Société

Comment Charles Aznavour et sa famille ont sauvé des Juifs pendant la Shoah

07/11/2017 | par Yvette Miller

Au péril de leur vie, les Aznavour ont dissimulé plusieurs Juifs dans leur modeste appartement parisien.

Décédé à 94 ans , Charles Aznavour est une légende incontestée de la chanson française. Pendant plusieurs générations, sa voix magnifique et ses paroles empreintes de sensibilité lui ont valu le titre de l’un des artistes français les plus populaires de tous les temps.

Parmi les nombreux inconditionnels d’Aznavour, certains lui prêtent, à tort, une origine juive. Mais leur erreur est excusable. Après tout, il a interprété plusieurs personnages juifs tout au long de sa carrière cinématographique. Quant à sa version de la chanson yiddish culte La Yiddishe Mama, elle fait partie de ses tubes indémodables. Plus récemment, en 2011, Aznavour a chanté J’ai connu, une chanson poignante qui décrit l’horreur vécue par un Juif incarcéré dans un camp de concentration nazi. Enfin, l’artiste français s’est produit à plusieurs reprises en Israël, dont le mois dernier à Tel Aviv.

Lors de sa récente visite dans l’État juif, Aznavour et sa sœur Aïda ont reçu des mains du président israélien, Réouven Rivlin, la médaille Raoul Wallenberg pour saluer le courage de leur famille qui a sauvé la vie à des juifs et des Arméniens pendant la Seconde Guerre mondiale. Un titre honorifique accordé par la fondation internationale du même nom.

Aznavour reçoit des mains du président Réouven Rivlin, la médaille Raoul Wallenberg en Israël.

Issu d’un couple d’origine arménienne installé à Paris pour fuir le génocide des autorités turques déclenché en 1915, Aznavour était jusque-là resté assez discret sur les agissements héroïques de ses parents pendant la guerre.

Il a fallu attendre 2016 pour que le public découvre cette facette ignorée du chanteur français. Aznavour s’est en effet associé au chercheur israélien Dr Yaïr Auron pour écrire un livre en hébreu publié en Israël qui révèle l’aide apportée par sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale. Intitulé Matsilim tsadikim vélo’hamim (Sauveurs, justes et combattants), l’ouvrage a déjà été traduit en anglais et verra prochainement le jour également en français et en arménien.

Aznavour se souvient : « Nous avons grandi ensemble dans le Marais », un quartier parisien où de nombreux immigrants, y compris des réfugiés juifs et arméniens, vivaient côte à côte. « Ils étaient nos voisins et nos amis. » Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, Charles Aznavour, alors adolescent, vivait avec ses parents Mischa et Knar Aznavour et sa sœur Aïda au 22 rue de Navarin, dans le 9ème arrondissement. Et comme le révèle le chanteur, ce modeste trois-pièces ne tarda pas à devenir un lieu de refuge pour des Juifs et d’autres individus qui étaient recherchés par les Nazis.

Portrait de la famille Aznavour dans les années 1920. Le père de Charles, Mischa (centre) se trouve aux côtés de son épouse, Knar.

La première personne que la famille Aznavour dissimula fut un Juif roumain qui vivait en Allemagne. Ce Juif, dont le nom a échappé au chanteur, avait été accusé de subversion et condamné à mort. Il s’était échappé en France en se déguisant en soldat allemand mais avait ensuite été découvert et était donc recherché par la Gestapo. Un ami alerta Mischa Aznavour du danger couru par ce Juif et la famille le recueillit.

Aïda Aznavour, sœur du chanteur, témoigne dans le livre : « Nous avions compris que les Juifs allaient être victimes de traitements brutaux. Nous étions emplis de tristesse et de chagrin envers eux. » Ayant nous-mêmes fui des persécutions en Arménie, « nous savions ce qu’était un génocide. »

Il était évident que si les Nazis découvraient cet homme dans notre maison, ils nous tueraient sur-le-champ.

Aïda se souvient que ses parents n’eurent jamais la moindre hésitation à cacher des Juifs, « même s’il était évident que si les Nazis découvraient cet homme dans notre maison, ils nous tueraient sur-le-champ. Nous lui avons dit que notre maison était la sienne, et l’avons accueilli chaleureusement, comme un bon ami qui devait prolonger son séjour. Pendant plusieurs jours, il a même dormi dans le même lit que Charles. »

Par la suite, une amie des Aznavour leur demanda de cacher son mari juif qui, selon les souvenirs de Charles et Aïda, se prénommait Simon. Simon avait été raflé avec d’autres Juifs parisiens et envoyé au camp de concentration de Drancy, mais il avait réussi à s’en échapper. Les Aznavour le recueillirent et, un peu plus tard, Charles et Aïda se souviennent qu’ils dissimulèrent un troisième Juif dans leur minuscule appartement.

Alors que l’occupation à Paris se poursuivait, la famille Aznavour donna également l’asile à des soldats arméniens qui avaient été enrôlés de force dans l’armée allemande et avaient préféré déserter plutôt que combattre pour le régime nazi. Par moments, il y eut jusqu’à onze réfugiés qui se cachaient dans l’appartement familial, dormant à même le sol la nuit venue.

Mischa et Knar Aznavour aidèrent les réfugiés à obtenir des faux papiers. Charles et Aïda leur furent également d’un grand secours. Les deux adolescents se chargèrent de brûler les uniformes nazis des déserteurs arméniens puis d’en jeter les cendres loin de la maison.

La famille Aznavour était proche d’un autre couple arménien vivant à Paris, Mélinée et Missak Manouchian, qui participèrent à la création puis à l’organisation d’un mouvement de résistance clandestin appelé L’affiche rouge. Charles Aznavour explique si ses parents n’étaient pas des membres officiels du groupe, ils vinrent en aide à plusieurs membres de l’organisation. En outre, quand le couple Manouchian fut traqué par la Gestapo, seuls les Aznavour acceptèrent de les cacher chez eux tandis que leurs autres amis refusèrent de risquer leur vie pour les aider.

Charles Aznavour explique : « Mes parents savaient que le danger était présent au quotidien, mais ma sœur et moi-même ne l’avons réalisé que plus tard. Nous étions des jeunes gens un peu fous. Nous vivions notre adolescence pleinement et nous suivions les traces de nos parents. Ce ne fut qu’après la guerre que nous avons pris pleinement conscience de l’ampleur du risque encouru. »

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