Israel

Rav Aryeh Kupinsky : le bien avant tout

23/11/2014 | par Moshie Cohen

Il s’est battu contre les terroristes dans la synagogue de Har Nof, et a sauvé la vie de nombreuses personnes.

Aryeh Kupinsky était un grand homme avec une longue barbe rousse. Il dominait presque tout le monde de sa haute taille. Mais ce qui le démarquait vraiment, c’était son grand sourire, qu’il affichait en toutes occasions.

Aryeh était un homme d'action, toujours en mouvement. Ses longues jambes l’emmenaient loin, ses bras puissants lui permettaient d'atteindre leur but. Et que faisait donc Aryeh ? Il était toujours en train d'aider quelqu'un. Il a vécu pour les autres. Sa première pensée ne fut jamais pour lui-même.

Aryeh vécut pour les autres. Sa première pensée ne fut jamais pour lui-même.

Comme le Rav Jonathan Taub l’a si bien dit, Aryeh était incapable d'être un simple invité à la sim’ha de quelqu'un. S’il était présent au début, il retournait les tables et les dépliait. Il ne partait jamais avant que tout soit en ordre. Un ami a une fois insisté pour que Aryeh s’assoit, afin qu’il puisse profiter pleinement du moment, et qu’il laisse faire ceux qui avaient été embauchés faire leur travail. Cela n'a pas empêché Aryeh de traîner tous les cartons de boissons repérés à l'extérieur de la salle et de les ranger dans le réfrigérateur.

Combien de fois entendait-on de sa bouche : « Que puis-je faire pour aider ? »

Quand je suis arrivé à la Yechiva la première fois il y a près de deux décennies, quelqu'un m’a dit, « Aryeh Kupinsky est une personne qui ferait n’importe quoi pour n’importe qui, à tout moment. » Quand il était encore étudiant et qu’il vivait dans un dortoir, il avait écrit sur un panneau : « S’il vous plaît, ne vous gênez pas pour m’emprunter quoi que ce soit. Pas besoin de demander. »

Aryeh agissait rapidement et sans se faire de publicité. Il ne demandait aucune reconnaissance, et beaucoup n’était pas au courant de ce qu’il faisait. Par exemple, durant des années, Neve Yerushalayim (séminaire américain à Har Nof dont la section française est Nerlitz, ndlr) accueillait un programme de conférences pour ticha beav. A 2 heures, tout le monde était rentré chez soi. Sauf, bien sûr, un homme qui faisait en sorte que le Sefer Torah et les deux rouleaux de Haftarah utilisés pour prier soient rangés dans la synagogue, et que le Aron Kodesh soit correctement verrouillé. C’était Aryeh.

Il était profondément passionné. Sa passion était particulièrement évidente quand il étudiait la Torah. Il était un érudit qui aimait toujours s’impliquer davantage.

La vérité est qu'au cours des années, quand j’allais voir Aryeh, mon cœur s’emballait. Il avait toujours quelque chose en tête et nourrissait constamment des questions pour approfondir sa compréhension, retournant le texte dans tous les sens en essayant d’en résoudre les questions. Il aimait partager avec vous ce qu’il avait compris et vos propres questions. « Intéressant ! disait-il, je vais y réfléchir ! »

Il n’était pas du genre à se satisfaire d’une simple réponse. Toute solution possible devait être analysée, pesée puis à nouveau discutée. Parfois je n’avais pas le temps de le suivre. Comme je regrette ces moments…

Aryeh faisait beaucoup pour les autres, mais jamais au détriment de sa propre famille. Il était un mari et un père entièrement dévoué. Après avoir quitté le Kollel où il avait étudié à plein temps, il continua de consacrer des heures à la Torah lorsqu’il se mit à travailler dans les ordinateurs afin de subvenir aux besoins de sa famille. Parce que sa femme Yaakova avait un excellent poste mais également un emploi du temps surchargé, il se mit à assumer une grande partie du ménage, de la cuisine, s’occupa des enfants, pour permettre à sa femme de continuer son travail. Bien qu'il assistait depuis de nombreuses années à la prière de la communauté des Bnei Torah de Har Nof, dans la synagogue de Rav Rubin, il avait seulement récemment rejoint le minyane de 6h25 afin de rentrer à la maison plus tôt pour aider sa femme. Le massacre a eu lieu au cours de cette prière.

La mort de sa fille

Il y a deux ans, quelques jours après Ticha Be Av, ‘Haya, la fille de Rav Aryeh, ne se réveilla pas. Elle allait avoir 14 ans. ‘Haya était mâture pour son âge. Elle assumait une grande partie des charges du foyer, agissant comme une seconde mère pour ses frères et sœurs. Après son décès prématuré, ses parents trouvèrent dans ses affaires de nombreuses pages de prières personnelles, qu’elle avait composées quotidiennement.

Aryeh était inconsolable après la disparition de ‘Haya. Tout la rappelait à son souvenir et les larmes n’étaient jamais loin de ses paupières. Durant deux longues années, la famille ne passa pas le repas de vendredi soir à la maison, car il était trop douloureux pour Aryeh de ne plus partager ces moments avec sa fille aînée bien-aimée. Etre invité à la table d'une autre famille lui permit d'atténuer sa douleur. Mais lorsqu’il bénissait ses autres enfants après le kiddouch, il ne pouvait plus contenir sa douleur et il était secoué de sanglots déchirants.

Mais Aryeh ne se serait pas permis de se complaire dans la souffrance. Il organisa des conférences à la mémoire de ‘Haya, afin d’inspirer les autres à grandir spirituellement. Il disait souvent que c’était une grande source de réconfort pour lui de savoir que tant de gens avaient amélioré leurs vies spirituelles grâce à ‘Haya.

Mais Aryeh voulait faire plus. Il chercha à établir quelque chose de permanent pour honorer la mémoire de sa fille. Nous vivons dans un monde où s’est développé le ‘hessed à travers les gma’him (cf. notre article : http://www.aish.fr/a/societe/Le-gmah--Les-autres-avant-tout.html), ces organismes de prêts gratuits énumérés dans les annuaires juifs du monde entier. Ba'al ‘Hessed extraordinaire, Aryeh réussit à trouver un Gma’h si rare que, de ma connaissance, il n'y a pas d’autre adresse que la sienne ! Un Gma’h de congélateurs ! Il a acheté un certain nombre d’appareils et a annoncé qu'ils seraient disponibles gratuitement durant les fêtes juives et privées. Il m'avait confié avec un mélange d'incrédulité et de regret que, avant Roch Hachana, il avait dû refuser 92 candidats. Quelques jours avant la disparition brutale d’Aryeh, il réfléchissait à la manière d’acquérir davantage de congélateurs pour satisfaire toutes les demandes.

Or, il se trouve que Har Nof est construit sur une montagne. Chaque rue est à un autre niveau. Le quartier entier est composé de longues rues tortueuses et escarpées, avec de nombreux escaliers et des centaines de marches.

Lors de ses funérailles, un ami commun m'a confié ce que lui avait dit Aryeh la dernière fois qu'ils s’étaient rencontrés. Aryeh transportait un congélateur sur une charrette à deux roues. C’était le seul moyen de transport utilisé par le gma’h et il n'y avait qu'un seul « employé » : Aryeh.

« Tu n’es pas fou ? » lui avait demandé notre ami commun. « Tu ne te contentes pas seulement de prêtez aux gens un congélateur gratuitement mais tu assures aussi le transport ? Qu'ils paient 50 shekels pour la livraison ! »

Aryeh répondit : « Mais c’est mon ‘Hessed ! (mon occasion de faire un acte de bonté) ».

Ce fatidique mardi matin, des hommes en prière ont été massacrés par des terroristes sanguinaires. Certains se sont enfuis pour sauver leur vie en courant vers l’extérieur. Pas Aryeh. Il a crié à tout le monde de sortir au plus vite pendant qu’il lançait des pupitres, des chaises, et tout ce qui lui tombait sous la main afin de gagner du temps. Il a même tenté de retenir physiquement l'un des tueurs. D’autres ont suivi son exemple. Mais après reçu plusieurs coups – certains ne lui étaient pas destinés – Aryeh est tombé inanimé. Après avoir sauvé la vie d’autres hommes.

Lors de l’enterrement, il y eut un retard imprévu. Lorsque nous sommes arrivés à la sépulture destinée à Aryeh à Guivath Shaoul où sa fille ‘Haya est enterrée, le trou dans le sol n’était pas assez long. Nous avons attendu dans l'obscurité tandis que le Chevra Kadisha sortait ses outils. C’est alors que nous pûmes l’enterrer, la terre le reprenant à regret.

Aryeh Kupinsky était un grand homme. Mais son cœur était encore plus grand.

Les dons pour les familles des victimes peuvent être adressés via le lien : http://www.harnofonline.com/terrorfund.aspx

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