Société

Gad Elmaleh : un papa juif à Monaco

27/06/2014 | par Millie Salomon

Le célèbre humoriste juif vient d’avoir un petit garçon avec Charlotte Casiraghi, fille de Caroline de Monaco. Amour, gloire et pouponnage dans la principauté... Mais à quel prix ?

« La famille princière a un nouveau membre, a annoncé le 18 décembre 2013 le président du Conseil national, Laurent Nouvion, lors d'une séance de la Haute assemblée de Monaco. L'enfant a été baptisé Raphaël. »

L’annonce lapidaire a dû en laisser plus d’un perplexe. S’agit-il du fils de Gad Elmaleh, le comique le plus drôle, le plus aimé et le mieux payé de France ? Le fils du petit Juif du Maroc qui a fait une magnifique carrière à Paris, enchaînant one-man shows, films, succès médiatiques, et reçu la distinction d’officier des Arts et des Lettres ?

Pour les journalistes people et les fans du comique, la question ne se pose pas : ce n’est plus un secret pour personne que Gad Elmaleh est le compagnon de Charlotte Casiraghi, la fille de Caroline de Monaco. Pour eux et pour les autres qui viennent d’apprendre la nouvelle, la question est pourtant la même : le comique, qui a toujours revendiqué haut et fort son appartenance au peuple juif a-t-il payé la rançon du succès en donnant naissance à un second enfant non-Juif ?

Les feux de la rampe

Qui n’a jamais rêvé d’être sous les feux des projecteurs ? Le succès, l’argent, la gloire et la reconnaissance ne font-ils pas envie à tout le monde ? Et même si l’on sait que derrière les paillettes et les strass, la réalité est parfois crue, le prestige de la star fait toujours vibrer en nous une corde sensible.

Car ce que recherche chaque être humain est d’être apprécié par ses semblables, être aimé et de recevoir des marques d’estime. Or, qui mieux que l’acteur (-trice) ou le chanteur (-se) qui s’expose aux regards et offre sa personnalité au public, récolte immédiatement ces fruits si précieux… et pourtant si dangereux.

En favorisant l’extériorité, on sacrifie la vraie postérité tant convoitée sur l’autel d’une gloire passagère.

Car l’intériorité est forcément reléguée au second plan. Tous les personnages publics le reconnaissent : la notoriété est parfois un lourd fardeau. Il faut sans cesse penser à son image, ménager la chèvre et le chou, au risque de faire des concessions, cultiver l’égo au dépend du moi réel. En bref, un prix cher payé pour une gloire éphémère.

Car combien de temps les vedettes de ce monde peuvent-elles prétendre plaire ? « Cueillez votre jeunesse » disait le poète, « Cultivez votre intériorité », lui répond le Sage. En favorisant l’extériorité, on sacrifie la vraie postérité tant convoitée sur l’autel d’une gloire passagère.

Du couscous boulettes à la Sagesse ancestrale

L’intériorité et l’extériorité, c’est quoi ? Même si dans bon nombre de ses shows et interviews, Gad Elmaleh s'est souvent fait un point d'honneur à revendiquer son identité juive, l'attachement au judaïsme va beaucoup plus loin qu'un simple lien sentimental ou nostalgique.

Pour tous, le judaïsme est d’abord une tradition plus ou moins ancrée dans la vie quotidienne. Certains évoqueront le couscous boulettes de leur grand-mère, les autres les chants du shtetl de leur grand-père. Les coutumes ont laissé des traces et il n’est pas rare de rencontrer des Juifs qui s’ignorent, vibrer au chiffre cinq ou redouter le mauvais œil, sans savoir vraiment pourquoi.

L’alliance sera éternelle. Mais encore faut-il la respecter…

Plus profondément, la culture de nos aïeux a marqué nos tempéraments, nos caractères, ce que l’on appelle les « midoth » en hébreu. Il y a aussi des réactions quasi viscérales, jugées intempestives par nos amis non-Juifs, concernant Israël, les négociations de paix et les territoires. Comme d’ailleurs tout ce qui touche à la Shoah, à une époque ou un autre comique, antisémite celui-là, profère des insultes à l’encontre des victimes et des survivants…  

Malgré tout, le judaïsme ne se limite pas à tout cela. Qu’ils soient ou non porteurs du nom juif, les fils de Jacob doivent choisir entre les marques extérieures de richesse (notre culture n’est-elle pas l’une des plus riches au monde ?) et la véritable richesse, celle d’un trésor ancestral, légué à nos ancêtres au pied du mont Sinaï. Au fond de chaque âme d’Israël, vibre à l’unisson la promesse faite il y a trois mille ans : l’alliance sera éternelle. Mais encore faut-il la respecter…

Un choix coupable

Au-delà de la question de la circoncision des enfants nés d’unions mixtes soulevée par les médias dans la foulée de la naissance du petit Raphaël, se pose celle, plus épineuse encore, des problèmes identitaires.

Car même si la fibre juive s’exprime dans les traditions culinaires ou musicales, les statistiques parlent d’elles-mêmes : dans le cas des mariages mixtes, l’assimilation de la seconde génération est galopante (92% de ces enfants se marient eux-mêmes avec des non-Juifs). Il ne suffit donc pas de perpétuer certains rites pour être préservé de ce fléau qui menace le peuple juif.

Faut-il se rendre au réveillon de Noël ou à la fête de Hanouka ?

Les enfants, censés choisir entre la religion ou l’athéisme, entre l’attachement à certaines valeurs ou à l’adhésion au courant dominant sont ballottés et souffrent d’un manque de repères identitaires. Faut-il se rendre au réveillon de Noël ou à la fête de Hanouka ? Ces questions créent une cassure chez les adolescents, laissent des empreintes indélébiles et un goût amer aux parents. D’autant que lorsqu’un enfant choisit la religion du père ou celle de la mère, il aura toujours l’impression d’avoir fait un choix coupable, puisqu’il aura apparemment délaissé l’un de ses parents. Ces conflits intérieurs sont destructeurs et mettent en danger la cellule familiale.

Plus que jamais, la question de la spiritualité est centrale au cœur de chaque foyer. « Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas » affirmait Malraux. Nous sommes maintenant confrontés à cette réalité de près, alors que la question de la transmission devient fondamentale pour tout Juif.

Un garant infaillible

La pérennité d’Israël relève du miracle et nombreux sont ceux qui se sont interrogé sur sa nature. Si les valeurs traditionnelles se peuvent nous prémunir de l’assimilation, il existe une valeur sûre qui nous prémunit de l’oubli.

Comment aurait réagi Baba Yehia à l’annonce de la naissance de son petit-fils, futur prince monégasque ?

Un célèbre Midrach explique qu’au moment de recevoir la Torah, D.ieu demanda aux Hébreux un garant. Ceux-ci Lui présentèrent les Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob. Ils avaient été les précurseurs du message divin dans le monde et pouvaient témoigner pour leurs descendants. Mais D.ieu refusa la proposition. Il fallait trouver quelqu’un d’autre. On Lui fit alors part d’une nouvelle idée : celle d’accepter comme garants les enfants. Et là, D.ieu accepta. Les enfants, tout au long de l’histoire tourmentée et sublime du peuple juif, ont permis sa continuité. Ils ont assuré sa permanence, relevé tous les défis et inscrit nos noms dans l’éternité d’Israël.

Ne dit-on pas Jonathan, fils de Samuel ? Ne dit-on pas Gad fils de David ? Mais Raphaël se définira t-il comme fils de Gad ? Rien n’est moins sûr… Comment aurait réagi l’incontournable personnage de Baba Yehia, grand-père si touchant en butte à la modernité, si bien campé par Gad Elmaleh, à l’annonce de la naissance de son petit-fils, l'enfant vedette du Rocher ?

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