Respect des Parents

Au revoir Maman

23/06/2015 | par Nechemia Coopersmith

Dans cette tribune émouvante, le rédacteur en chef du site Aish.com rend un dernier hommage à sa mère, décédée il y a trois semaines. Un texte attendrissant que nous tenions à partager avec vous.

Cela faisait un bon bout de temps que je n’avais pas téléphoné à ma maman pour la tenir informée des derniers événements de notre quotidien à Jérusalem, lui donner des nouvelles de nos enfants, notamment de notre fille Avia qui a convolé en justes noces il y a tout juste un mois.

Et puis soudain, je m’en suis souvenu.

Non, je ne pourrai pas appeler ma mère et m’offrir le plaisir d’une discussion décontractée avec elle. Maman est décédée il y a trois semaines. Et je ne pourrai plus jamais lui parler.

Pendant un bref instant, la réalité du décès de ma mère m’a frappé de plein fouet. Ma mère était habitée par une force vitale impressionnante. Franche, opiniâtre et déterminée, c’était une femme bourrée d’énergie dont la présence inspirait naturellement le respect. Comment avait-elle pu nous quitter ainsi, du jour au lendemain ?

Ce n’est pas une forme de déni dont je fais les frais ; c’est simplement le fait que ma mère dégageait tant de vie et de passion qu’il m’est difficile de concevoir qu’elle n’est plus parmi nous. Cela me semble tout bonnement impossible.

Mais la réalité s’infiltre petit à petit en moi.

Ma mère, Myrtle Coopersmith, avait 83 ans. Mon père, Dr Harvey Coopersmith, a fêté son 83ème anniversaire, pendant les chiva, à Toronto – la toute première fois en 15 ans que l’ensemble de notre famille était réunie. En août, mes parents auraient célébré leur 63ème anniversaire de mariage.

Permettez-moi de partager avec vous quelques souvenirs de ma mère et de ses derniers jours.

La famille avant tout

La famille était la première priorité de ma mère. Son rôle d’épouse et de mère lui procurait une immense satisfaction. Sa toute première priorité était mon père, qu’elle plaçait sur un piédestal (« Demandez donc à Harv, disait-elle aux gens, il sait tout sur tout. »), puis venaient ses cinq enfants (lesquels, à un certain stade, avaient tous moins de six ans – un phénomène assez rare pour une famille non-pratiquante dans les années soixante.)

Quand mon père, qui était alors un médecin de famille, voulut retourner sur les bancs de la faculté pour se spécialiser en endocrinologie, ma mère l’encouragea dans cette voie, sachant pertinemment qu’il ne serait pas souvent présent pendant les trois années d’études qui suivraient. En échange, mon père interrompait toutes ses activités pour dîner en famille à 18h tapantes, avant de retourner à l’hôpital.

Ma mère était la matriarche de la famille, sa cuisine était son bureau royal, et son trône se trouvait en tête de la table de la salle à manger, où nous nous retrouvions chaque vendredi soir. Des dizaines d’années plus tard, quand toute la famille se réunissait autour de cette même table (chose qui arrivait rarement étant donné que mon frère et moi vivons en Israël), son regard embrassait la scène et elle ne pouvait s’empêcher de verser des larmes de joie et de na’hat.

Une dirigeante juive

En plus d’avoir élevé sa famille et concocté les meilleurs petits plats du monde (maman était un véritable cordon bleu), ma mère était toujours activement impliquée dans les œuvres communautaires, où elle occupait des postes d’autorité. Quand nous étions enfants, elle était présidente de l’Association des Parents et des Professeurs, et présidente de sa branche d’Hadassa Wizo. Elle était aussi à la tête du Bazar Hadassa, un vide-grenier annuel qui permettait de collecter un million de dollars. Elle devint aussi présidente de l’association Hadassa-Wizo de Toronto.

Aussitôt levée, elle s’asseyait à la table de la cuisine et passait des coups de fil à des puissants hommes d’affaires pour solliciter des fonds. Ces magnats du commerce courbaient l’échine devant l’autorité et le professionnalisme affichés par maman. Ils le savaient ; on ne dit pas non à Myrtle Coopermith.

Pendant les Chiva, une femme très impliquée dans la communauté juive de Toronto m’a confié que ma maman était son mentor. Sa déclaration m’a surpris. Apparemment, il y a plusieurs dizaines d’années, ma mère avait ressenti le besoin d’exhorter la nouvelle génération de femmes juives à endosser des rôles actifs dans la communauté et avait organisé un voyage en Israël à la condition qu’à leur retour, les participantes s’impliquent dans les projets communautaires et assument des postes de dirigeantes.

Mes parents jouèrent un rôle clé dans l’établissement d’Aish Hatorah à Toronto, aux débuts du mouvement de Téchouva, quand le retour aux sources de ces jeunes gens âgés de vingt et quelques ans était perçu comme une espèce de culte.

L’art de dire les choses telles qu’elles sont

Ma mère abhorrait l’hypocrisie et avait la capacité de percer la carapace des gens pour déceler leur véritable nature. Elle n’avait jamais honte de dire ce qu’elle pensait, peu importe la personne à qui elle s’adressait.

En 1979, quand mon frère Éric décida de s’installer à Jérusalem pour étudier à Aish Hatorah, ma mère, telle une lionne protégeant ses petits, voyagea à Jérusalem pour rencontrer Rav Noa’h Weinberg de mémoire bénie et découvrir ce qu’était cette Yéchiva inconnue. Après s’être entretenu avec ma mère, Rav Weinberg confia à mon frère : « Depuis le temps où je suis rabbin, personne ne m’a jamais parlé de la sorte ! »

Ce fut les prémices de la relation privilégiée entre mes parents et Rav Noa’h. Il avait beaucoup de respect pour mes parents, et mes parents avaient beaucoup de respect et d’admiration pour lui.

Pendant cette époque initialement tumultueuse, Éric demanda à ma mère : « Qu’est-ce qui te dérange tellement dans le fait que je me rapproche du judaïsme ? Ce n’est ni de la drogue ni Hare Krishna ! C’est le même judaïsme auquel toi-même tu tiens tant ! »

La réponse de ma mère élucida le mystère. « Je ne veux pas que Rav Noa’h remplace ton père en devenant l’homme le plus important de ta vie. » Derrière toute cette réticence, se cachait en réalité l’amour et le respect de ma mère pour papa.

« Jamais personne ne pourra remplacer papa » le rassura mon frère.

Les derniers jours d'une grande dame

Quelques semaines avant le mariage de ma fille aînée, nous apprîmes que ma mère était souffrante et que mes parents seraient contraints de rater ce tout premier grand événement familial à Jérusalem. Ma mère, qui était très proche de sa mamie et dans certains points, lui ressemblait beaucoup, en fut dévastée.

Dès la fin des Chéva Bra’hot, ma femme et moi voyageâmes à Toronto, en compagnie de mon frère et sa femme. Ma mère était à la maison, sous surveillance médicale rapprochée, et nous eûmes la chance de passer sa dernière bonne semaine avec elle. Elle refusa de prendre le moindre médicament parce qu’elle ne voulait pas que ceux-ci lui embrument l’esprit.

Avant que mon frère et sa femme ne retournent à Jérusalem, elle les pria : « Amenez-moi Moïshie. » Moïshie est le fils aîné d’Éric, et ma mère avait un lien spécial avec lui, un lien qui remontait à sa naissance. En effet, alors qu’il était âgé de deux mois, Éric et sa femme rendirent visite à mes parents. En raison d’une maladie grave mais non pas mortelle, ma belle-sœur dut se faire hospitaliser. Finalement, elle dut subit une opération.

Durant les deux mois que durèrent son hospitalisation, et sans la moindre hésitation, ma mère devint la deuxième maman de Moïshie, prenant soin de lui 24/7, l’emmitouflant chaque jour au milieu de l’hiver glacial pour l’amener à sa mère à l’hôpital, et ne donnant jamais à ma belle-sœur le sentiment d’être un tant soit peu importunée par cette nouvelle charge.

Cette période où ma maman prit soin de Moïshie, quand personne d’autre ne pouvait le faire à sa place, forgea un lien unique entre eux. Elle désirait donc le voir une dernière fois avant de quitter ce monde.

Dix jours plus tard, Éric fut de retour avec son fils, qui était maintenant marié et père d’enfants. Ils arrivèrent jeudi soir, au moment où ma mère était extrêmement faible. Quand ils entrèrent dans sa chambre, maman ouvrit les yeux et murmura en souriant : « Moïshie ! »

Le lendemain, à 5h30 du matin, ma mère décéda paisiblement. La loi juive stipule qu’à partir du décès jusqu’à l’enterrement, le défunt ne peut être laissé seul. L’âme plane au-dessus du corps et peut être confuse ou désorientée. Les Chomrin, ces personnes qui veillent le corps, récitent des Psaumes qui confortent et apaisent son âme. Pendant que mon père et mes frères et sœurs organisaient les funérailles, Moïshie veilla ma mère, prenant soin de son âme quand personne d’autre ne pouvait le faire à sa place.

Il put ainsi lui rendre le bien que maman lui avait fait plusieurs années auparavant.

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