Ce Qu'en Dit Une Mère Juive

Trop sensible ?

17/10/2013 | par Emouna Braverman

On vous reproche d'avoir la larme trop facile ? De trop prendre à cœur les souffrances d'autrui ? Minute, mais qui a dit que c'était un défaut ?

Récemment, un ami m'a raconté une de ses premières expériences en internat de pharmacie. Pendant l'une de ses permanences au département d'oncologie, il avait suivi de près un certain patient et s'était beaucoup attaché à lui. Malheureusement, en dépit des efforts de l'équipe médicale, l'homme avait succombé à la maladie. Pour mon ami frais émoulu de la fac de pharmacie, ce fut sa toute première expérience de deuil, et il en fut bouleversé.

Ses amis et collègues s'efforcèrent de le réconforter : « Ne t'inquiète pas, tu finiras par oublier ! ». Quant à d'autres, ils le rabrouèrent gentiment : « Arrête d'être trop sensible, ça va te jouer des tours ! »

Bien entendu, ces sages paroles ne firent rien pour le consoler ; au contraire, elles ne le troublèrent que d'avantage. « A leurs dires, la sensibilité était une sorte de trouble psychologique, un défaut dangereux » me confia-t-il. « J'avais toujours pensé qu'il s'agissait d'un trait de caractère à encourager et à développer, non pas quelque chose dont il faut à tout prix se débarrasser ? »

L'expérience de mon ami m'a donnée matière à réflexion. Face aux nombreux défis et difficultés qui jalonnent notre vie, nombreux qui prônent l'attitude « carapace », à savoir, une certaine indifférence face à la souffrance d'autrui, histoire de se protéger eux-mêmes. Ce qu'ils oublient, c'est que c'est précisément le fait d'exercer notre sensibilité envers autrui qui nous rend meilleurs.

Un dirigeant digne de ce nom doit enlever ses chaussures et sentir les aspérités de la route, la chaleur du sable. Il doit ressentir la douleur de ses ouailles.

Prenez l'exemple de Moïse. La Torah nous raconte que lorsqu'il s'approcha du buisson ardent, le Tout Puissant lui ordonna de se déchausser. Simple preuve de respect ? La raison en est bien plus profonde. Dieu voulait enseigner à Moïse l'importance de la sensibilité aux besoins d'autrui. En effet, lorsqu'une personne se déchausse, ses pieds sont au contact de la terre ; elle sent les aspérités de la route, la chaleur du sable, les petits cailloux. En substance, Dieu disait à Moïse : si tu souhaites devenir un dirigeant digne de ce nom, respecté par tes ouailles et capables de les guider avec sagesse et sollicitude, tu dois nécessairement faire preuve de sensibilité envers eux. Tu dois abattre les barrières que tu as érigées entre toi et les autres. Tu dois ressentir leur douleur, leurs difficultés, leur chagrin.

Ce conseil est valable pour chacun d'entre nous, à son niveau.

Nous devenons de meilleurs amis lorsque nous compatissons avec leurs défis quand nous nous efforçons de nous mettre à leur place et de comprendre ce qu'ils traversent.

Nous sommes de meilleurs mari ou femme lorsque nous faisons l'effort d'être attentifs aux besoins, aux rêves, aux déceptions et aux frustrations de notre conjoint plutôt que de les ignorer, de les balayer d'un revers de la main, ou pire, les tourner en dérision. Et il s'agit ici d'une empathie sincère, pas d'un « je suis vraiment désolé(e) d'apprendre cela » prononcé à la va-vite avant de nous empresser de vider notre propre sac.

Nous sommes de meilleurs parents quand nos enfants ressentent que nous les comprenons véritablement. Cela ne signifie pas pour autour que nous pouvons ou devrions résoudre leurs problèmes à leur place, simplement leur donner le sentiment qu'ils ne sont pas seuls.

L'une de mes connaissances, une femme qui s'est installée aux États-Unis après s'être échappée du Rideau de Fer, me racontait que lorsque ses enfants se plaignaient, elle n'avait aucune patience de les écouter. Après tout, elle avait vécu tant de souffrances dans son existence, que les petits pépins de ses enfants lui paraissaient vraiment insignifiants. Elle n'avait pas tort. Et portant, ses enfants avaient tout de même besoin que leur mère s'intéresse à leur quotidien, qu'elle partage les défis qu'ils rencontraient, même si ces derniers prenaient la forme de professeurs trop sévères ou de camarades infidèles, et non pas d'officiers du KGB frappant à sa porte...

Et nous sommes de meilleures personnes lorsque nous compatissons avec la souffrance de nos frères et sœurs juifs aux quatre coins de la terre. A l'instar de Moïse qui délaissa le confort du palais de Pharaon pour voir comment les Égyptiens traitaient ses frères – et qui fut incapable d'observer leur détresse sans réagir (en tuant le cruel contremaître égyptien), nous devons aussi nous extirper du confort douillet de nos logis pour voir la souffrance du peuple juif (à tous les niveaux) et nous demander ce que nous pouvons faire pour les aider à s'en sortir. Et cela commence par cultiver notre sensibilité.

Les besoins sont considérables et nos ressources sont limités. Que ce soit en rendant visite à la veuve de l'immeuble d'en face, ou en donnant de l'argent aux nécessiteux, les occasions ne manquent pas. Il ne nous reste qu'à ouvrir nos yeux et nos cœurs. Nous devons nécessairement développer notre sensibilité. Et la première chose à faire en ce sens est d'ignorer tous les partisans de l' « attitude carapace » qui perçoivent ce trait de caractère foncièrement juif comme un défaut à éliminer. Parce que ce n'est qu'en exerçant une sensibilité sincère envers les autres que nous pourrons faire une différence dans leurs vies.

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