitz rappelle dans son commentaire que dans la paracha, Bileam sépare ses paroles en quatre séries. A l’issue des deux premières, la Torah mentionne étonnement le fait que Bileam était borgne  et elle poursuit avec la troisième et quatrième série de Bra’hot! Pourquoi cette mention tardive ? Le Kli Yakar explique que les deux premières séries de bénédiction sont sorties contre le gré de Bileam. Il voulait maudire le peuple juif qu’il détestait, mais Hachem a placé dans sa bouche des bénédictions. Par contre, devenu borgne, sa vue s’est modifiée, son regard s’est focalisé et son œil valide a été ébloui par les mérites du Am Israel, par la pudeur des Enfants d’Israël dont les tentes étaient disposées, disent nos sages, de telle sorte que l’intimité de chacun était respectée. Lorsque Bileam voyait de ses deux yeux, il voyait le Mal. Pire, il était incapable de voir l’ange de D. que sa propre ânesse voyait ! Par contre devenu borgne, il a vu le Bien. Et lorsqu’il a prononcé les deux dernières séries de bénédictions, il était profondément sincère. A tel point, ce sont ces bénédictions que nous récitons chaque matin en commençant notre prière : « Que tes tentes sont belles  ô Jacob, et tes résidences ô Israël ».

Ce que Bileam a vu d’ici, il ne l’avait pas vu de là !

Chabbat Chalom !

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