Société

Noël a-t-il du bon pour les Juifs?

24/12/2015 | par rabbin Benjamin Blech

Le plus grand défi posé à notre foi n'est pas l'existence d'une autre foi mais l'absence de foi.

Plus d'une fois, j’ai entendu mes parents dire combien ils redoutaient la saison de Noël.

Vivant dans un shtetl en Pologne, ils savaient ce qui les attendait chaque année. Le prêtre de la paroisse locale délivrait son sermon rempli d'invectives contre les Juifs, reconnus coupables du crime de déicide, responsables de la crucifixion horrible de leur dieu et donc méritant amplement toute punition que l’on jugerait bon de leur infliger.

Il n’est guère étonnant alors que ce moment de pure joie chrétienne signifiait exactement le contraire pour leurs voisins juifs. Ces jours destinés à une prétendue manifestation de « bonne volonté envers autrui » furent trop souvent marqués par des pogroms, des attaques et des démonstrations violemment  antisémites.

Heureusement, ce temps-là est révolu. L'Occident dans sa majorité prêche la tolérance religieuse tant légalement que culturellement. Chrétiens et Juifs sont respectueux les uns envers les autres. De temps en temps, il arrive qu’un incident isolé survienne, risquant de venir ternir les liens amicaux qu’entretiennent ces religions mais nous pouvons dire qu’en gros, nous avons appris à nous entendre dans une société pluraliste.

En raison des caprices du calendrier hébreu, les dates de Noël et Hanouka peuvent coïncider ou être plus ou moins espacées, les possibilités variant d’une année à l’autre. Mais quoiqu’il en soit, Chrétiens et Juifs célèbrent presque toujours leurs traditions respectives au mois de décembre.

Ce sont nos tympans qui, de nos jours, se font agresser, forcés d'endurer ces chants de Noël interminables.

Et cette  «guerre de calendrier» semble déranger certains Juifs. Il va sans dire que notre problème avec Noël n’est en rien comparable avec celui auquel devaient faire face mes parents en Pologne. Ce sont nos tympans qui, de nos jours, se font agresser, forcés d'endurer ces chants de Noël interminables qui sont monnaie courante en cette saison. Personne n’essaye de nous convertir de force. Personne ne nous oblige à mettre chez nous une réplique miniature du sapin de Noël se trouvant au pied de la Tour Eiffel. Personne ne nous roue de coups parce que nous avons choisi de ne pas saluer d’un « Joyeux Noël » enthousiaste ceux que nous croisons. Mais tout de même ...

Je l’entends sans cesse : des Juifs exprimant leur mécontentement de voir cet étalage de foi chrétienne dans les lieux publics. Des Juifs craignant que, d’une certaine manière le Père Noël des Galeries Lafayette en arrive à souiller leurs propres enfants. Des Juifs au premier rang de ceux qui protestent contre toute sorte d’expression religieuse de quiconque aurait une croyance différente de la nôtre. Noël, proclament-ils, est par définition une menace pour le Judaïsme et le peuple juif.

Mais quelque chose me dit qu'ils se trompent.

La France fut assez sage pour séparer l'Église de l’État. Nous connaissons les dangers posés par des gouvernements favorables à une religion plutôt qu'une autre. Mais l'esprit d’une telle séparation ne fut jamais de nier l'importance d'une religion, quelle qu’elle soit. Aussi, en tant que Juifs, il nous faut reconnaitre, je pense, que le plus grand défi posé à notre croyance n’est pas l'existence d'une autre croyance mais l’absence de croyance. Nous devrions avoir plus peur de ceux qui rejettent en se moquant l’idée même d’une puissance supérieure que de ceux qui choisissent de lui rendre hommage d’une manière différente.

Nos enfants aujourd'hui sont davantage menacés par l'esprit de laïcité que par des chants dédiés à proclamer la sainteté d’une nuit. Nous vivons dans une époque où quelqu’un comme Christopher Hitchens (journaliste et écrivain anglo-américain pour qui «  le concept d’un dieu ou être suprême est une croyance totalitaire visant à détruire la liberté individuelle) peut compter des lecteurs par millions, tout prêts à dévorer ses best-sellers comme  Dieu n'est pas grand, comment la religion empoisonne tout, ou L’Athée Ambulant: Lecture Essentielle pour le non-croyant.

Vivre parmi des Chrétiens qui montrent leurs engagements pour leurs croyances religieuses est à mon sens un bien meilleur exemple pour mes coreligionnaires que celui d’un mode de vie séculaire, reposant uniquement sur des choix hédonistes.

Entouré de toutes parts de guirlandes de Noël, je n'ai jamais eu du mal à expliquer à mes enfants ou à mes étudiants que, bien que partageant la croyance en Dieu, nos deux religions étaient différentes et nos chemins séparés. Le Christianisme est une religion de crédos, nous sommes une religion d’engagements. Les Chrétiens croient que Dieu devint Homme. Nous croyons que l'Homme doit s’efforcer de devenir de plus en plus semblable à Dieu.

Nous différons d'innombrables façons. Pourtant, Noël nous permet de nous rappeler que nous ne sommes pas seuls dans notre reconnaissance du Créateur de l'univers. Nous avons foi en une puissance supérieure.

Se demander pourquoi nous ne célébrons pas Noël est le premier pas vers une prise de conscience de son Judaïsme.

Pour être parfaitement honnête, la saison de Noël a pour conséquence certains résultats très positifs chez les Juifs. C'est le moment où de nombreux Juifs, à force de voir leurs voisins si occupés avec leur religion, en viennent à se demander ce qu’ils savent de la leur. Commencer à se demander pourquoi nous ne célébrons pas Noël est déjà faire un premier pas vers une prise de conscience de son Judaïsme.

On « rappelait » de force à mes parents, par des actes de violence, qu’ils étaient juifs. Ces rappels sont de nos jours plus subtils mais continuent néanmoins d’exister. Ainsi lorsque les Juifs prennent la peine de chercher l’équivalent juif de Noël, ils découvrent peut-être pour la première fois la beauté de Hanouka et les messages si beaux du Judaïsme. Leur rencontre forcée avec une fête d'une autre religion leur fait vivre la beauté d’une autre fête qui, elle, est bien la leur.

Alors ce Noël, plongez-vous donc dans un bon livre juif ou assistez à un cours sur le Judaïsme.

Vous allez peut-être me trouver naïf mais aujourd'hui, j'aime vraiment cette période de fêtes. Parce que, au bout du compte, tous les gens de bonne volonté se rejoignent dans cette tâche qui est de placer le sacré au-dessus du profane.

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