Yom Kippour

De la taule à la… Torah

28/09/2014 | par le rabbin Ari Kahn

Il ressemble à un juif religieux typique. Mais ce que peu de gens savent c’est que la toute première yéchiva qu’il fréquenta se trouvait en prison...

Il ressemble à un juif religieux typique. Mais ce que peu de gens savent c’est que la toute première yéchiva qu’il fréquenta se trouvait en prison. Nous l’appellerons Shalom, qui signifie paix. Ce n’est pas son vrai nom, mais vu sa nature pacifique et l’œuvre à laquelle il se dévoue, ce pseudonyme lui convient parfaitement. Voici son histoire ; plusieurs détails biographiques ont été omis pour protéger son identité, et sa famille – qui, mis à part son épouse ne connaissent pas la véritable histoire qui conduisit Shalom à devenir l’homme qu’il est aujourd’hui.

Quand il était adolescent, Shalom avait trempé dans la petite délinquance, mais en grandissant, il avait appris un métier et sa situation allait en s’améliorant. Un soir, il invita sa petite amie et son frère dans un bar pour boire quelques verres. De l’autre côté du bar, ses yeux croisèrent ceux d’un étranger ; l’autre type, qui avait lui aussi une bonne dose d’alcool dans le sang, lui fit un signe de la main comme pour dire, « Qu’est-ce que tu regardes comme ça ? » Shalom renchérit par son propre signe de la main pour tenter de communiquer la réponse : « rien du tout ».

Shalom sortit le couteau qu’il portait dans sa poche, et quand son agresseur fondit de nouveau sur lui, Shalom le poignarda au cou.

Mais en quelques secondes, l’étranger approcha son visage à deux doigts du sien – encourageant Shalom à sortir du bar pour « traiter » l’affaire dehors. Malgré les supplications de sa petite amie et son frère – qui avaient vu ce type traîner en ville et savait qu’il n’était pas net – Shalom sortit du bar. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le type lui asséna un coup bas. Titubant, Shalom sortit le couteau qu’il portait dans sa poche, et quand son agresseur fondit de nouveau sur lui, Shalom le poignarda au cou. A ce moment précis, il entendit des sirènes – la police avait été alertée et s’approchait à toute allure du lieu de la bagarre. Shalom s’enfuit, la police à ses trousses, tandis que son assaillant baignait dans une mare de sang.

Shalom prit la poudre d’escampette. Il resta en fuite durant le mois suivant, esseulé et apeuré. Il pria à D.ieu que l’homme qu’il avait poignardé reste en vie. Quelques jours après l’incident, il lut dans le journal que l’homme avait succombé à ses blessures ; Shalom était recherché pour homicide. Malgré ses efforts pour rester en liberté, il fut bientôt appréhendé par la police. Et de toutes les calamités qui allaient s’abattre sur lui, aucune ne fut aussi traumatisante que l’instant où il apprit qu’il avait fauché une vie.

L’accusation de meurtre avec préméditation fut réduite à celle d’homicide involontaire ; Shalom plaida la légitime défense, mais le tribunal le reconnut coupable et le condamna à une peine de quatorze ans de prison. Cela semblait être une vie entière, une éternité.

En prison, il se mit à remettre en question ses valeurs, ses décision, sa vie, et c’est à ce stade qu’il rencontra un rabbin qui l’encouragea à prier.

Cet aumônier était membre d’une yéchiva unique en son genre, créée par Rabbin Its’hak David Grossman, Grand-Rabbin de Migdal Ha-Emek, et fondateur et président des Institutions Migdal Ohr. Après la guerre des six jours, Rabbin Grossman s’était installé à Migdal Ha-Emek dans l’espoir d’y glaner quelques « bonnes actions ». A son arrivée sur place, il partit à la rencontre des jeunes gens et les trouva dans les discothèques et les bars. Il ne tarda pas à apprendre que bon nombre d’entre eux avaient fait eux-mêmes de la prison ou avaient des proches qui y croupissaient actuellement. Rabbin Grossman était déterminé à faire quelque chose pour cette faction oubliée de la société, et il reçut l’autorisation d’intégrer à son emploi du temps hebdomadaire des visites dans les prisons. Il y trouva des détenus assoiffés d’instruction spirituelle. Convaincu que cette instruction pouvait contribuer à leur réhabilitation et combattre le récidivisme, il pria les autorités d’ouvrir une section religieuse dans la prison, où les incarcérés pourraient travailler sur leur croissance spirituelle, et espérons-le, sur leur réhabilitation.

Une nouvelle voie

Shalom se plongea corps et âme dans l’étude des textes juifs et les trouva fascinants et révolutionnaires ; il commença à trouver des réponses à ses questions. Il était maintenant un étudiant en yéchiva, dans une yéchiva unique en son genre. Le gardien, bien que n’étant pas lui-même religieux, prit conscience du pouvoir de la foi, et fit savoir que tout ce dont ces prisonniers auraient besoin pour poursuivre cette nouvelle voie serait pris en considération, et si possible fourni. Shalom fut rapidement rejoint par un autre détenu, un « prisonnier de carrière » qui purgeait sa troisième peine de dix ans pour vol et jouissait d’une certaine réputation parmi les prisonniers.

La première direction que Shalom reçut de son aumônier de prison fut de lire des psaumes avec conviction. Le Rabbin lui dit : « N’aie pas peur de demander à D.ieu de l’aide – lance-toi et demande l’impossible. » Alors, tard dans la nuit, Shalom alluma des cierges (ce qui était interdit en prison), et lut un livre saint. Les gardiens de prison qui virent ce qu’ils faisaient, reconnurent Shalom comme un prisonnier modèle et détournèrent le regard. Nuit après nuit, il lisait, priait et demandait à D.ieu l’impossible. Il priait pour la venue du Messie et la fin de la souffrance dans le monde, il priait pour ses codétenus, et il priait pour l’âme de l’homme qu’il avait tué – et il priait pour être libéré de prison. Il commença à étudier la Michna – terminant tous les six volumes – dans un effort d’élever l’âme de l’homme qui l’avait agressé, l’homme qu’il avait tué.

Son avocat déposa une requête de réduction de peine. Shalom fut conduit devant un juge qui s’entretint avec lui et réexamina son dossier. D’un simple trait de plume, neuf ans furent barrés à sa peine ; 14 ans furent réduits à cinq. Il était certain que ce miracle était dû au pouvoir de ses prières.

Shalom était un homme transformé.

Shalom fut bientôt convoqué à une réunion, une réunion à laquelle il ne s’attendait pas. La pièce était remplie de policiers, de travailleurs sociaux et de rabbins. On lui demanda s’il souhaiterait rejoindre un programme spécial – hors de la prison, où il pourrait étudier à plein temps dans une yéchiva, une yéchiva créée par le Rabbin Grossman. Il pourrait ainsi consacrer les années qui lui restaient à purger avant d’être admissible à une liberté conditionnelle à faire ce qu’il aimait plus que tout : étudier la Torah – comme un homme libre. Rabbin Grossman serait son gardien et assumerait la responsabilité que Shalom continue sur la bonne voie.

Shalom était un homme transformé. Au cours des années suivante à la yéchiva, il continua à grandir, et continua à bénéficier du programme visionnaire de Rabbin Grossman. Au mariage de l’un de ses camarades de la yéchiva, Shalom fut présenté à la demoiselle d’honneur, qu’il épousa quelques temps plus tard. Rabbin Grossman les aida financièrement à s’installer et Shalom et sa femme purent ainsi fonder un magnifique foyer et une magnifique famille.

Crois en moi

Beaucoup d’années se sont écoulées et Shalom est maintenant un membre proéminent de la société. Il passe le plus clair de son temps et son énergie à s’entretenir avec des jeunes gens – adolescents et jeunes adultes, les avertissant des embûches qui les guettent sur leur voie, du danger d’avoir des mauvaises fréquentations, d’agir sans réfléchir. Aucun d’entre eux ne sait comment il a acquis tant de sagesse, et une telle expérience en la matière.

Un jour, il n’y a pas si longtemps de cela, Shalom reçut un coup de fil ; Rabbin Grossman voulait le rencontrer. Un invité très prestigieux venait à Migdal Ohr ­– une juge de la Cour Suprême israélienne. Cette même femme était membre du tribunal qui avait condamné Shalom à 14 ans de prison. Quand on les présenta, la juge fut stupéfaite d’apprendre l’identité de Shalom. Ils réexaminèrent les détails de son cas ; Shalom expliqua qu’il avait agi en légitime défense. La juge confia que le procès n’avait pas été facile, mais elle était à l’aise avec sa décision. En fait, elle admit qu’en apprenant que sa peine avait été réduite, elle avait été plutôt contrariée avec le juge qui avait présidé cette audience.

« Le problème c’est que vous ne m’avez jamais cru ni cru en moi – ou en la possibilité que je puisse être réhabilité.

Shalom s’adressa à la juge d’une voix calme et posée. Et avec tout le poids des années qui s’étaient écoulées et de la sagesse qu’il avait acquise, il déclara : « Le problème c’est que vous ne m’avez jamais cru ni cru en moi – ou en la possibilité que je puisse être réhabilité. Rabbin Grossman, lui, a cru en moi, et grâce à lui, moi – et beaucoup d’autres personnes, avons été réhabilités. Je ne peux que vous remercier pour avoir orchestré ma rencontre avec le Rabbin Grossman et ses émissaires ; je ne peux pas imaginer la tournure qu’aurait prise ma vie si cette rencontre ne s’était pas produite. Merci. »

A l’approche de Yom Kippour, nous devons savoir que chacun d’entre nous a le pouvoir d’être réhabilité. Pour la plupart, nous ne traînons pas un bagage aussi lourd que celui de Shalom, mais chacun à son échelle, nous faisons face à des défis uniques. Nous ne devons jamais perdre notre confiance en nous-mêmes ni en notre capacité à évoluer.

Postscript : Shalom dirige aujourd’hui une société privée dans l’industrie des services.

Rabbin Its’hak Grossman a reçu le prix d’Israël, la plus prestigieuse distinction décernée aux citoyens d’Israël pour avoir consacré toute son existence aux pauvres et aux défavorisés ; ainsi que pour l’institution qu’il a créée – Migdal Ohr (http://www.migdalohrusa.org/).

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