Témoignages Shoah

Glaçant : un spectacle de patinage artistique sur le thème de la Shoah !

30/11/2016 | par Yvette Miller

« Pas un seul des six millions de victimes juives n’a dansé et un camp de concentration n’est pas une colonie de vacances. »

La Shoah sur glace ? Difficile à croire, mais c’est effectivement le thème du spectacle de patinage artistique présenté dans l’émission russe de télé-réalité « Ice Age » : c’est la championne olympique Tatiana Navka et l’acteur Andrey Burkovskiy qui ont interprété une danse sur glace, revêtus d’uniformes de camps de concentration avec des étoiles juives placées bien en vue. Tous sourires, ils ont virevolté sur scène sur la version vocale de « Beautiful that Way » (interprétée par la chanteuse israéliene Ahinoam « Noa » Nini) sous un tonnerre d’applaudissements. Leur numéro terminé, les artistes ont chaleureusement salué l’audience avant de se retirer dans les coulisses sur fond de tirs de mitraillettes.

C’est là une grotesque déformation de la Shoah, pratiquement impossible à regarder. Et pourtant, ce spectacle mettant en scène des déportés juifs souriants et en pleine forme est la toute dernière œuvre culturelle décrivant la Shoah, et affectant la manière dont nous nous en souvenons.

« À regarder à tout prix ! L’un de mes numéros préférés ! » a titré plus tard la patineuse Tatiana Navka en sur son compte Instagram. Précisons que l’ancienne championne olympique est mariée à Dimitri Peskov, porte-parole du président russe Vladimir Poutine. Comme elle l’a confié sur les réseaux sociaux, cette danse sur glace était pour elle un moyen de sensibiliser le public au thème de la Shoah aujourd’hui. RT, la chaîne de télévision internationale russe, a expliqué pour sa part que  cette représentation artistique avait pour objectif de « célébrer l’esprit et la dignité humaine ».

Mais ce numéro de patinage artistique a suscité un tollé dans le monde entier. La ministre israélienne de la Culture Miri Réguev s’est fait le porte-parole de beaucoup de voix quand elle s’est insurgée contre ce passage : « Les thèmes de la Shoah ne se prêtent ni aux fêtes, ni à la danse ni à la téléréalité. Pas un seul des six millions [de victimes juives] n’a dansé et un camp de concentration n’est pas une colonie de vacances. »

D’autres en revanche ont fait l’éloge de cette performance, en soulignant qu’elle rend hommage au long-métrage italien « La vie est belle » dans lequel un père fait croire à son fils que l’horreur des camps de concentration est en réalité un grand jeu d’aventure. C’est d’ailleurs ce que Tatiana Navka a écrit sur son compte : « C’est basé sur l’un de mes films préférés, La vie est belle. Nos enfants ont besoin de savoir et de se souvenir de cette époque terrible. »Un avis partagé par  Ilya Averbukh, le chorégraphe juif de la danse, qui affirme avoir créé de nombreux enchaînements de danse sur la guerre et des thèmes juifs. Quant à Andrey Burkovskiy, il a avoué ne pas comprendre la réaction du public : « Le battage médiatique négatif autour de notre numéro n’est pas justifié. »

La polémique actuelle se fait l’écho des débats passionnés qu’a suscités « La vie est belle » à sa sortie. Beaucoup avaient critiqué le film pour avoir occulté les horreurs de la Shoah, tandis que d’autres l’avaient couvert d’éloges. L’écrivain italien Shlomo Venezia, consultant pour le film qui avait été interné à Auschwitz avait expliqué à l’époque : « Ce film convient particulièrement bien à l’esprit italien… Il serait impossible de représenter à travers un film ce qu’était vraiment la vie à Auschwitz. » Certaines voix allèrent même jusqu’à suggérer d’employer ce film comme un outil éducatif pour l’enseignement de la Shoah, tout comme Mme Navka l’a conseillé à propos de son numéro de patinage artistique.

Il est difficile d’apprendre et d’enseigner la Shoah. Mais les témoignages à la première personne décrivant avec précision la vie des Juifs dans les camps de concentration ne manquent pas et constituent d’excellents outils éducatifs en la matière.

Selon un sondage mené en 2014, seuls 54 % de la population mondiale ont entendu parler de la Shoah. Aussi incroyable que cela puisse paraître, près d’un tiers, 32 %, de ceux qui en ont entendu parler pensent que sa description à été très exagérée ou qu’il s’agit d’un mythe. 

En un sens, Tatiana Navka a raison d’affirmer : « Nos enfants ont besoin de savoir et de se souvenir de cette époque terrible. » Mais tous les moyens ne sont pas bons pour parvenir à cette fin. Malheureusement, sa performance artistique de mauvais goût trompe les spectateurs en leur donnant une image totalement fausse de la Shoah.  

 

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