Monde Juif

Meurtre de Sarah Halimi : quand la France se voile la face sur la haine antisémite

21/06/2017 | par Yvette Miller

« Il faut que la politique de l'autruche cesse et que nos dirigeants prennent conscience de ce qui se passe dans le pays. Pour Sarah et sa famille, mais aussi pour la France. »

Quand Sarah Halimi, médecin de formation et directrice de crèche âgée de 66 ans, a été brutalement assassinée à Paris en avril 2017 – par un homme musulman qui a hurlé « Allah Akbar » et traité sa victime de Satan en arabe – la police et les journalistes français ont camouflé la nature antisémite du crime. La police a mis en examen l’assassin de Sarah Halimi pour cause d'homicide volontaire, non pas de meurtre, et a refusé de retenir le caractère antisémite de cette attaque.

Deux mois après le meurtre de Sarah Halimi, les Juifs de France et d’ailleurs se mobilisent pour que la vérité autour de ce meurtre soit enfin dite, et réclament un débat plus ouvert sur l’antisémitisme omniprésent qui envenime certaines parties de la société française.

Sarah Halimi était une juive orthodoxe. Sa famille avait connu des tensions avec l’un de leurs voisins, Kada Kobili Traoré, un jeune dealer de 27 ans, qui avait par le passé traité la fille de Sarah Halimi de « sale Juive ».

Le 4 avril 2017 à 4h25 du matin, il sonne à la porte de ses voisins, d’origine malienne comme lui, et s’impose de force dans leur appartement situé au troisième étage. Affolés par l’irruption de Traoré et son agressivité, les voisins se barricadent dans une pièce et décident d’alerter la police. À travers la porte, le père de famille entend Traoré psalmodier des sourates du Coran. Les forces de l’ordre mettent 13 minutes à arriver sur les lieux et se trompent de bâtiment. Ce retard et cette erreur coûtent à Sarah Halimi la vie.

D’autres entendent les cris d’ « Allah Akbar », « Tu vas la fermer, ta bouche » et « Sheitan » que le bourreau lance à la femme qu’il torture et tue.

À partir du balcon des voisins, Traoré s’introduit dans celui de l’immeuble contigu ; le balcon de Sarah Halimi. La police reçoit de plus en plus d’appels téléphoniques. Un coup de fil passé à 4h45 semble décrire les coups qu’assène Traoré à Sarah Halimi : « C’est une femme âgée, et elle a l’air de beaucoup souffrir » confie un voisin à la police. Les cris de Sarah Halimi réveillent les voisins, qui sont témoins de son supplice. L’un d’eux décrira l’allure « bestiale » de Traoré. D’autres entendent les cris d’ « Allah Akbar », « Tu vas la fermer ta bouche » et « Sheitan » que le bourreau lance à la femme qu’il torture et tue.

À ce stade, six policiers sont présents sur la scène du crime mais, craignant d’être en butte à une attaque terroriste, ils attendent l’arrivée des renforts de la brigade anticriminalité avant d’intervenir. Pendant ce temps, Traoré s’acharne contre sa victime, qu’il défigure avant de la défenestrer du haut des trois étages. Sarah Halimi succombe à ses blessures.

Pour sa part, Traoré regagne l’appartement des voisins maliens dans le bâtiment voisin et se met à prier. Il est 5h35 quand les forces de l’ordre se décident enfin à intervenir et à interpeller l’assassin, toujours en prière.

Malgré les témoignages accablants des voisins, la police refuse de qualifier ce crime d'antisémite, qualification qui aurait constitué une circonstance aggravante. Bien que n’ayant aucun antécédent de troubles mentaux, Traoré plaide « une folie passagère », lui permettant d’être placé en évaluation psychiatrique. Le parquet de Paris ouvre contre le meurtrier de Sarah Halimi une information judiciaire pour homicide volontaire, en occultant le caractère antisémite, pourtant flagrant, de son crime.

La communauté juive de France appelle les autorités à reconnaître l’assassinat de Sarah Halimi comme un acte terroriste doublé d’un crime antisémite.

Aujourd’hui, la communauté juive de France appelle les autorités à reconnaître l’assassinat de Sarah Halimi comme un acte terroriste doublé d’un crime antisémite. 17 intellectuels français ont d'ailleurs signé un appel publié dans Le Figaro pour que lumière soit enfin faite autour de ce meurtre : « Tout laisse penser, dans ce crime, que le déni du réel a encore frappé. Nous demandons que toute la vérité soit établie sur le meurtre de Sarah Halimi. Que toute la vérité soit dite sur la profondeur des fractures françaises. Il faut que la politique de l'autruche cesse et que nos dirigeants prennent conscience de ce qui se passe dans le pays. Pour Sarah et sa famille, mais aussi pour la France. »

Triste coïncidence, il s’avère que Sarah Halimi porte le même nom de famille qu’une autre victime juive d’un meurtre antisémite atroce ; Ilan Halimi qui fut enlevé, séquestré puis torturé pendant 24 jours avant d’être assassiné en 2006 en banlieue parisienne. Bien que le supplice qu’il vivait entre les mains du Gang des barbares fût connu de nombreux voisins, la police ne parvint pas à retrouver Ilan et négligea de nombreux indices capitaux pendant son enquête.

Le 4 juin 2017, sur France Culture, Hervé Gardette consacre son émission quotidienne Du grain à moudre à la question brûlante : Y a-t-il un déni d’antisémitisme en France ? Le journaliste ne manque pas de souligner les similitudes entre les deux affaires, notamment en ce qui concerne « le temps qu’il avait fallu à l’époque [d'Ilan Halimi] pour que le caractère antisémite de son enlèvement soit admis par les enquêteurs et les journalistes. »

Pour le sociologue juif Shmuel Trigano, l’explosion de la haine et de la violence antisémites en France commence au début du siècle, quand les crimes antisémites se multiplient. Selon Trigano, un grand nombre de ces attaques ont été présentées dans les médias et traitées par la justice comme des crimes ordinaires, et leur caractère antisémite passé sous silence.

En 2014, par exemple, un couple juif de Créteil a été agressé par quatre individus d’origine africaine, qui violèrent la jeune femme, cambriolèrent la maison, pour ensuite se vanter d’avoir ciblé la famille en question parce qu’elle était juive. Mais la qualification antisémite de l’agression a été par la suite écartée par le juge d’instruction chargé de l’affaire.

En 2015, un rabbin et deux fidèles ont été agressés au couteau à proximité d’une synagogue à Marseille par un individu qui crie « Allah Akbar ». Dans un premier temps, les autorités françaises avancent la thèse du déséquilibre mental, puis face aux critiques du public, elles se résignent à retenir la charge de tentative d’assassinat aggravée d’insultes antisémites.

Le tueur s’est exclamé : « J’ai tué un Juif. J’irai au paradis. Allah m’a guidé ! »

En 2003, dans le Xème arrondissement, Sébastien Selam (dit DJ Lam. C), un jeune homme juif de 23 ans, a été assassiné par Adel Amastaibou un ami d’enfance qui était musulman. « J’ai tué un Juif. J’irai au paradis. Allah m’a guidé ! » s’exclamera-t-il après avoir poignardé Selam. Tout comme l’assassin de Sarah Halimi, Amastaibou est interné en psychiatrie au lieu d’être mis en examen pour meurtre à caractère antisémite.

Le nombre d’agressions antisémites perpétrées sur le sol français est choquant. En 2014, les autorités françaises ont enregistré 800 cas d’attaques et agressions antisémites spontanées, soit environ 2 attaques par jour, ciblant une population juive qui avoisine les 500 000 personnes. Il est temps d’appeler ces violences par leur nom : de l’antisémitisme.

Car c’est seulement en admettant sa nature réelle que la France pourra espérer combattre l’antisémitisme virulent qui se déchaîne dans certaines parties de la société française.

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