Réflexions Pourim

Cache-cache avec Dieu

12/03/2014 | par Emanuel Feldman

Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito, disait Einstein. Mais à Pourim, les masques tombent enfin !

Qui est le véritable héros de l'histoire de Pourim ? Si vous répondez « Esther », c'est une bonne réponse, mais elle est partielle. La réponse exacte est que le héros du récit de Pourim est abstrait : ce sont les notions de dissimulation et d'occultation. L'histoire de Pourim est un conte qui masque, brouille et voile la réalité.

Tout est entendu dans le nom même d'Esther, qui vient de la racine hébraïque signifiant "occulté". L'histoire entière de Pourim est en fait un exercice d'occultation par excellence.

Le Talmud (Traité Houlin 139b) demande s'il n'est jamais fait allusion à la reine Esther dans la Torah. Les Sages répondent qu'Esther est évoquée dans le verset où Dieu dit : « Je vais sûrement cacher [Ma face d'eux] » (Deut. 31:18). En effet, en hébreu, la phrase pour « Moi, Je cacherai » se dit Aster astir, et se compose des lettres du nom Esther. L'expression « Dieu cache Sa face » signifie entre autres choses que Dieu dirigera le peuple juif selon Sa volonté, mais de façon cachée, de manière non évidente aux yeux des hommes. Israël ne sera pas conscient que Dieu gère les évènements. À tel point que pour beaucoup, il semble que Dieu n'est pas du tout présent dans les affaires des hommes, qu'Il nous a abandonnés à nous-mêmes.

Lorsqu'on lit le récit de Pourim, la « main » de Dieu est quasiment invisible. En fait, le nom même de Dieu n'est jamais mentionné dans la Méguilat Esther. On peut logiquement en venir à penser qu'Il n'est aucunement impliqué dans le déroulé des évènements. Apparemment, les choses semblent se produire d'elles-mêmes. D'ailleurs le nom de la fête, Pourim, signifie « tirages au sort », ce qui vient renforcer cette impression de nature hasardeuse des évènements.

Les coïncidences paraissent s'enchainer d'elles-mêmes. La reine Vachti refuse brusquement de paraître au banquet royal, ce qui déclenche la recherche d'une nouvelle souveraine. Esther est choisie par hasard comme la nouvelle reine. Mordekhaï passe incidemment à la porte du palais où il entend le complot ourdi contre la vie du roi. Le roi est brusquement frappé d'insomnie et demande qu'on lui lise les chroniques royales grâce auxquelles il se souviendra que Mordekhaï lui a sauvé la vie.

En réalité, ces coïncidences ne sont qu’apparentes ; elles ne font que masquer la main divine qui dirige les évènements.

L'une des raisons pour lesquelles on ne perçoit pas l'intervention de Dieu dans ce récit est que l'histoire se déroule sur une très longue période, très exactement neuf ans.

Esther est elle-même l'incarnation même de la vie cachée, du silence, de la réticence. Le texte mentionne à deux reprises que « Esther n'a pas révélé ses origines » (2:10, 2:19). Tout se déroule sous le boisseau, et pourtant tout ce qui se met en place de façon "aléatoire" aboutit finalement au point culminant et dramatique où Esther révèle sa véritable identité et où elle sauve par là le peuple juif.

Il n'est pas étonnant que les masques soient caractéristiques de la fête de Pourim. En portant des masques, nous sommes, sans nous en rendre compte, en train d'imiter Dieu qui masque aussi Son action et Sa présence.

Le voilement de Dieu n'est bien sûr pas nouveau dans les récits de la Thora. Longtemps avant Esther, Moïse demande à Dieu de lui révéler Ses voies, et Dieu lui répond : « Nul ne peut voir Ma face ». Cette "imperceptibilité" est d'ailleurs un aspect essentiel du divin. Mystère, invisibilité, inaccessibilité sont des éléments intrinsèques à la grandeur de Dieu. Le Rabbin de Kotzk disait : « Je ne pourrais pas servir un Dieu dont je comprendrais toutes les voies. » De même le prophète Isaïe avant lui : « Mes pensées ne sont pas les Tiennes… » (Isaïe 55:8). Peut-on seulement L'appréhender dans toute Sa grandeur ? Le mortel peut-il réellement saisir l'Immortel ? Un être fini ne peut totalement saisir l'Infini.

Dieu peut se cacher au regard, mais Il reste omniprésent.

Le miracle de Pourim est un paradigme du miracle caché, qui tranche avec les miracles évidents tels ceux de la longévité de la petite fiole d'huile à Hanoucca ou de l'ouverture de la Mer Rouge à Pessah.

En résonnance avec ce thème de l'imperceptibilité, nous pouvons remarquer que le signe zodiacal correspondant au mois d'Adar est le poisson. Or l'une des principales caractéristiques du poisson est qu'il est dissimulé aux regards, invisible, caché par les eaux. Le symbole même de ce mois donne le ton de la fête de Pourim.

Mais Dieu se cache uniquement dans le but que nous le recherchions. Une vielle blague juive évoque le triste sort d'un enfant qui joue à cache-cache, et qui pleure : « Je me cache mais personne ne me cherche ! » L'image peut convenir à Dieu qui « se plaint » : « Je me cache, mais Mon peuple ne me recherche pas ! »

Les voies de Dieu sont souvent impénétrables. Nous ne comprenons pas facilement pourquoi les choses se passent comme elles se passent. Nous pensons même parfois que si nous étions Dieu, nous ferions les choses d'une manière différente.

En ces jours de tension pour Israël et pour le peuple juif à travers le monde, nous pouvons nous conforter dans l'idée que, même si la main de Dieu n'est pas clairement visible, Il reste maitre de Son monde : « Voici, le protecteur d'Israël ne sommeille ni ne dort » (Psaumes 121:4). Il est caché, mais Il est toujours présent, omniprésent. Cela peut être difficile à concevoir, mais nous trouvons réconfort dans la promesse de Dieu qu'à l'avenir « Je ne vais plus cacher ma face » (Ezéchiel 39:29).

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