Société

Décapitation de James Foley : comment affonter l'État islamique ?

24/08/2014 | par rabbin Benjamin Blech

Il ne suffit pas de condamner le mal. Il faut aussi l’affronter et l’éradiquer.

Au lendemain de la Shoah, Romain Gary résuma l’essence de la civilisation en ces termes éloquents :

« La différence entre les Allemands héritiers d'une immense culture et les Simbas incultes, c'est que les Simbas mangeaient leurs victimes, tandis que les Allemands les transformaient en savon. Ce besoin de propreté, c'est la civilisation. » (in La Danse de Gengis Cohn)

La semaine dernière, James Foley, un journaliste américain, fut brutalement et sadiquement décapité par un terroriste cagoulé à l’accent britannique distingué, armé d’un couteau de 15 cm. Et il n’a fallu que quelques secondes pour que les images de ce meurtre sordide se répandent sur YouTube. Cette propagation quasi-instantanée du virus de la violence au moyen des technologies modernes, c’est cela qui est en train de devenir le symbole de la civilisation du 21ème siècle.

S’il s’est dit pleinement conscient des horreurs perpétrées par l’État islamique – qui tue des innocents, assassine ceux qui ne partagent pas leurs croyances, enlève des femmes les soumettant à la torture, au viol et à l’esclavage – Barack Obama s’est pourtant montré confiant en l’avenir : « En fin de compte, les gens comme l’EIIL échouent. Ils échouent parce que le futur appartient à ceux qui construisent, et non à ceux qui détruisent. Le monde est façonné par les gens comme Jim Foley et l’écrasante majorité de l’humanité, horrifiée par ceux qui l’ont tué. »

Et pourtant, ni l’Histoire ni la Bible ne semblent confirmer ce pronostic optimiste du président des États-Unis.

Il ne suffit pas que l’écrasante majorité de l’humanité soit horrifiée par le mal pour que celui-ci triomphe du bien.

Certes, l’humanité a fait de grands progrès en avant. De nombreuses sociétés civilisées valorisent la vie humaine tout en rejetant le racisme et autres préjugés. Mais l’avenir de l’humanité n’en est pas pour autant garanti. Le mal est encore trop répandu pour que nous puissions céder à la complaisance. Et, une chose est certaine, il ne suffit pas que l’écrasante majorité de l’humanité soit horrifiée par le mal pour que celui-ci triomphe du bien.

Prenez l’Allemagne nazie qui aspirait à conquérir le monde entier en exterminant des peuples entiers et en subjuguant tous les autres pays et cultures sous sa botte. Au début, ses intentions maléfiques passèrent inaperçues aux yeux d’un monde incapable d’imaginer l’existence d’un mal d’une telle ampleur. Puis Hitler publia son Mein Kampf et le monde civilisé cria à l’horreur. Mais il ne fit rien pour l’empêcher de mettre ses funestes plans à exécution. Les « Chamberlains » du monde entier prônèrent l’acceptation passive du mal au nom de la paix. Alors que les Nazis construisirent leurs camps de concentration et leurs fours crématoires, le monde redoubla d’indignation. Mais leur consternation n’empêcha guère les Allemands de faire fonctionner ces machines de la mort à plein régime.

Si les valeurs du monde civilisé ont subsisté à ce jour, c’est uniquement parce que les Alliés comprirent que la simple indignation ne suffisait guère pour lutter contre un mal qui menaçait la pérennité même de l’humanité.

Ce qui sauva le monde c’est la prise de conscience d’une vérité biblique : il ne suffit pas de condamner le mal pour le vaincre, il faut aussi l’affronter et l’éradiquer.

Un temps pour la paix, un temps pour la guerre

Quelques temps après que les enfants d’Israël aient acquis leur identité nationale suite à la sortie d’Égypte, ils furent attaqués par un peuple connu sous le nom d’Amalécites. Dieu leur dévoila alors la réaction attendue d’eux dans ces circonstances : « Alors Moïse dit à Josué: Choisis-nous des hommes, sors, et combats Amalek. » Ce n’est qu’une fois cet ordre de combat donné que Moïse, Aaron et Hur montèrent au sommet d’une colline surplombant le champ de bataille et prièrent Dieu de leur accorder la victoire.

Lorsque Josué et ses soldats triomphèrent des Amalécites, Dieu ordonna à Moïse de consigner leur victoire dans un livre pour la postérité. Les Amalécites devinrent le paradigme des malfaiteurs dans chaque génération et la réaction retranscrite dans la Torah était censée être un message éternel : combattez, priez et ne devenez pas victimes du mal en refusant de vous y confronter.

Chaque génération possède son propre Amalécite. Les juifs sont malheureusement bien placés pour le savoir. Et comme l’histoire nous l’a enseigné, dans les mots éternels de l’Ecclésiaste : « il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre. »

Lors d’une récente cérémonie de commémoration de la Shoah tenue au Mémorial de l’Holocauste de Berlin, le ministre israélien des Finances Yaïr Lapid s’interrogea tout haut : « Pourquoi le monde ne s’est-il pas battu ? C’est la question qui me hante. C’est la question qui hante le peuple juif depuis l’arrivée du dernier train à Auschwitz. Et la réponse, la seule et unique réponse, c’est qu’ils n’étaient pas totalement convaincus de la gravité du mal. »

Alors que les historiens peinent à comprendre le déclin périlleux de l’Occident et ses valeurs face à la barbarie islamique, nous ne pouvons qu’espérer que cette même question ne sera pas posée par nos descendants à notre sujet... Pourquoi le monde ne se bat-il pas ? Pourquoi les pays démocratiques se contentent-ils d’exprimer leur indignation alors que ces Amalécites des temps modernes s’attaquent à l’essence même du monde civilisé ?

Plusieurs décennies en arrière, l’orientaliste Bernard Lewis fut assez perspicace pour le remarquer : nous sommes actuellement engagés dans un véritable « choc des civilisations et une réorganisation des ordres mondiaux. » Et le choix qui s’offre à nous n’est nul autre qu’un écho à celui que Moïse plaça devant le peuple d’Israël : « J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité. »

Le meurtre atroce de James Foley doit susciter plus que de l’indignation de notre part. Il doit devenir un tournant décisif pour tous ceux qui tiennent à faire triompher la sainteté de la vie sur le culte de la mort. Il doit nous alerter quant à l’existence d’un mal dont nous n’aurions jamais imaginé l’ampleur et que nous continuons naïvement à refuser d’admettre.

Mais par-dessus tout, il doit nous exhorter à reconnaître que l’heure n’est plus à la simple condamnation. Nous devons être bien plus qu’horrifiés par ce meurtre. Nous devons affronter le mal droit dans les yeux et tout faire pour l’éradiquer si nous ne voulons pas nous rendre coupables de suicide.

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