Société

Quand Noël et Hanouka se rencontrent

22/12/2016 | par rabbin Benjamin Blech

Juifs et chrétiens divergent sur de nombreuses questions théologiques. Mais nous avons un point commun : nous sommes tous deux confrontés à une menace existentielle.

L’autre jour, j’ai reçu un appel très intéressant. À l’autre bout du fil, le reporter d’un grand quotidien américain ayant remarqué que, cette année, la fête de Noël coïncidait avec l’allumage de la première bougie de Hanouka.

Et le journaliste de m’interroger : pourquoi, à la différence de Noël fêté invariablement le 25 décembre, Hanouka semble se promener librement entre les pages du calendrier ? Je n’ai pas eu grand mal à lui expliquer que contrairement au calendrier laïque qui est solaire, et comporte le nombre fixe de 365 jours par an (sauf les années bissextiles qui en comptent 366 afin de s’ajuster à la durée réelle de la rotation de la Terre autour du Soleil), le calendrier hébraïque est fondé sur le cycle de la Lune. En effet, à travers ses phases et ses cycles, cette dernière sert de symbole à l’histoire du peuple juif.

Mais le rituel juif est également attaché au rythme des saisons (par exemple, la fête de Pessah doit tomber au printemps), lequel est déterminé par la position de la Terre par rapport au Soleil. Or une année lunaire de 12 mois ne comporte que 354 jours, ce qui conduirait à un décalage par rapport aux saisons. Nos sages ont donc effectué un ajustement en intercalant un treizième mois à raison de sept années sur dix-neuf. Et c’est ainsi que la correspondance nécessaire est assurée entre le calendrier lunaire et les saisons.

C’est la raison pour laquelle la date de Hanouka peut osciller depuis fin novembre jusqu’à fin décembre, mais ni plus tôt ni plus tard. Le calendrier juif est donc une combinaison luni-solaire, contrairement au calendrier chrétien qui est exclusivement solaire, ou encore au calendrier musulman qui est exclusivement lunaire (ce qui explique pourquoi le Ramadan peut tomber à n’importe quelle saison de l’année).

Le journaliste m’a remercié avant de conclure avec une dernière et fascinante question : puisque la coïncidence qui se remarque cette année est assez rare, ne s’étant produite que quatre fois au cours du siècle passé, pourriez-vous peut-être lui attribuer une certaine signification ? Y aurait-il un message implicite derrière le fait que ces deux grandes croyances  célèbrent leurs traditions religieuses en même temps.

Je l’ai remercié d’avoir interpellé ma curiosité sur le sujet. Le fait que chrétiens et juifs partagent un grand moment de réflexion spirituelle doit peut-être nous conduire à nous pencher, ensemble, sur la menace existentielle contemporaine que nous affrontons tous les deux.

Le miracle de Hanouka ne célèbre pas une victoire militaire. La bataille ne fut pas celle de deux armées ennemies se disputant un territoire. Ce fut une lutte entre deux idéologies opposées, un conflit de cultures qui avait pour objectif de déterminer le sens futur de l’histoire et l’identité de ses acteurs principaux. Le monde serait-il dominé par la vision laïque des Grecs, laquelle mettait l’accent sur le culte du corps et l’hédonisme ? Ou serait-ce plutôt la quête de perfection spirituelle, mise en exergue par le judaïsme, qui deviendrait la jauge déterminante de l’humanité ?

Les Maccabées ne se contentèrent pas de lutter pour la cause de leur propre liberté religieuse. Ils ne cherchèrent pas uniquement à s’assurer que les juifs puissent de nouveau servir dans le Temple, être en mesure d’observer leur Sabbat, ou circoncire leurs nourrissons mâles en conformité avec leurs préceptes religieux. Ils désirèrent avant tout s’assurer que les courants de l’hellénisme ne balayent pas les vérités du judaïsme. Que la voix de l’âme ne soit pas réduite au silence par ceux dont le seul plaisir était les cris émanant de l’arène olympique.

L’enjeu de la bataille de Hanouka n’était autre que la survie du concept même de la sainteté. Le judaïsme enseignait que le but de la vie est que la vie doit avoir un but. L’hellénisme prônait que la vie n’a aucun but, de sorte que la seule chose qui restait à faire aux êtres humains était « mangez, buvez et soyez heureux, car demain vous mourrez. »

L’huile refuse de se dissoudre avec d’autres liquides ; elle ne perd pas son identité, à la différence d’autres liquides, quand elle est mélangée avec de l’eau.

Il est intéressant que l’huile soit devenue le symbole du miracle de Hanouka. Les commentateurs rabbiniques nous rappellent que ce liquide possède une caractéristique unique : il refuse de se dissoudre avec d’autres liquides ; il ne perd pas son identité, à la différence d’autres liquides, quand il est mélangé avec de l’eau. À l’instar des héros de l’histoire de Hanouka, l’huile ne « s’assimile » pas mais préserve son essence et monte à la surface. Plus intéressant encore, en hébreu, le mot huile se dit hachémen une anagramme du mot  néchama, l’âme.

Les juifs divergent des chrétiens sur de nombreuses questions théologiques. Nous ne sommes pas d’accord sur certains points cruciaux, comme l’identité de Dieu ou l’idée du Messie. Mais cela ne nous empêche pas d’être tous deux liés par un attachement à la moralité, à la poursuite d’une existence emprunte de sens.

À une époque ou les courants laïques de l’hellénisme menacent de nouveau les sources spirituelles de la survie humaine, il est bon de se souvenir que cette année, nous pouvons, au moins le temps d’un soir de décembre, célébrer ensemble la quête d’une vie pleine de sens.

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