Éducation

Éducation : l’erreur à ne pas commettre !

31/03/2014 | par Tzvi Nightingale

À prendre son enfant pour un roi, on court le risque d’en faire un tyran…

Une thèse universitaire menée par deux anthropologues américains est récemment parue ; elle étudie le fonctionnement des familles des classes moyennes. De nombreux items, cités dans le Wall Street Journal, concordent parfaitement avec les points que je me plais à enseigner depuis des années.

Citons notamment les conclusions suivantes : l’attention et le fonctionnement de ces familles sont entièrement centrés sur l’enfant, ce qui peut en partie expliquer le “syndrome de la dépendance” dont souffre la majorité d’entre elles. Selon le Dr Ochs, l’un des deux auteurs de cette thèse, les parents souhaitent développer la capacité d’indépendance de leur enfant ; mais en même temps, ils les élèvent de façon extrêmement précautionneuse et protectrice. Résultat : les gamins restent relativement dépendants, même lorsqu’ils atteignent l’âge de pouvoir agir par eux-mêmes.

De fait, les enfants occidentaux sont très peu actifs ou « utiles » au fonctionnement de la cellule familiale, en comparaison d’enfants vivant sous d’autres latitudes. Le Dr Ochs souligne que dans d’autres cultures, on exige des plus jeunes qu’ils contribuent de façon substantielle à la vie de la famille et de la communauté. Dans les Iles Samoa par exemple, les enfants servent leurs aînés à table, et attendent patiemment qu’ils aient fini, debout devant la table familiale, avant de manger eux-mêmes. Par contraste, les vidéos de l’enquête anthropologique montrent des parents complètement polarisés sur leurs enfants, faisant la majorité de leurs devoirs scolaires et volant à leur secours dès qu’ils paraissent être en difficulté, quelque soit le domaine ou la difficulté elle-même…

Pourtant, leurs échanges verbaux entre eux se limitent au strict nécessaire. D’ailleurs les auteurs soulignent que le simple fait de demander à un enfant de faire quoi que ce soit tourne vite à d’âpres négociations. Et quand les parents s’y risquent, ils semblent s’excuser d’oser réclamer une faveur, au lieu de demander simplement de l’aide ou tout autre service parfaitement légitime à la chair de leur chair... Des parents interviewés ont même avoué ne jamais rien demander à leur progéniture, car découragés par avance devant l’ampleur de la difficulté.

Il y a plusieurs années de cela, lorsque notre fille aînée Atara avait 4 ans, j’avais acheté un manuel d’éducation. L’ouvrage insistait beaucoup sur l’importance d’écouter les enfants et prétendait “aider les parents à comprendre les émotions de leurs enfants, à obtenir leur coopération, et à adopter des conduites alternatives à la discipline classique”. Avec mon épouse, nous nous sommes efforcés de suivre toutes les prescriptions de ce guide. Nous avons même expliqué à notre fillette que nous percevions sa frustration lorsqu’elle se balafrait pendant ses crises de colère, mais elle devenait de plus en plus insupportable.

Soudain me revint en mémoire une « page » du manuel d’éducation d’Irving Nightingale, c’est-à-dire un souvenir d’enfance de mon père. Je me mis alors à taper du poing sur la table et à promettre à ma chère petite un potch sur le tuchus (une petite claque sur le derrière en yiddish) si elle n’allait pas se mettre au lit immédiatement. Comme par magie, elle est devenue une enfant beaucoup plus docile… Comme quoi mes parents, sans doctorat, semblaient disposer d’outils plus efficaces à l'éducation des enfants de ces soi-disant experts.

Le centre d’intérêt des familles a dramatiquement basculé du tout-pour-les-parents au tout-pour-les-enfants.

En l’espace d’une seule génération, le centre d’intérêt des familles a dramatiquement basculé du tout-pour-les-parents au tout-pour-les-enfants. Aujourd’hui tout tourne autour de l’emploi du temps des enfants, de leurs besoins, de leurs souhaits et de leurs caprices. Bien entendu, le rôle des parents est d’assurer le bien-être, le confort matériel et la sécurité de leur enfant ; mais il est aussi de leur inculquer le respect de la discipline et le sens de la mesure et des responsabilités. Malheureusement, ce deuxième aspect du job parental semble être un art en voie de disparition.

Je constate que la plus grande erreur que commettent les parents est qu’ils craignent de passer pour des « lourds ». Pourtant, dans le même temps, ils s’attendent à obtenir discipline, respect des règles et participation aux tâches ménagères sans rien exiger explicitement de leurs enfants. Ce qui manque de façon cruciale aux familles d’aujourd’hui, c’est la détermination des parents à attribuer des tâches domestiques ou à confier des responsabilités, même si elles sont largement à la portée de leurs chers petits. Chez nous à la maison, personne n’y coupe ; même notre petite Batchéva âgée de 5 ans ne jouit pas de passe-droits. Et elle comprend parfaitement qu’elle doit ranger ses jouets ou encore poser son assiette dans l’évier, entre autres « missions » délicates que nous lui imposons. Et elle est toute heureuse de s’exécuter lorsque je lui demande de monter dans ma chambre pour me rapporter le trousseau de clefs oublié par mégarde.

Nos invités de Chabbath sont souvent épatés de voir nos ados se lever pour aider au service, et cela sans qu’on le leur demande. C’est tout simplement que nous les avons délibérément et activement élevés dans cet état d’esprit. Il n’y a rien de secret ou de magique dans tout cela. Il faut juste que les parents établissent dès le début une atmosphère de « dictature bienveillante » qui deviendra tout naturellement la norme familiale.

Aujourd’hui, le Saint des Saints en matière d’éducation est l’estime de soi. Mais un sérieux contresens plane sur cette notion. L’estime de soi d’un enfant ne grandit pas si son père ou son professeur se répand en faux éloges pour ménager son amour-propre, alors que le jeune a échoué et le sait parfaitement. La véritable estime de soi se construit lorsque des parents ont des exigences raisonnables envers leur enfant, et le félicitent lorsqu’il se lève de sa chaise, qu’il laisse tomber ses iPods, iPads et autres iPhones, et qu’il accomplit quelque chose d’utile pour la maisonnée ou pour son cursus scolaire.

Ce syndrome du parent-sauveteur, qui commence dès la toute petite enfance, se maintient tout au long de l’éducation et apparaît encore lorsque les parents accompagnent leurs chers petits le jour de la rentrée… à l’Université ! Certains restent même quelques jours à leurs côtés « pour les aider à s’installer ». Je n’ai jamais compris ce genre de comportement : Atara et Moché se sont très bien débrouillés sans nous lorsqu’ils sont partis respectivement à la fac à New-York et à la Yéchiva à Jérusalem ! Les très jeunes enfants sont déjà capables d’autonomie, et plus un enfant sait se débrouiller seul, mieux ce sera pour sa vie d’adulte.

Un foyer où les enfants définissent les règles, font régner leur loi et sont l’objet de toutes les attentions ressemblera bientôt à ce qui suit.

Dans les trois quarts des familles étudiées, les mères rentrent les premières et commencent à se démener dans toute la maison, passant des devoirs des enfants aux courses, du dîner à la lessive… Lorsque les pères arrivent plus tard, les enfants ne font pas attention à lui dans plus de 86% des cas ! D’après le Dr Ochs, « les enfants ne sont pas conscients des attentes que leurs parents mettent en eux ».

Rien d’étonnant à cela. Il faut savoir que la maison la plus harmonieuse, à la fois pour les parents et les enfants, est celle où les premiers s’assurent que les seconds sont tous occupés, à des tâches ménagères ou à d’autres responsabilités, et où les enfants savent qu’ils ne sont pas le centre du monde. Ni de la maison.

 

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