Israel

Massacre en plein Chabbath

26/07/2017 | par Sara Yoheved Rigler

Yossef, ‘Haya et Elad Salomon vivaient pour leur héritage spirituel. Chabbat soir, ils sont morts pour cette même cause.

Chabbat est censé être un moment de paix, où les Juifs entourés de leur famille et leurs amis célèbrent leur proximité avec Dieu et avec leur entourage. Pour sa part, la famille Salomon de Halamish avait une autre belle occasion à célébrer Chabbat soir dernier. C’est que le plus jeune fils de Yossef et Tova Salomon et son épouse venaient de leur donner un nouveau petit-fils. Comme le voulait la tradition, la famille Salomon au complet fêtait le Chalom Zakhar, une petite collation où famille, amis et voisins se retrouvent pour saluer la venue au monde du nourrisson.

Le bref coup frappé à la porte semblait annoncer l’arrivée de leur premier invité. Mais c’était malheureusement loin d’être le cas. Omar El-Abed, résidant d’un village arabe voisin, fit irruption dans la maison des Salomon armé d’un long couteau. Il poignarda le chef de famille Yossef, 70 ans, sa fille ‘Haya, 46 ans, son fils Elad, 36 ans, et blessa grièvement la femme de Yossef, Tova, 68 ans.

Mikhal, la femme d’Elad, saisit en toute vitesse ses enfants et se réfugia dans une chambre située à l’étage supérieur où ses bébés jumeaux étaient déjà endormis. La porte de la chambre ne se fermant pas à clé, Mikhal s’y appuya de toutes ses forces pour la bloquer, tout en appelant la police. Alerté par les hurlements des victimes, un soldat israélien en permission tira sur le terroriste, le blessant mais ne le l’achevant pas.

Elad et Mikhal Salomon

Pourquoi, ô pourquoi, cette attaque terroriste atroce me rappelle-t-elle le meurtre de la famille Fogel survenu il y a 6 ans, au cours duquel une mère, un père et leurs trois enfants furent poignardés à mort dans leur maison ? Est-ce à cause des photos de ces sols tâchés de sang ? Est-ce dû au fait que les victimes étaient toutes issues d’une même famille, un arbre généalogique déraciné par le même couteau meurtrier ? Est-ce parce que les grands-parents de la famille Fogel, Tsila et ‘Haïm Fogel, vivent à Halamish, le théâtre de cette toute récente attaque terroriste ?

Halamish est une communauté située au Nord d’Israël, à une cinquantaine de kilomètres de Sebastia, l’ancienne capitale biblique du royaume nord d’Israël. (La capitale du royaume sud de la Judée a toujours été Jérusalem.) Il y a tout juste 8 mois, un incendie allumé par des Arabes avait détruit les maisons de 15 familles de Halamish. À la suite du massacre survenu vendredi soir, la municipalité a publié une déclaration officielle : « Ce n’est pas la première fois que notre communauté a été frappée par le terrorisme. Notre détermination reste toujours aussi forte et nous continuerons à construire une vie meilleure pour nos enfants, ici, dans notre patrie ancestrale. »

Un meurtre lié à la crise des portiques ?

Sorti de l’hôpital samedi après-midi, le terroriste Omar El-Abed a été mis en état d’arrestation. Au cours de son interrogatoire, il a déclaré avoir fait l’acquisition de son couteau deux jours auparavant dans l’intention de commettre une attaque terroriste à cause des heurts survenus au mont du Temple, à Jérusalem. Les journalistes arabes ont également attribué l’attaque aux manifestations de protestation déclenchées par la décision du gouvernement israélien d’installer des détecteurs de métaux aux entrées de l’esplanade. Une décision qui, rappelons-le, faisait suite au meurtre du 14 juillet de deux policiers israéliens commis avec des armes qui avaient été cachés dans une mosquée du mont du Temple.

Le grand mufti de Jérusalem (le principal dirigeant religieux musulman) a interdit aux Musulmans de se rendre au mont du Temple, arguant qu’« Allah n’écoute pas les prières qui émanent de détecteurs de métaux » (ce qui est curieux puisque la grande mosquée de la Mecque, le lieu le plus saint de l’Islam, est équipée de détecteurs de métaux.) Les imams locaux ont davantage attisé les mouvements de protestation en exhortant les Musulmans à être prêts à mourir pour protéger Al Aqsa, l’une des deux mosquées du mont du Temple.

Du côté israélien, hommes politiques et experts sont d’avis que la « crise des portiques » n’est qu’un prétexte pour inciter à la violence, puisque rien n’a changé dans le statut quo qui prévaut sur le mont du Temple : Musulmans, touristes et autres ont toujours accès libre au site.

Pour ma part, je vis dans la vieille ville de Jérusalem, à quelques centaines de mètres du mont du Temple, et si mes amis de l’étranger ont bien du mal à comprendre l’effervescence suscitée par les détecteurs de métaux, ils n’arrivent pas à  concevoir pourquoi ce bien immobilier que nous appelons le mont du Temple revêt une telle importance aussi bien pour nous juifs, que pour nos cousins musulmans.

Pourquoi le mont du Temple revêt une telle importance ?

« Construisez-moi un sanctuaire et Je résiderai parmi vous », enjoignit Dieu à nos ancêtres hébreux au moment où ceux-ci campaient autour du mont Sinaï, après leur sortie d’Égypte. Presque la moitié de la Torah est consacrée à des commandements liés au Tabernacle. Bien que situé dans le monde physique, c’était le lieu où la présence divine allait se manifester, le point de rencontre entre le Ciel et la Terre, le conduit à travers lequel nos prières monteraient jusqu’au trône céleste et où les miracles divins descendraient sur terre.

Environ 400 ans plus tard (il y a 3000 ans), le roi David décida qu’au lieu d’un Tabernacle itinérant, Dieu méritait un lieu de résidence fixe. David fit l’acquisition d’un terrain situé au sommet du mont Moria, à Jérusalem, et son fils Salomon y érigea un Temple d’une beauté exquise. La Bible décrit avec moult détails la cérémonie d’inauguration de ce Temple, lequel, à l’instar du Tabernacle qui l’avait précédé, était destiné à devenir l’endroit physique où la présence surnaturelle de Dieu allait résider.

Après 410 ans de présence continue, le Temple de Salomon fut détruit par les conquérants babyloniens en 586 avant l’ère commune, le 9ème jour du mois hébraïque d’Av. Soixante-dix ans plus tard, 40 000 Judéens qui avaient été exilés en Babylonie retournèrent en terre d’Israël et entreprirent de construire le Second Temple sur le même site, lequel a toujours été connu sous le nom d’Har Habaït, le mont du Temple. Au premier siècle avant l’ère commune, le roi Hérode agrandit et rénova le Second Temple. Celui-ci resta en place pendant 420 ans, jusqu’à ce que les Romains le détruisent, également le 9 Av, de l’an 70.

Le 9 Av, appelé en hébreu Ticha Béav, est donc devenu le plus grand jour de deuil du calendrier juif. Non pas parce que nous avons perdu la guerre, non pas parce que nous avons perdu la ville de Jérusalem, non pas parce que du sang juif coula à flots dans les rues de Jérusalem, mais parce qu’avec la destruction du Temple, la présence divine manifeste se retira du monde physique, abandonnant l’humanité dans un état de décadence et de confusion spirituelles qui perdure jusqu’à ce jour.

La conquête arabe des Byzantins, qui régnaient sur la Palestine (ainsi appelée par les Romains pour effacer le lien entre les Juifs et la « Judée ») en 634 conduisit au siège et finalement à la conquête de Jérusalem en 638. Le dôme du Rocher (le « dôme doré ») fut érigé sur le mont du Temple en 691, et le dôme d’argent de taille plus réduite, appelé la mosquée d’Al Aqsa, fut construit à l’extrémité du complexe en 705. Le site, qui est considéré comme l’endroit d’où Mahomet (qui ne se rendit jamais à Jérusalem) serait monté au paradis en rêve, est le troisième lieu le plus saint de l’islam sunnite.

Les trois semaines

Le peuple juif se trouve actuellement dans la période dite des « trois semaines » qui culminent le jour du jeûne de Ticha Béav. À l’époque de la conquête romaine en 70, une brèche fut faite dans les murailles de Jérusalem trois semaines avant la catastrophe de la destruction du Temple. Cette période des trois semaines et un moment de deuil, considéré comme de mauvais augure pour les Juifs. En effet, de nombreuses tragédies se sont abattues sur notre peuple pendant cette période.

Le meurtre de la famille Salomon est une tragédie atroce. Il est aussi inextricablement lié à cette tragique période des trois semaines durant laquelle les Juifs du monde entier sont contraints de lutter corps et âme pour revendiquer leur souveraineté sur le mont du Temple. Le deuil que nous marquons à Ticha Béav nous rappelle que le mont du Temple est le lieu le plus saint du peuple juif. C’est l’endroit vers lequel les Juifs du monde entier se tournent pendant leurs prières, le lieu qui reste à jamais le point de rencontre entre le Ciel et la Terre, ou comme l’appelle le Talmud « la porte des prières ». (À noter que les Musulmans, eux, prient en direction de la Mecque.)

La famille Salomon a choisi de vivre au cœur de l’Israël biblique, avec tous les sacrifices que cela comprenait. Yossef, ‘Haya et Elad Salomon vivaient pour leur héritage spirituel. Chabbat soir dernier, ils sont morts pour cette même cause.

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