Monde Juif

À quoi ressemblera la communauté juive dans 50 ans ?

05/11/2015 | par le grand rabbin Jonathan Sacks

Plongez dans le futur et dessinez l’avenir du peuple juif dans un demi-siècle...

Scénario n°1 : Nous sommes en l’an 2050. Les Juifs ont déserté l’Europe. Il était devenu si dangereux de porter des signes religieux distinctifs ou d’exprimer publiquement son soutien à Israël qu’ils ont discrètement décidé de plier bagage. Un siècle après la Shoah, l’Europe est redevenue Judenrein. Aux États-Unis, le seul groupe significatif de Juifs sont les ultra-orthodoxes. En dehors de l’orthodoxie, les taux de mariages mixtes et de désaffiliation se sont tellement accrus que le restant de la population juive est devenu l’incarnation moderne des dix tribus perdues. En Israël, une population assiégée de toutes parts lutte avec acharnement pour sa survie. L’Iran, ayant remporté sa confrontation avec l’Occident, a utilisé sa fortune et sa légitimité nouvellement acquises pour encercler Israël avec des puissances alliées armées jusqu’aux dents, son arsenal nucléaire constituant l’ultime menace contre toute réaction décisive. De nombreux Israéliens ont quitté leur pays, sachant qu’ils pourront trouver oranges et rayons de soleil en Floride et en Californie. Après tout, arguent-ils, il est impossible d’élever des enfants sous le spectre de la terreur.

Scénario n°2 : Nous sommes en l’an 2050. Les Juifs d’Europe prospèrent. Les Européens ont fini par comprendre que la menace posée par l’islam radical ne concerne pas seulement les Juifs et Israël, mais la notion même de liberté. Ils ont pris des mesures, et les Juifs se sentent maintenant en sécurité. Aux États-Unis, la vie juive se développe tant et plus, les dirigeants ayant décidé de subventionner l’éducation juive et de s’engager sérieusement en vue de la continuité de la communauté. Pour sa part, Israël a conclu des alliances stratégiques avec l’Égypte et l’Arabie Saoudite face à la menace d’un Iran nucléaire et d’un islamisme apocalyptique. Ce qui lui a enfin permis de s’assurer une reconnaissance de facto au Moyen-Orient, voire une légitimité de jure.

Ces scénarios sont tous deux plausibles. Les Juifs font des prophéties, non pas des prédictions. La différence entre les deux est que si une prédiction s’accomplit, c’est qu’elle a réussi. Si une prophétie s’est réalisée, c’est qu’elle a échoué. Nous ne prédisons pas le futur, nous le façonnons. Nous Juifs accordons une foi incontestable à la notion de libre-arbitre.

Ce qui est unique dans la période que nous traversons, c’est que les Juifs jouissent d’une situation qu’ils n’ont jamais connue en 4000 ans d’histoire. Nous avons à la fois l’indépendance et la souveraineté en Israël, et la liberté et l’égalité en diaspora. Il y eut quelques brèves périodes par le passé où les Juifs jouirent de l’une ou de l’autre de ces caractéristiques, mais jamais des deux à la fois.

Aujourd’hui, les Juifs se sont surpassés dans tous les domaines, à l’exception du judaïsme. Aux États-Unis par exemple, si 94% des Juifs se disent fiers d’être juifs, ils sont 48% à admettre ne pas savoir lire l’alphabet hébraïque.

Pour leur part, de nombreux citoyens israéliens trouvent l’aspect extérieur du judaïsme profondément contraignant. Israël lui-même, un pays aux réalisations presque miraculeuses, a perdu la majeure partie du soutien dont il bénéficiait autrefois. Jadis, les Juifs étaient les meilleurs conteurs du monde. Aujourd’hui, nos ennemis savent mieux raconter leur histoire que nous-mêmes la nôtre.

Nos ancêtres avaient un rêve qui leur permit de subsister pendant 20 siècles d’exil. Celui d’établir un jour, en terre sainte, une société emprunte de justice et de compassion, respectueuse de la dignité de l’individu et de la sainteté de la vie, dans laquelle l’amour de Dieu se traduirait en amour du voisin et de l’étranger et la religion serait le moteur principal de la justice et l’intégration sociales. Ils rêvaient d’inspirer le monde par la grâce et la simplicité du mode de vie prôné par le judaïsme. C’était une vision utopique, mais le simple fait d’y aspirer suffit à élever nos ancêtres à de hautes sphères morales, spirituelles et intellectuelles. Ou pour reprendre une célèbre réplique de Shakespeare, ils pouvaient être enfermés dans une coquille de noix et se regarder comme les rois d’un espace infini.

Tel est l’avenir qui se dessine devant nous. Oui, il y a de l’antisémitisme, oui il y a l’Iran, et oui, nous avons des ennemis. Mais nous leur avons survécu par le passé, et nous leur survivrons de nouveau dans le futur. En attendant, chacun des rêves qui habitaient nos ancêtres se trouve aujourd’hui à notre portée. Ce qu’il nous faut, c’est le courage d’être nous-mêmes sans complexe, d’élever nos enfants selon les préceptes du judaïsme, et de créer en Israël une société emprunte de telles force et générosité spirituelles qu’elle interpellera tous ceux qui en ont encore l’ouverture d’esprit.

Le moment est venir d’honorer la confiance que nos ancêtres avaient en nous, celle voulant qu’au moment où nous en aurions l’occasion, nous éclairerions les lieux obscurs du monde avec l’éclat de la foi pour laquelle ils ont risqué leur vie même. Le plus tôt sera le mieux.

Source : Commentary Magazine.

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