Vie Juive

Un rite vestimentaire : la kippa

19/01/2016 | par Aish.fr

La polémique qui a défrayé la chronique à propos de la kippa invite à un rappel de la signification et du caractère impératif de ce rite vestimentaire.

« Rav Houna, fils de Rav Yehochoua, ne parcourait jamais quatre coudées (deux mètres) la tête nue. Il disait : la présence divine est au-dessus de ma tête. » (Kidouchin 31a).

Un Juif pratiquant garde constamment la tête couverte. C'est pour lui une seconde nature, une nécessité aussi évidente que de manger ou de s'habiller. Il n'est pas rare, ainsi, de voir des malades en état de grande faiblesse, quasi-inconscients, réclamer comme par réflexe, leur kipa – leur calotte : sans elle, ils ont comme l'impression d'être tout nus. Parallèlement, toute personne croisée dans la rue la tête coiffée d'une kipa, est automatiquement supposée fidèle aux observances du judaïsme, et fière de l'être. Ce phénomène très remarquable mérite un rappel de son origine, de sa signification et de l'importance qu'il occupe au sein de la halakha, la loi juive.

Paradoxalement, il n'existe aucune source talmudique interdisant de manière explicite de rester tête nue. Par contre, de nombreux passages, tel celui cité au début de ces lignes, indiquent clairement que les Sages veillaient à s'abstenir de marcher nu-tête. Il semble, en fait, que même la prononciation tête nue du Nom divin ait fait l'objet d'un débat à l'époque talmudique (Traité Sofrim, XIV, 15). Cela explique que certains textes du Moyen Age (Or Zaroua, 2e p., chap. 43) décrivent « l'usage de nos maîtres de France qui permettent de réciter une bénédiction tête nue ». Dans ces conditions, c'est la position du Choul'han Aroukh, code officiel du droit rabbinique, qui doit fixer le point de vue de la halakha en la matière. Mais, en l'occurrence, l'interprétation du code est elle-même problématique. En effet, il énonce (Ora'h 'Hayim, 91, 3) qu'il est interdit de prononcer le Nom divin et aussi de pénétrer dans une synagogue la tête nue, ce qui laisse entendre qu'en d'autres circonstances le port d'un couvre-chef est facultatif. Pourquoi alors, stipule-t-il (Ib. 2, 6) « de ne pas parcourir quatre coudées nu-tête, par é

Affirmation de la présence divine

En réalité, explique l'auteur du Maguen Avraham, cette dernière injonction n'a pas réellement valeur de défense, mais seulement de recommandation : il s'agit d'une midat 'hassidout – une mesure de piété. Cette opinion, qui rejoint la position de la plupart des décisionnaires, cadre parfaitement avec la signification de ce rite vestimentaire, telle qu'elle ressort des textes rabbiniques. Il s'agit, en effet, avant tout d'une marque de piété et, plus précisément, de l'expression du sentiment constant de la présence divine – sentiment qui, d'ailleurs, inspire et guide tout le comportement du Juif : « la présence divine est au-dessus de ma tête ». L'affirmation de cette présence débouche naturellement sur la pratique et l'action : en se couvrant la tête, le fidèle manifeste aussi publiquement sa soumission à D., sa volonté de Le servir. C'est pourquoi le Talmud (Chabbat 156b) suggère qu'une telle discipline apporte à qui s'y astreint une véritable protection contre le péché. Dans le même esprit, ajoute le Rav S.R. Hirsch ('Horev), la coiffure rituelle rappelle à l'homme que le territoire qui lui est dévolu est limité : au-dessus de lui s'étend un domaine pur, éternel, qui appartient à D. Et si dans l'univers inférieur des relations entre les hommes, seules les parties du corps empreintes d'animalité doivent être couvertes, dans la relation verticale de l'homme à D., la.tête, trop corporelle encore face au pur esprit, se doit d'être modestement voilée.

Selon Rav Kouk enfin (Mitsvat Reïya), l'homme doit couvrir toute partie du corps susceptible de servir à un usage honteux, afin d'être conscient constamment de ce risque, et de se prémunir contre lui. Or la tête, qui contient le cerveau, et qui a été conçue pour les fonctions les plus nobles, est néanmoins, elle aussi, susceptible d'activités  – de pensées – indignes et dépravées. Elle se doit donc, également, d'être préventivement recouverte.

Depuis le XVIIème siècle, cependant, la défense de rester nu-tête revêt une nouvelle dimension. À cette époque, l'auteur du Touré Zahav (Ora'h 'Hayim, 8) constate qu'il existe désormais chez les non-Juifs une règle exigeant qu'on retire son chapeau en entrant dans une maison. Dès lors, une telle attitude tombe sous le coup de la défense biblique (Lévitique, 18, 3 et Yoré Déa, 178) : « Vous ne suivrez pas leurs lois (1). »

Cet avis reste jusqu'à nos jours, controversé. Selon certains, lorsqu'un Juif se découvre chez lui, c'est simplement par confort et non dans la perspective d'imiter les non-Juifs et de se conformer à leur usage. Dès lors, la défense précédemment invoquée ne s'applique pas.

Nécessité impérieuse

Malgré cette réserve, il importe de noter que les décisionnaires de notre temps s'accordent à considérer aujourd'hui le port d'un couvre-chef comme une nécessité plus impérieuse qu'une simple « mesure de piété ». Ainsi, le grand rabbin 'Ovadia Yossef (Ye'havé Daat t. 4, 1) fait observer que ce détail vestimentaire est devenu le signe et le symbole de la religiosité, et qu'en marchant nu-tête on donne l'impression d'être partisan du rejet de la pratique des mitsvot. Donner prise à de tels soupçons est naturellement très préjudiciable et condamnable, en vertu d'un principe du droit rabbinique fondé sur l'Écriture-même : « Vous serez quittes envers D. et envers Israël" (Nombres, 32, 22). Rabbi Moché Feinstein, l'illustre sommité américaine, de mémoire bénie, va plus loin encore. Si, à l'origine, le port d'un couvre-chef ne relevait que de la « mesure de piété », il n'en a pas moins été adopté par l'ensemble de la communauté. A ce titre il est promu au rang de coutume – minhag – qui, elle, a force de loi. Il faudrait, dès lors, que le maintien de la tête couverte entraîne une perte d'argent considérable – telle, par exemple, que la perte de son emploi – pour qu'on en soit dispensé. (Igrot Moché, Ora'h 'Hayim, t. 1 et 4).

Qu'il nous soit permis d'ajouter, pour combattre une idée relativement répandue, qu'il n'y aurait nullement hypocrisie ou incohérence, dans un tel cas, à se recouvrir la tête dès que la situation le permet. Ce serait, au contraire, se montrer fidèle tant à la lettre qu'à l'esprit d'une loi qui, par son caractère souple, évolutif, et pour tout dire vivant, constitue une illustration particulièrement représentative de l'ensemble de la législation juive.

Cet article a paru dans le site du Consistoire de Paris

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