Articles sur le Shabbat

Shabbat: Le Paradis Sur Terre

05/06/2011 | par Noa'h Weinberg

Un havre de paix trimillénaire dans la folie du temps. Quel est son secret?

Shabbat est le nom du septième jour de la semaine. Comme il est écrit dans la Torah : « Durant six jours tu travailleras et le septième jour est le Shabbat pour le Seigneur ton Dieu. (Deut. 5 :13) 

Dans le Judaïsme, les jours de la semaine, hormis le Shabbat, ne portent pas de nom particulier. On les désigne par: « premier jour depuis Shabbat, deuxième jour depuis Shabbat, etc… C’est une manière de nous rappeler quotidiennement le caractère central de Shabbat. 

Shabbat est souvent l’obstacle le plus difficile pour ceux qui font leurs premiers pas sur la route du Judaïsme.

Nous anticipons la venue du Shabbat. Les mets raffinés et les vêtements de fête lui sont réservés. Le Shabbat est le point focal de la conscience juive. Aucune Mitsvah n’est répétée aussi souvent dans la Torah, et c’est la seule fête rituelle à être mentionnée dans les Dix Commandements  Un Juif religieux vous expliquera que le Shabbat est le jour de sa plus grande élévation spirituelle. Mais paradoxalement, le Shabbat est aussi souvent l’obstacle le plus difficile à franchir pour ceux qui font leurs premiers pas sur la route du Judaïsme. 

Pourquoi donc le Shabbat est-il à la fois si important pour le Peuple Juif, si significatif pour l’individu, et en même temps tellement déroutant pour ceux qui ne l’ont pas encore pratiqué ? 

 

UN AVANT-GOUT « DU MONDE A VENIR » 

Ne pourrions-nous en recevoir un échantillon à l’avance?

Le Midrash nous dit : quand le Peuple Juif se tenait réuni au pied du Mont Sinaï pour recevoir la Torah, Dieu leur annonça que le Paradis serait leur récompense pour l’observance de Ses commandements. Les Juifs demandèrent alors : comment pouvons nous savoir si le Paradis vaut cette peine ? Ne pourrions-nous en recevoir un échantillon à l’avance? 

Dieu ne s’en irrita point. Il savait que le Paradis est le lieu où l’on peut se délecter de la pure Présence Divine à l’infini. Il leur répondit : « Pas de problème, Je vous en envoie un échantillon. Voici le Shabbat.»

C’est pourquoi les Sages nous disent que « Shabbat est un avant-goût de Paradis sur Terre », qui tout comme le Paradis, est une expérience de pure spiritualité.  

 

LES DEUX COMMANDEMENTS DU SHABBAT 

Deux commandements principaux nous enseignent comment observer le Shabbat : le premier est de ne pas travailler le Shabbat. Comme nous dit la Torah : Durant six jours tu travailleras et t'occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour est le Shabbat de l'Éternel ton Dieu: tu n'y feras aucune « Melakha » (Melakha est une forme de travail que nous allons définir). Le deuxième est le commandement qui se rapporte à l’action positive de “se reposer” le jour du Shabbat, comme il est écrit: « mais au septième jour tu chômeras » (Exode 23 :12)  

Ne pas travailler n’entraîne pas automatiquement le repos

Si le premier commandement est de ne réaliser aucune Melakha, et le second de se reposer, pourquoi donc les enseigner ensemble? En effet, si la Torah nous dit de ne pas travailler, il est évident que nous pourrons largement nous reposer ! Pourquoi avons-nous besoin d’une deuxième injonction nous demandant de nous reposer? 

Il semble donc que l’un n’est pas le pendant automatique et immédiat de l’autre: ne pas travailler n’entraîne pas automatiquement le repos. Il devient alors clair que ce repos dont on nous parle à propos du Shabbat représente beaucoup plus que le simple résultat de ne pas travailler. Le repos de Shabbat ne consiste pas à mettre les doigts de pied en éventail et à faire bronzette en sirotant un cocktail! 

S’il en est ainsi ? quel est le but véritable des ces deux commandements ? 

 

POURQUOI N’Y A-T-IL PAS DE « TRAVAIL » LE SHABBAT ? 

Dans son roman « Petit Déjeuner », l’écrivain Kurt Vonnegut décrit une scène de bar dans laquelle le héros est assis un soir devant son verre.

Le voici confronté à la réalité que sa vie dépend de la plume d’un auteur.

Une personne qu’il désire ardemment rencontrer, mais qui quelque part le menace aussi, vient d’entrer et s’approche de sa table. Il détourne son visage de lui. Soudain une main lui touche l’épaule. Il se retourne et se trouve face à face avec l’auteur du livre dont il est le héros. Sa hantise vient de se réaliser. Alors qu’il avait toujours espéré être le maître de son destin, le voici confronté à la réalité que sa vie dépend de la plume d’un auteur.  

Le roman de Vonnegut dépeint un dilemme que chaque être humain est amené à confronter : d’un côté nous aspirons tous à ressentir l’existence de Dieu, de cet Être Suprême et tout-puissant qui a tout créé et dont notre vie dépend. Et d’un autre côté nous redoutons de devoir reconnaître que nous ne sommes pas le maîtres de notre navire. Nous voulons tous être l’Être Unique, être le centre de l’Univers, contrôler notre vie, notre destinée, et le monde entier. Alors nous nous efforçons d’y croire, et ce faisant écartons Dieu de notre vie. 

Shabbat est l’outil que les Juifs utilisent pour ne pas se méprendre sur leur rôle dans l’Univers. S’abstenir de travailler est la première étape. Dieu a conféré aux Hommes le pouvoir de changer le monde en l’utilisant. C’est ce qui les a amenés à penser - à tort – qu’ils contrôlent le monde.  

Cesser de travailler durant le Shabbat, c’est reconnaître qui est le véritable Créateur du monde.

Shabbat s’interpose avec cette vision : chaque sept jours, nous nous retirons du monde par le biais d’un comportement qui exprime – envers nous et le reste de l’humanité – que nous ne sommes pas les maîtres de ce monde. Nous cessons toute activité créatrice afin de reconnaître que ce monde appartient à Dieu, pas à nous. Nous pouvons utiliser le monde, mais nous n’en sommes pas les propriétaires. Dieu nous a donné des indications précises quant à la forme que nous devons donner à notre univers, mais nous ne pouvons en disposer entièrement à notre bon loisir.

Cesser de travailler durant le Shabbat, c’est reconnaître qui est le véritable Créateur du monde. 

 

LE BUT ESSENTIEL DE SHABBAT 

Ayant relégué nos illusions sur notre pouvoir et notre prétendue importance (c'est-à-dire une fois que nous avons compris que nous ne sommes pas Dieu), nous devenons disponibles vivre le but essentiel du Shabbat qui est de rencontrer Dieu. Il est certes possible de percevoir Dieu pendant les autres jours de la semaine, mais y vivre cette spiritualité demande un effort particulier, tant l’influence profane  demande à être repoussée. Ce n’est pas le cas durant le Shabbat quand le niveau spirituel du monde s’élève. Dieu nous immerge alors dans un environnement spirituel et notre perception de Sa proximité s’intensifie. C’est comme si l’inerte avait reçu la vie. 

Quand le Shabbat nous cessons de créer, nous ne ressentons plus l’agression du monde qui nous entoure. En ne prenant pas la voiture, en ne faisant pas travailler les animaux, en nous abstenant d’arracher ne serait-ce qu’un brin d’herbe, nous cessons d’imposer notre volonté au monde, et nous entrons en harmonie avec lui. 

Le Shabbat nous sommes tous des rois. Profitant du surplus de spiritualité imparti, nous nous focalisons sur nos aspirations spirituelles par le biais des prières, de l’étude de la Torah, des repas joyeux, et des moments privilégiés avec la famille et les amis. Le temps d’un jour il n’y a plus de compétition, seule reste la tranquillité. 

C’est à cela que se réfère le deuxième commandement relatif au repos. Pendant le Shabbat l’effort intense pour entrer en contact avec Dieu n’est pas requis. L’âme obtient ce à quoi elle aspire. Elle est tranquille. 

Shabbat est notre pause. Il nous permet de conserver notre capacité à nous rendre indépendants du monde profane sans pour autant le rejeter. Shabbat nous apporte perspective et équilibre dans notre vie et dans notre semaine. Les six jours de la semaine reçoivent leur équilibre du Shabbat qui est leur dimension profonde, à la manière dont un cube reçoit sa forme et sa substance de son centre solide.. 

 

LE LIEN AVEC TABERNACLE  

Déménager un sac de 50 kg de pommes de terre est permis, pousser le petit bouton d'un interrupteur est prohibé.

Puisque nous devons nous restreindre de travailler durant le Shabbat, nous devons définir ce que la Torah entend par « travailler ».Les règles peuvent paraître surprenantes : déménager un sac de 50 kg de pommes de terre d'une pièce à une autre sera techniquement permis, tandis que pousser le petit bouton d'un interrupteur sera prohibé. Ce n'est donc pas à proprement parler le travail qui est défendu le Shabbat, mais plutôt un certain type d’activités  appelées Melakha.  Ce terme se réfère aux 39 actions créatrices dont on a fait usage pour construire le Tabernacle, qui était le sanctuaire mobile utilisé par les Hébreux à l’époque de Moise et de Josué. Parmi ces 39 actions on compte par exemple planter, cuire ou écrire.  

La portée de l’immanence du Shabbat transcende les limitations de l'espace physique.

Le Tabernacle était l'endroit où la présence divine se faisait sentir de manière plus tangible que n'importe où ailleurs sur Terre. De même, le Shabbat est le jour de la semaine où la présence divine se fait le plus ressentir. Autrement dit, le Shabbat apporte la sainteté dans la dimension du temps, là où le Tabernacle apportait la sainteté dans les dimensions de l’espace. Par conséquent, la construction du Tabernacle pendant le Shabbat devenait superflue puisque sa fonction était remplie par le Shabbat, sorte de Tabernacle temporel. 

La portée de l’immanence du Shabbat transcende les limitations de l'espace physique. Où qu'on se trouve on est en vacances, sans avoir besoin de passer par l'agence de voyages! L’atmosphère de Shabbat à elle seule suffit à nous faire ressentir la présence divine.

C'est pourquoi durant Shabbat nous ne devons pas nous soucier de nos tâches inachevées de la semaine. Au contraire, nous devons ressentir que tout est accompli, tant Shabbat lui-même est l’aboutissement de toutes nos aspirations. 

 

QUE SIGNIFIE VIVRE SHABBAT? 

Imaginez-vous dans une pièce avec quelqu'un à côté de vous qui vous demande : je voudrais savoir s'il fait clair ou sombre dans cette pièce. Comment puis-je faire ? Vous lui dites : c'est très simple, ouvrez les yeux et regardez s'il fait sombre ou clair !. Il vous répond : vous ne me saisissez pas, je veux sentir la différence entre l'ombre et la lumière. Vous lui répondez : on ne peut pas sentir la différence entre ombre et lumière. Il vous dit : Est-ce que je peux la goûter ? Non, on ne peut pas la goûter. Le seul moyen est d'ouvrir les yeux. 

C'est exactement comme le Shabbat. Le Shabbat est une expérience d’un ordre nouveau ; pour le ressentir on doit utiliser un sixième sens, celui de l'âme.

Quand Shabbat se termine, nous avons un rite nommé la Havdalah, littéralement la Séparation. Nous bénissons Dieu d'avoir opéré une séparation entre le saint et le profane, et entre la lumière et l'ombre. 

Ce qui sépare le saint du profane est évident comme la différence entre le jour et la nuit. Le profane, ce sont le brouhaha et les distractions de la vie quotidienne : faire ses courses, aller au travail, se mettre sur l'ordinateur. La sainteté, c'est quand l'âme aspire à établir un contact avec son Créateur. L’âme n'a besoin ni de nourriture ni de sommeil, elle ne cherche que la spiritualité, et elle n'a point de repos avant de s'en être rassasiée.

Shabbat existe pour faciliter le contact entre l’âme et la spiritualité, avec Dieu. Nous éloignons notre attention du stress de la semaine et nous la focalisons sur nos objectifs spirituels, qui sont enchâssés dans la trame de la journée du Shabbat par le biais des prières, des repas , de l’étude de la Torah et du temps passe avec les êtres chers. 

 

PRESERVER LE SHABBAT  

Le Shabbat a préservé les Juifs d'avantage que les Juifs n'ont préservé le Shabbat

Le Shabbat n'est pas seulement l'outil spirituel essentiel du Judaïsme. C'est depuis les époques les plus reculées le test ultime qui va déterminer si un individu ou une famille vont continuer à appartenir pleinement au Peuple Juif. Une maxime célèbre dit: le Shabbat a préservé les Juifs d'avantage que les Juifs n'ont préservé le Shabbat.

L'histoire qui suit est véridique : la ville de Bnei-Brak près de Tel-Aviv a une population majoritairement religieuse. Il y avait là-bas un homme qui n'était pas observant, mais vivant dans ce voisinage, il avait envoyé sa fille étudier au Séminaire religieux. Après quelques années, sa fille décida d'observer le Shabbat. Ses parents s'y opposant catégoriquement, des querelles violentes éclataient chaque semaine entre eux.

Un vendredi après-midi, la jeune fille se rendit à la boutique du quartier pour acheter des bougies de Shabbat. Le propriétaire du magasin, sachant que sa famille n'observait pas le Shabbat, crut qu'elle voulait des bougies de Yahrzeit, qu'on allume à la mémoire des morts, et lui en vendit deux.

Ce soir là, pendant que ses parents étaient en bas, la jeune fille monta silencieusement dans sa chambre pour allumer les bougies. Un moment ayant passé, ses parents montèrent à leur tour pour vérifier ce qu'elle faisait. En ouvrant sa porte ils aperçurent les bougies de Yahrzeit et lui demandèrent : Pour qui les as-tu allumées ? 

Une est pour Papa, et l'autre est pour Maman, répondit-elle. 

L'ironie de ses paroles atteignit son but. Ils réalisèrent que sans le respect du Shabbat, la fin de leur lien avec la continuité juive n’était qu'une question de temps. Lentement, ils entreprirent leur retour vers un Judaïsme plus vivant et plus fort. 

 

UNE MANIERE PRATIQUE DE COMMENCER 

Si Shabbat vous paraît un projet irréalisable, souvenez-vous que dans le Judaïsme ce n'est jamais tout ou rien. L'instant où l'on se retient consciemment de faire une Melakha le Shabbat procure une véritable proximité avec l’âme et avec Dieu. 

Comment commencer ? Invitez vos amis pour un repas du vendredi soir. Allumez les bougies, dites le Kiddoush, chantez quelques chansons, échangez des propos sur des thèmes de Torah (On peut parler de la Paracha de la semaine, ou choisir des sujets tels que « le libre arbitre » ou « la vie après la mort »)

Mais une règle ne doit pas être transgressée : pas de distraction extérieure, radio, télévision, téléphone ou internet. Essayez pendant quelques heures, puis rajoutez du temps à mesure que vous vous habituez.

La clef consiste à relâcher notre emprise sur le monde afin de pouvoir établir un contact avec le Tout-Puissant. 

Pour finir, voici un exercice qui vous mettra certainement dans l'ambiance. Ce vendredi au coucher du soleil, prenez une minute pour faire ceci : serrez fort vos poings pendant 60 secondes, puis relâchez-les. 

Ceci, mes amis, s'appelle Shabbat.

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