Israel

Où le peuple juif puise-t-il les forces pour aller de l’avant ?

12/07/2016 | par Slovie Jungreis-Wolff

Nous avons été dispersés aux quatre coins du globe, certains ont prédit notre mort, mais nous sommes toujours là…

Je ne peux me résoudre à regarder, mais pas non plus à me détourner. Orit Mark, une jeune fille, pleure. Son père Michaël (Miki) a été abattu par un terroriste pendant qu’il conduisait sur l’autoroute avec sa femme et deux de ses 10 enfants. Sa mère, ‘Havi, a été gravement blessée dans l’attentat ; deux de ses frères et sœurs ont été blessés. Elle est debout, enlacée par son frère, qui tente de l’apaiser et de remplir le trou béant qui s’est fait dans son cœur. Elle sanglote, son corps tremble, mais elle prend la parole, Orit prononce une oraison funèbre sur son père assassiné.

Cet enfant de notre peuple m’impressionne. Aujourd’hui, Orit a perdu la douce innocence de la jeunesse. Une tragédie indescriptible l’a frappée de plein fouet.

Mais elle refuse de s’effondrer totalement. Sa voix est forte, malgré les larmes. Ses propos sont emplis de passion et de conviction qui emplissent la salle où se sont rassemblées en silence des milliers de personnes endeuillées. J’entends des gémissements dans la foule, des soupirs de lassitude face à ce nouvel assassinat. Mais cet enfant de notre peuple ne cède pas.

« Aba chéli, aba chéli - mon père, mon père, je t’aime tant. »

Les larmes d’Orit me touchent profondément. Cette douleur à nu est déchirante.

« Mon cher père, je ne peux pas croire que nous nous quittons. Il y a quelques instants, tu me tenais dans les bras et me disait que tu ne me quitterais jamais, mais désormais, D.ieu t’a repris. »

En entendant la description de son père, on ne peut manquer d’être ému par la bonté qu’il a dû transmettre à ses enfants chaque jour.

« Tu m’as donné ton cœur, aba. Tu nous acceptais tels que nous sommes. Si nous nous égarions, tu ne nous laissais jamais pour un instant…merci pour tout. Merci pour les fois où tu m’as réprimandée et indiqué la voie à suivre. Tu as été le meilleur papa  au monde. »

L’obscurité se lève pour un temps. Une lueur de lumière perce à travers la douleur.

« Regarde-nous, papa. Regarde-nous. Nous sommes brisés. Brisés! Mais si forts, papa, grâce à toi. Grâce à l’enseignement que tu nous as prodigué, toi et maman. Regarde les enfants forts que tu as élevés. »

« Nous avons besoin de toi. Tu nous manques. Prie pour nous et pour maman, pour qu’elle se relève, nous avons besoin d’une maman. Merci papa pour tout ce que tu m’as donné. Pour ma foi. Je suis croyante. Nous allons perpétuer ta foi. Veille sur nous, papa. »

Notre histoire ne ressemble à celle d’aucune autre nation. Les persécutions, la destruction de notre saint Temple, les croisades, l’Inquisition, la Shoah, l’exil, l’antisémitisme vicieux, et maintenant, les assassinats sauvages de notre peuple. Ne serait-il pas plus facile de succomber au désespoir ?

D’où une enfant telle qu’Orit acquiert-elle cette armure de foi ? Comment peut-elle continuer, aller de l’avant ?  Comment pouvons-nous continuer à proclamer notre foi en D.ieu et notre amour pour notre peuple et notre terre ? D’où puisons-nous ce courage ?

Enfant, j’ai grandi avec des histoires sur la Shoah. Mon père a perdu toute sa famille. Ma mère a survécu au camp de Bergen-Belsen avec ses parents et deux de ses frères, mais ses grands-parents, tantes, oncles et cousins ont péri dans les flammes des fours crématoires.

Ma mère nous décrivait, à nous ses enfants, et à nos propres enfants, comment chaque semaine, mon grand-père ne mangeait pas les morceaux moisis de pain dur qu’il recevait. Il cachait ses croûtes et les gardait pour Chabbat.

 Le vendredi soir, mon grand-père rassemblait ses enfants et ma grand-mère.

« Fermez les yeux », murmurait-il. « Imaginez que vous êtes à la maison. Maman a préparé de la ‘hala chaude, en sentez-vous l’odeur ? Les bougies de Chabbat sont allumées, les flammes dansent. La nappe blanche est sur la table, nous sommes assis tous ensemble. »

Mon grand-père distribuait alors les précieuses portions de pain dur qu’il avait conservées et commençait à fredonner « Chalom Alékhem », bienvenue aux anges du Chabbat.

Une semaine, mon oncle, un tout jeune enfant à l’époque, demanda : « Tatte, papa, où sont les anges ? Je ne vois aucun ange ici, dans cet endroit affreux ! »

Mon grand-père se mit à pleurer. « Bien sûr qu’il y a des anges ici. Vous, mes enfants, vous êtes les anges du Chabbat. »

Ma mère n’a jamais oublié ces paroles. Elle nous a transmis cet héritage à nous, à nos enfants, et aux enfants de nos enfants.

Parfois, elle était contrainte de se tenir debout dans la neige profonde et gelée lors de l’appel. Sa tête était rasée. Il y avait des poux et de la vermine. Elle tremblait dans le froid. Les gardes nazis riaient, bien au chaud dans leurs manteaux en laine épaisse et leurs bottes noires brillantes, fusils en main. Les bergers allemands aboyaient avec férocité. Mais malgré tout, ma mère n’a jamais souhaité être comme eux. Elle n’a jamais douté un instant qu’elle était une fille juive, un enfant du peuple juif. Elle était un ange du Chabbat.

C’est le secret grâce auquel nous avons conservé notre force et qui nous enhardit face aux feux de la destruction.

Peu importe la haine du monde, les menaces de l’Iran, le mouvement enragé du B.D.S., les effrayantes attaques au couteau, les meurtres qui ensanglantent cette terre, nous savons que nous, en tant que peuple de D.ieu, allons survivre. Nous vivons aujourd’hui avec cette vérité. Nous avons été dispersés aux quatre coins de la terre, notre mort a été prédite par beaucoup ; or nous sommes bien là. Une nouvelle génération est née. En dépit de la douleur, nos fils et filles déclarent leur foi, s’attachent à nos traditions et embrassent l’héritage de leurs pères et mères.

Alors toi aussi, ma chère Orit, je te salue, ma chère enfant.

Tu t’es levée et tu as défié ceux qui veulent nous rayer de la face de la terre et nous jeter à la mer. Tu as choisi de déclarer de toute ton âme que toi aussi, tu es un ange du Chabbat. Tu continueras à apporter la lumière de ta foi dans ce monde sombre où nous vivons. L’avenir sera rempli de moments doux-amers. Un jour, avec l’aide de D.ieu, tu seras debout sous la ‘houpa, prête à fonder ton propre foyer. Tu regarderas autour de toi, tu aurais aimé que ton père te tienne la main. Il te la tient, Orit ! Il veille sur toi d’en-haut. Il a préparé la voie pour toi. Puise dans ses enseignements et son amour ; allume la flamme de sa Emouna. Il est fier de toi, tu as renforcé ton peuple, pour lequel tu es une source de fierté.

Que D.ieu te bénisse et sèche tes larmes.

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