Monde Juif

Comment Elie Wiesel a changé ma vie

12/07/2016 | par Yvette Miller

Le vainqueur du Prix Nobel est décédé à l’âge de 87 ans. Sa passion pour la vie et le judaïsme a laissé une trace indélébile sur moi.

Elie Wiesel vient de s’éteindre à l’âge de 87 ans. Vainqueur du prix Nobel et figure littéraire de premier plan, son œuvre, la Nuit, fait la chronique de ses terribles expériences dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Buchenwald. Il nous livre un des témoignages les plus puissants sur la Shoah, et il fut l’un des seuls à avoir marqué la conscience de l’humanité par ses descriptions de la réalité de la Shoah.   

Lorsque j’étais adolescente, Wiesel représentait pour moi, ni plus ni moins que le judaïsme lui-même.

Enfant, ma mère nous emmenait l’écouter discourir chaque année à la synagogue de Chicago. Wiesel était un ami du rabbin et il ménageait du temps dans son emploi du temps chargé pour donner une conférence chaque année dans notre communauté de Chicago.

Grâce à ces conférences - et aux livres qu’il rédigea - le judaïsme me semblait attrayant.

M. Wiesel, né en Roumanie en 1928, grandit à l’ombre des histoires de son grand-père Feig, un membre de la communauté ’hassidique de Vishnitz, et il partage certaines de ces histoires avec nous. 

Il relate des contes emplis de symbolisme et chargés de sens : de pauvres marchands ambulants à la recherche de la richesse et des gens ordinaires en quête de sainteté et de divin. Ces contes décrivent des hommes plongés dans l’étude, dont les bonnes actions permettaient au monde de poursuivre sa route.

J’étais subjuguée. Je n’avais jamais entendu des histoires comme celles-là nulle part. Dans l’univers décrit par M. Wiesel, le désir pour le sens et la spiritualité semble être la norme.

La propre vie de M. Wiesel incarnait cette attente ; il était naturel de prendre la vie au sérieux, notre devoir étant d’améliorer le monde. Dans une entrevue au New York Times en 1941, M. Wiesel expliquait qu’en tant que survivant de la Shoah, il ressentait vivement cette responsabilité : « Il doit y avoir une raison pour laquelle j’ai survécu. Je dois faire quelque chose de ma vie. La vie est trop sérieuse pour se permettre de jouer, car à ma place, quelqu’un d’autre aurait pu être sauvé. Je suis donc le porte-parole de cette personne. D’un autre côté, je sais que j’en suis incapable. »

Il luttait contre la complaisance et l’indifférence de l’homme. « Le contraire de l’amour, ce n’est pas la haine, c’est l’indifférence, » répétait-il souvent. Il vivait avec la mission de perpétuer le souvenir de la Shoah.  Lors de la cérémonie de remise du prix Nobel, en 1986, il déclara : « J’ai tenté de perpétuer la mémoire et de lutter contre ceux qui voulaient oublier. Car si nous oublions, nous sommes coupables, nous sommes complices. »

Lorsque j’observais chaque année M. Wiesel debout sur le lutrin lorsqu’il s’adressait à l’audience, je sentis qu’il représentait un lien à un monde précieux et presque perdu ; il incarnait une tradition et une sagesse qui semblaient totalement manquer dans le monde tel que je le connaissais. Il s’exprimait avec passion sur la Shoah, sur la recherche d’un sens dans la vie, sur des sujets éthiques actuels.

A l’époque, le sort des Juifs soviétiques était d’actualité. « Ce qui me tourmente le plus, ce n’est pas les Juifs du silence que j’ai rencontrés en Russie, » lança M. Wiesel, « mais le silence des Juifs parmi lesquels je vis aujourd’hui. »

Elie Wiesel nous mit au défi d’être meilleurs et d’agir davantage. Une histoire racontée par M. Wiesel m’accompagne jusqu’à aujourd’hui. C’est l’histoire d’un homme qui empruntait toujours la lanterne de son voisin, parce qu’il n’en possédait pas. Il finit enfin par réaliser que s’il voulait se rendre où il le souhaitait, il devait se procurer sa propre lampe. Je ne peux faire justice à la manière éloquente dont M. Wiesel racontait cette belle fable, mais je me souviens des frissons qui me parcoururent le corps lorsqu’il expliqua que nous devons chacun acquérir notre propre lumière, notre propre étude, qui nous aidera à tracer notre voie personnelle.

Ce soir-là, je résolus de trouver ma propre lumière. Ma soif de connaissances juives avait été déclenchée par ces discours d’Elie Wiesel. Je pris des cours de pensée juive à l’université, je lis des livres à thème juif et me rendis enfin en Israël pour étudier, considérant les connaissances comme un moyen de créer la propre lumière de chacun.

Des décennies plus tard, je réalisai que je devais le remercier personnellement d’avoir changé ma vie. Je découvris que  M. Wiesel enseignait à l’université de Boston. J’appelai la faculté et demandai son bureau. « Oui ? » me répondit une femme aimable ; c’était sa secrétaire privée. Bien que M. Wiesel fût fragile et ne pût répondre au téléphone, me dit-elle, elle se ferait un plaisir de lui transmettre un message.

Je me confiai à elle. Je lui racontai à quel point M. Wiesel avait été important pour moi, comment ses livres m’avaient guidé, comment il avait changé ma vie. Elle m’écouta patiemment parler. « Je suis sûre qu’il est en contact constamment avec des gens importants », dis-je, « mais merci de lui transmettre que pour une personne ordinaire, ses mots ont créé une immense différence. »

La secrétaire prit la parole, la voix chargée d’émotion. « Je vais le lui communiquer, » me dit-elle, « il en sera très heureux. »

Elie Wiesel a changé la vie de millions de personnes grâce une vie longue et active. Je suis très reconnaissante d’avoir pu exprimer mes remerciements à cet homme remarquable, responsable d’avoir changé la mienne. En sa mémoire, embrassons les valeurs qu’il chérissait tant : la passion pour les études juives, le souvenir de la Shoah et le combat contre le mal.

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