Israel

Le meurtre d’un héros

07/10/2015 | par Sara Yoheved Rigler

Hommage au Rav Nehemia Lavi qui paya de sa propre vie alors qu'il tentait de sauver des vies.

Rav Nehemia Lavi, 41 ans, célébrait le troisième repas du Chabbath aux côtés de son épouse et de leurs sept enfants dans la Soucca située sur le toit de leur appartement, dans la Vieille ville de Jérusalem. Rav Lavi rapporta un enseignement du Gaon de Vilna qui affirme qu’il existe deux mitsvot [commandements divins] qu’un homme peut accomplir de tout son corps : vivre sur la Terre d’Israël et séjourner dans une Soucca. (Les femmes, qui  sont tenues de s’immerger dans un mikvé, possèdent trois mitsvot de ce type). Il fit remarquer à sa famille qu’au moment même, ils avaient le privilège d’accomplir ces deux mitsvot simultanément. Soudain, ils entendirent une femme hurler. Rav Lavi, officier de réserve de Tsahal, saisit son pistolet et courut dans la rue pour lui porter secours. Comme le soulignerait plus tard le grand rabbin d’Israël lors de ses funérailles, Rav Nehemia Lavi accomplissait ainsi une troisième mitsva de tout son corps…

Le terroriste arabe, qui avait déjà assassiné Aharon Benitah (Bennett), un jeune père de famille de 22 ans d’origine francophone, et grièvement blessé sa jeune épouse Adèle, tua Rav Lavi en le poignardant à plusieurs reprises au torse et au cou. Puis il s’empara de l’arme de Rav Lavi et tira sur la jambe du jeune enfant des Bennett. Malgré le poignard planté dans son épaule, Adèle réussit à courir jusqu’à un poste de police situé à 50 mètres de là avant de perdre connaissance. La police parvint à neutraliser le terroriste.

Nehemia Lavi était un amoureux de la Vieille ville de Jérusalem. Bien qu’ayant grandi à Beth-El, une localité située à 33 km de Jérusalem, Nehemia s’installa à la Vieille ville il y a 23 ans, pour étudier à la Yéchiva d’Atéret Cohanim. Devenu éducateur, il enseigna à des jeunes hommes dans cette même Yéchiva et à des enfants au Talmud Torah Moriah du quartier juif.

Nehemia était aussi un amoureux de la Terre d’Israël. Il avait suivi une formation professionnelle de guide touristique, non pas parce qu’il recherchait une autre vocation mais simplement parce qu’il voulait tout connaître sur la Terre d’Israël.

Rav Lavi servit son pays avec un zèle remarquable. En tant que soldat combattant de Tsahal puis en tant que réserviste, il était régulièrement appelé pour remplir ses obligations de réserve. Passé 40 ans, et déçu de perdre ce privilège en raison de son âge, il suivit une formation d’aumônier afin d’être à même de continuer à effectuer ses périodes de réserve en tant qu’officier. Cela faisait tout juste deux semaines qu’il avait terminé sa formation.

Vivre au cœur du quartier musulman

Il y a environ quinze ans, Nehemia et sa femme Néta s’installèrent à Beth Witenberg, à la rue Hagaï du quartier musulman. Ce vaste complexe avait été acquis par Rav Moché Witenberg, un Juif fortuné d’Europe de l’est, dans les années 1880. Rav Witenberg consacra une partie du bâtiment pour ériger une magnifique synagogue Chabad dotée d’une bibliothèque fournie, loua vingt appartements et employa la majeure partie du bâtiment pour accueillir ses institutions caritatives. Rav Witenberg décéda sans enfants en 1899, non sans avoir fait le nécessaire auprès des autorités turques pour s’assurer que la propriété soit légalement reconnue comme une fondation caritative et reste entre les mains des Juifs. En 1920, des émeutiers arabes attaquèrent le complexe Witenberg, incendièrent la synagogue ainsi que ses nombreux rouleaux de Torah et manuscrits Chabad sans prix, puis pillèrent et détruisirent les appartements.

Bien que les habitants d’origine aient craint de retourner à Beth Witenberg après sa reconstruction, des immigrants juifs d’Hongrie s’y installèrent. Ils y restèrent jusqu’à en être chassés durant les émeutes arabes de 1929, durant lesquelles 133 Juifs prétendument issus du « quartier musulman » furent assassinés. (Un recensement officiel mené par le gouvernement du Mandat Britannique en 1922 avait constaté que la majorité des résidents du « quartier musulman » étaient juifs.) À la suite des émeutes arabes de 1929 et 1936, le « quartier musulman », ainsi que ses nombreuses propriétés appartenant à des Juifs, devint Judenrein.

Après que les forces israéliennes aient libéré la Vieille ville de la domination jordanienne durant la guerre des Six Jours en 1967, les Juifs repeuplèrent petit à petit le quartier juif. Toutefois, réclamer les propriétés juives du quartier musulman fut une toute autre paire de manches. Cette démarche nécessita beaucoup de procédures légales, beaucoup d’argent et les efforts dévoués d’Atéret Cohanim pour restituer de nombreuses propriétés aux mains des Juifs. Il fallut attendre 1987 pour qu’une mézouza soit de nouveau apposée à l’entrée du complexe Witenberg.

Malgré le danger de vivre dans le quartier musulman, Nehemia Lavi et sa famille s’installèrent au Beth Witenberg, rue Hagaï, il y a quinze ans. Leur appartement était à la fois un foyer et une ferme déclaration que les Juifs ne se laisseraient pas intimider par la violence arabe pour réclamer leur patrie ancestrale ou même, ce petit lopin de terre sacrée qui leur revenait.

Ligne 18 ou le bus de la vie

Nehemia Lavi comprenait que la bravoure, comme d’ailleurs la peur, est contagieuse. L’acte qui révèle le mieux son courage se produisit en 1996. À 6h30 du matin, le 25 février, le bus n°18 de Jérusalem était rempli de passagers en route vers leurs lieux de travail. Mais un kamikaze arabe monta dans le bus et se fit exploser, tuant 26 personnes. Exactement une semaine plus tard, à la même heure, dans le même trajet de la ligne 18, un autre kamikaze fit exploser le bus, tuant 19 personnes. Exactement une semaine plus tard, à la même heure, sachant à quel point le conducteur et les passagers seraient effrayés d’emprunter cette funeste ligne, Nehemia Lavi, âgé alors de 22 ans, monta au premier arrêt du bus 18, en brandissant un immense drapeau israélien. Armé de paroles encourageantes et du drapeau bleu et blanc du peuple juif, Nehemia insuffla du courage au conducteur et aux passagers du bus. Il resta à bord du bus jusqu’au terminus puis y remonta pour le trajet du retour. C’était là une ferme déclaration ; nous Juifs ne nous soumettrons pas à la peur.

Nehemia Lavi comprenait que la bravoure, comme d’ailleurs la peur, est contagieuse.

La bravoure, comme d’ailleurs la peur, est contagieuse. Lors des funérailles de Nehemia Lavi, ce dimanche dernier, on annonça qu’après la fête de Sim’hat Torah, les « deuxièmes hakafot » (procession avec les rouleaux de Torah tenues à la sortie de Sim’hat Torah, cette fois avec l’accompagnement d’un orchestre) se tiendraient à la rue Hagaï dans le quartier musulman, à l’endroit même où Nehemia Lavi et Aharon Benitah Bennett avaient été assassinés. D’ailleurs, la place a été renommée « Kikar Nehemia VéAharon » (Place Nehemia et Aharon).

Des centaines de Juifs répondirent à l’appel. Alors que l’orchestre entonnait le chant d’Am Israël ‘Haï (« le peuple juif est vivant »), sur les rues pavées récemment lavées du sang juif qui y avait coulé, des centaines de Juifs dansèrent, des rouleaux de Torah en mains, et du courage au cœur.

Le lendemain, des rabbins commencèrent à organiser des cours de Torah sur le Kikar Nehemia VéAharon. Le député de la Knesset Motty Yoguez y déplaça également son bureau officiel. Et les jeunes amis des enfants Lavi, désormais orphelins de père, arpentent la rue Hagaï en fredonnant des chants évoquant la foi et la force morale du peuple juif.

Tous ces actes constituent de fermes déclarations ; nous Juifs ne nous soumettrons pas à la peur.

Notre cher frère Nehemia, telle est la vibrante leçon de courage que tu nous as livrée, à tous, par ton exemple. Car ta bravoure est contagieuse.

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram