Société

La France est-elle toujours la France ?

01/05/2017 | par Fred Maroun

Face au terrorisme antisémite, Renaud a promis que la France « n'oubliera jamais ». Je veux le croire. Mais il ne suffit pas de ne pas oublier. Il faut aussi agir.

Bien que je n’aie vu la terre de France que tard dans ma vie, j’ai grandi au Liban dans la culture française, à travers sa littérature, sa musique, sa philosophie, et ses idées politiques. Pour moi « Liberté, Égalité, Fraternité » n’était pas seulement un slogan, c’était une vision sociale révolutionnaire et avant-gardiste. Mais aujourd’hui je me demande si la France est toujours la France.

Comme l’a dit le Premier ministre Manuel Valls le 13 janvier 2015 à l'Assemblée nationale, « sans les juifs de France, la France ne serait plus la France ». Deux ans plus tard, la France est-elle toujours la France ?

De 2014 à 2016, 20 000 Juifs ont quitté la France pour Israël, donc la France a perdu 4% de sa population juive en trois ans, sans compter les Juifs qui l’ont quittée pour d’autres destinations, tels que le Québec. Parmi ceux qui restent, Le Point estime que 40% envisagent de quitter en raison de l’antisémitisme.

Alors que la France avait un Émile Zola, elle avait aussi un Félix Faure. Alors que la France avait un Jean Moulin, elle avait aussi un Philippe Pétain.

D’après Le Figaro, « alors qu'en 2015, 7000 juifs ont quitté la France pour Israël, ils ne sont plus que 5000 en 2016 », mais pourquoi le nombre n’est-il pas zéro ? Malgré la vie plus difficile en Israël, la différence de langue, le terrorisme qui est bien plus élevé qu’en France, et les menaces incessantes contre l’État d’Israël, les Juifs français continuent de faire l’alya en grands nombres chaque année. Et cela, c’est sans compter ce que Le Point appelle une « alya interne », la fuite des Juifs d’une région à l’autre, à l’intérieur même de la France. L’Express montre que la Seine-Saint-Denis a été désertée par les familles juives.

Les Juifs de France sont harcelés, agressés, et intimidés. « Depuis dix ans, des Juifs sont à nouveau tués parce qu’ils sont juifs », dit Alain Jakubowicz, président de la Licra (Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme). Seuls les antisémites ont des raisons de se réjouir.

Quand on demande si la France est toujours la France, ne soyons pas naïfs. Alors que la France avait un Émile Zola, elle avait aussi un Félix Faure. Alors que la France avait un Jean Moulin, elle avait aussi un Philippe Pétain. Nulle nation n’est parfaite, mais la grandeur de la France a toujours été sa capacité de faire face à ses maux, de se renouveler, et d’être encore une fois plus grande, plus égalitaire, et plus juste.

S’il est élu président, Emmanuel Macron va attaquer la division archaïque entre la droite et la gauche, mais une tâche bien plus ardue qui l’attend c’est la lutte contre l’antisémitisme.

S’il est élu président, Emmanuel Macron va attaquer la division archaïque entre la droite et la gauche, mais une tâche bien plus ardue qui l’attend c’est la lutte contre l’antisémitisme.

L’antisémitisme d’aujourd’hui, c’est surtout l’antisionisme. Valls l’a suggéré quand il a dit que l’antisémitisme français existe « sur fond des détestations de l’État d’Israël », mais ayons le courage de le dire ouvertement et clairement. Le sociologue Michel Wieviorka reconnait que les antisémites d’aujourd’hui sont « ceux qui se définissent d’abord comme antisionistes ». Il ne suffit pas de dénoncer l’antisémitisme si l’on ne dénonce pas l’antisionisme.

Quand on refuse au peuple juif le droit d’avoir un pays à lui alors que d’autres peuples en ont plusieurs, c’est de l’antisémitisme. Quand on lamente les morts de Palestiniens causées par des ripostes israéliennes alors qu’on n’a rien fait pour éliminer le terrorisme palestinien,  c’est de l’antisémitisme. Quand on dénonce les colonies israéliennes en Cisjordanie alors qu’on ne reconnait pas que les Juifs y ont vécu pendant des siècles et ont été chassés par les Arabes, c’est de l’antisémitisme. Quand on déplore la force militaire d’Israël alors qu’on sait que le monde arabe a refusé la paix à Israël dès son indépendance, c’est de l’antisémitisme. Quand on appuie un boycott d’Israël alors qu’on oublie tous les pays où les droits de l’homme sont bien pires qu’Israël, c’est de l’antisémitisme. Quand on juge Israël d’après une norme qu’on refuse d’appliquer aux Arabes ou même à soi-même, c’est de l’antisémitisme.

Comme l’a dit Valls, « il faut le dire, il faut poser les mots pour combattre cet antisémitisme inacceptable ». Mais cet objectif n’a pas été atteint. Loin de là. Le langage antisioniste et donc antisémite est toujours aussi prévalent en France aujourd’hui qu’il l’était quand Valls a fait ce discours.

Marine Le Pen veut interdire le port de la kippa dans l’espace public, et elle veut empêcher les juifs français d’avoir la citoyenneté israélienne, et pourtant elle a obtenu les votes de 21.3% des Français. Jean-Luc Mélenchon est pour le boycott d’Israël, et pourtant il a obtenu les votes de 19.6% des Français. De plus, les sondages indiquent qu’un tiers des électeurs de François Fillon (qui a obtenu 20% des votes au premier tour) sont prêts à voter pour Le Pen. Donc près de 50% des Français appuient ou tout au moins tolèrent des programmes politiques antisémites.

Pour attaquer l’antisémitisme en France, il faut attaquer l’antisionisme de pleine force, sans relâche et sans ambiguïté.

Il faut reconnaitre que le gouvernement français ne s’est pas contenté de faire un discours. Les forces de l’ordre ont été déployées pour protéger les écoles et les communautés juives. Mais n’est-t-il pas honteux qu’en 2017, soixante-douze ans après la fin de la Shoah, telle protection soit encore nécessaire non seulement au cœur même de l’Europe, mais en France ? De plus, cette protection coûte cher, et elle a déjà diminué, forçant les juifs à s’habituer au danger.

Face au terrorisme antisémite, Renaud a promis que la France « n'oubliera jamais ». Je veux le croire. Mais il ne suffit pas de ne pas oublier. Il faut aussi agir.

Pour attaquer l’antisémitisme en France, il faut attaquer l’antisionisme de pleine force, sans relâche et sans ambiguïté. Avant d’aborder quelque sujet qui touche aux droits des Palestiniens, il faut préciser que le droit d’Israël d’exister en sécurité en tant qu’état juif est inaliénable. Il faut dire et répéter que les droits des Palestiniens ne seront assouvis que si le monde arabe se conforme à cette exigence.

Macron aura-il le courage de mener cette bataille ? Je ne le sais pas, mais je sais que l’avenir de la France en dépend. 

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