Réflexions Souccot

Choisir le bonheur

28/09/2012 | par Judy Gruen

Introduire la joie de Soukot dans votre vie quotidienne.

Il est ironique que parmi toutes les fêtes juives, seule Soukot soit choisie pour être « la saison de notre joie. » Pourquoi pas Pessa’h, lorsque nous avons été enfin libérés de l’esclavage égyptien ? Pourquoi pas Pourim, alors que le complot de génocide planifié par Haman contre nous fut déjoué ? Comment est-il possible de nous ordonner d’être joyeux en ce jour de fête, en particulier lorsqu’on nous enjoint de quitter nos confortables demeures et de résider dans nos Soukot ?

En réalité, Soukot révèle que nous ne trouverons jamais le vrai bonheur même dans les biens matériels les plus solides, tels que nos maisons. Et nous savons d’après les événements tumultueux qui secouent l’économie à quel point la richesse matérielle peut aussi disparaître. Pendant Soukot, nous célébrons la seule « richesse » qui soit permanente : notre lien spirituel ainsi que l’amour éternel de D.ieu pour le peuple juif. L’idée véhiculée est que le bonheur ne tient pas à ce que l’on possède, mais réside dans notre attitude.

Pendant Soukot, les Nuées de Gloire du Tout-Puissant protégèrent les Juifs pendant quarante longues années d’errance dans le désert. Ces Nuées de Gloire, et la manne qui les nourrit, furent une preuve tangible de la prévenance et de la protection de D.ieu. Ce lien étroit et personnel entre le peuple juif et D.ieu est la source d’un bonheur réel et transcendant, et nous avons une occasion spéciale de l’exploiter, même en nous asseyant dans une souka peu solide.

Est-il possible de se tenir à la joie de Soukot et de l’introduire dans notre existence toute l’année? Tal Ben Sha’har, titulaire d’un doctorat de troisième cycle, expert du bonheur qui enseigne la psychologie positive et l’éducation au Centre Interdisciplinaire de Herzliya en Israël, estime que nous le pouvons.

En tant qu’étudiant en licence à Harvard, Ben Sha’har excellait au niveau académique, athlétique et social. Il n’était tout de même pas heureux. Malgré tous les avantages qu’il possédait, « cela n’avait pas de sens, » se rappelle-t-il. « J’aurais dû être heureux, et j’étais troublé. Je me rendais compte que quelque chose me manquait, et je décidais de scruter mon existence. » Dans le cadre de sa quête, Ben Sha’har modifia son cursus en passant de l’informatique à la philosophie et la psychologie. Ce faisant, il trouva non seulement les clés du bonheur, mais aussi une carrière pour aider également les autres.

Ben-Sha’har poursuivit et obtint un doctorat de troisième cycle en comportement organisationnel à Harvard, et pendant quatre ans, il fut l’enseignant d’un des cours facultatifs les plus populaires de l’université sur la psychologie positive. En tant que professeur à Harvard, Ben-Sha’har découvrit que les étudiants d’aujourd’hui étaient confrontés aux mêmes défis qu’il avait vécu un jour, et que le fait d’être riche et suffisamment intelligent pour suivre des cours dans l’une des plus prestigieuses universités du monde n’était pas une garantie de bonheur.

« Le bonheur et le malheur ne font pas de distinction, » explique-t-il. « Ils sont distribués équitablement dans la société, quel que soit l’âge ou le secteur économique. Mais les États-Unis mènent le jeu en termes de pression qu’ils placent sur les étudiants pour qu’ils obtiennent de meilleures notes, qu’ils pensent toujours à l’avenir. Les adultes dans le monde du travail font face à des pressions similaires. Mais avec tout cet accent sur le futur, de nombreuses personnes finissent par manquer le présent. »

Outre ses cours, Ben-Sha’har est récemment l’auteur de l’ouvrage La poursuite de la perfection (The Pursuit of Perfect). À travers ses livres et ses conférences, il partage ses connaissances pour parvenir au but souvent insaisissable du bonheur. La plupart de ses conseils vont à l’encontre des valeurs tant vantées de la société américaine, comme le succès matériel.

Une paie supplémentaire et les marques d’approbation professionnelles ne nous rendent pas plus heureux. Il s’agit plutôt de prendre du temps libre de qualité pour savourer le bonheur que nous possédons déjà.

« Travailler plus d’heures nous rapporte plus d’argent, mais nous paierons "le prix fort" si nous nous y engageons », explique-t-il. « Voici la réalité : une paie plus élevée et des marques d’approbation professionnelles ne nous rendent pas plus heureux. Mais avoir plus de temps libre pour savourer le bonheur de ce que nous possédons a cette fonction. Nous ressentons tous une plus grande pression du temps aujourd’hui, une partie de celle-ci est économique, mais une partie met en jeu les choix que nous faisons sur la manière de passer notre temps. »

De nombreuses études sur le bonheur ont invariablement confirmé de nombreux indicateurs identiques de bonheur, et Ben-Sha’har montre que tous sont bâtis sur la structure de la vie juive. L’un d’entre eux est un jour de repos. « Nous savons que les gens qui prennent un jour de repos sont plus heureux et plus productifs que ceux qui s’en abstiennent, car nous devons "récréer" si nous voulons créer. Ce n’est pas seulement une valeur, mais aussi un outil vers le succès. »

Un second est la gratitude. « Les recherches indiquent que les individus qui expriment une hakarat hatov, une gratitude pour ce qu’elles ont sont plus heureux et plus généreux aussi », remarque-t-il. Et à partir du moment où le Juif se réveille, il a des opportunités illimitées d’exprimer sa gratitude, depuis la récitation du « Modé ani » au lever, à la récitation d’une bénédiction après avoir été aux toilettes, aux bénédictions sur la nourriture, et d’innombrables autres incluses dans les prières quotidiennes, même pour des fonctions aussi « minimes » que la capacité à voir et à se tenir debout.

Pratiquer des rituels et avoir un sens de la spiritualité est aussi un facteur de bonheur, observe Ben-Sha’har. « Aller à la synagogue est précieux, comme passer du temps en famille autour de la table. Les rituels font partie de la vie de la plupart des individus heureux. »

Certains philosophes des générations précédentes ont prédit faussement que la science et les innovations technologiques allaient devenir la nouvelle divinité. Bien qu’elles apportassent la richesse, le bonheur ne suit pas pour ceux qui adhérèrent à cette philosophie. « Viktor Frankel nommait le fait de vivre sans D.ieu un "vacuum existentiel" », ajoute Ben-Sha’har, précisant que les (penseurs) laïcs qui aiment citer la célèbre citation de Nietzsche « D.ieu est mort » l’interprètent faussement. Nietzsche n’a pas prononcé cette phrase avec satisfaction, mais avec pathos. Il se rendit compte qu’une vie sans D.ieu constituait un profond vide existentiel pour de nombreuses personnes.

Rav Na’houm Braverman, cadre supérieur à Jerusalem Partners et auteur de The Bible for the Clueless but Curious -- A Guide to Jewish Wisdom for Real People, observe que ces ingrédients incontestés du bonheur : la gratitude, la communauté, l’observance d’un jour de jeûne, et une base spirituelle reposent tous sur une structure de vie qui transcende le soi. « Vivre uniquement pour vous et autour de vous est une manière de vivre étroite et réduite, » explique-t-il. « C’est pourquoi le bonheur n’est pas un but, c’est une conséquence secondaire pour bien vivre. Lorsqu’il devient un objectif, c’est encore une autre forme d’égoisme : tout me concerne, et dans ce cas, vous ne pourrez jamais trouver le bonheur. Les valeurs juives et la pratique maintiennent l’homme concentré sur un objectif plus large que son propre égo, et évitent de vivre aussi impétueusement que nos émotions pourraient nous dicter. Vivre dans une communauté qui offre un contexte et propose des relations enrichissantes avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs est une voie des plus sûres vers le bonheur. »

Une vie heureuse n’est pas une vie dénuée de souffrances

Mais une vie heureuse n’est pas une vie dénuée de souffrances, s’accordent à dire les enseignants. « Les seules personnes à ne pas éprouver d’émotions douloureuses sont soit mortes, soit psychopathes, » explique Ben-Sha’har. « Une vie remplie comporte une dose de tristesse, de colère, de jalousie, de crainte et de déception. Si nous ne nous donnons pas la permission de vivre des émotions douloureuses, elles s’intensifient, deviennent toxiques et se collent à nous. Lorsque nous les laissons circuler en nous, elles s’affaiblissent et se dissipent. »

L’expérience du bonheur est tout de même très subjective, en partie parce que nous choisissons comment réagir à la douleur et à la déception. « Je pense que l’on peut optimiser les situations de la vie, » remarque Ben Sha’har. Les individus qui ont du ressort recherchent et créent une évolution à partir de situations difficiles. Vous pouvez choisir d’être accablé par les événements ou d’en tirer profit. »

En fin de compte, précise Ben-Sha’har, le bonheur résulte des choix innombrables que nous opérons, y compris celui de ressentir de la gratitude même en période de difficulté : « Me concentrai-je sur le fait que j’ai une bonne santé et de la nourriture sur la table, ou sur ma Ferrari que je dois vendre ? Concentrez-vous sur le yech plutôt que le ein (ce que je possède par opposition à ce que je n’ai pas). » Il n’y a pas de meilleure opportunité pour ce genre de mise au point que pendant Soukot, lorsque nous mangeons, et même parfois dormons, dans de petites cabanes bâties pour la contemplation et non pour obtenir des prix de construction.

Le Rav Braverman ajoute que le fait de vivre une vie pleine de sens nous aide à faire face à la perte, même à une perte incompréhensible. "Lorsque la Michna pose la célèbre question : "Ezé hou achir ?" (Qui est riche ?), cela signifie que nous avons tous reçu une portion différente dans la vie, incluant des épreuves et des opportunités. Lorsque vous cessez de lutter contre votre sort, vous pouvez vous rendre compte de l’opportunité qu’il représente. »

Si vous voulez vous assurer que la joie de Soukot dure plus longtemps que les décorations de votre souka, tentez quelques outils de Ben-Sha’har visant au bonheur : créez un journal où vous exprimez votre gratitude, faites de l’exercice, méditez, apprenez des techniques cognitives thérapeutiques, simplifiez votre existence, fixez des objectifs, identifiez vos points forts et trouvez votre passion. Pas assez ? Voici d’autres idées de son site Internet :

  1. Donnez-vous la permission d’être humain. Accepter des émotions – telles que la peur, la tristesse, ou l’anxiété – comme naturelles, nous permet de mieux les surmonter. Rejeter nos émotions conduit à la frustration et au chagrin.

  2. Le bonheur est situé à l’intersection entre le plaisir et le sens. Que ce soit au travail ou à la maison, le but est de s’engager dans des activités qui soient à la fois intéressantes sur le plan personnel et agréables. Assurez-vous d’avoir des moments de bonheur pendant la semaine qui vous procurent du plaisir et soient chargés de sens.

  3. Le bonheur dépend surtout de notre état d’esprit, et non de notre statut financier ou social. Notre bien-être est déterminé par la manière dont nous choisissons d’interpréter les événements extérieurs. Par exemple, considérons-nous l’échec comme catastrophique, ou l’appréhendons-nous comme une occasion d’apprendre ?

  4. Simplifiez ! Nous tentons d’introduire de plus en plus d’activités en moins en moins de temps. Nous compromettons notre bonheur en essayant d’en faire trop.

  5. Souvenez-vous du lien esprit-corps. Pratiquer un sport régulièrement, dormir convenablement, et des habitudes alimentaires saines conduit à la fois à une santé physique et mentale.

  6. Exprimez votre gratitude à chaque occasion. Nous prenons trop souvent notre existence pour acquise. Apprenez à apprécier et à savourer les merveilleux bonheurs de la vie, des personnes en passant par la nourriture, de la nature à un sourire.

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