Kabbale

La Kabbala 11 - La Guévoura

14/02/2012 | par Shimon Leiberman

La cinquième des dix sefirot - guévoura - est la deuxième sefira faisant partie du domaine de l'action; c'est celle qui apporte la stricte justice dans la monde.

On assimile habituellement la Guévoura ou la "force" à la manière dont D.ieu punit le méchant et juge toute l'humanité. Elle sous-tend la rigueur, l'application de la loi à la lettre et la stricte observance de la justice et se distingue nettement du 'hessed ou "bienveillance" (voir article précédent) qui suggère, au contraire, indulgence et pardon.

Nous sommes donc en présence de deux modes fondamentaux de l'action, l'un étant le 'hessed, caractérisé  par la bienveillance et l'inutilité de rendre des comptes, faisant face à la guévoura, avec sa rigueur et son sens strict des responsabilités. Celle-ci est appelée la "force" en raison de la puissance et de l'acharnement dont D.ieu use pour imposer la justice absolue.

Quoique cette interprétation un peu superficielle ne soit pas fausse, la guévoura possède un sens plus profond que ceux de rigueur et de justice.

Afin de découvrir ce sens fondamental, retournons aux sources, c'est-à-dire aux œuvres de la création, caractérisées par un 'hessed illimité. En effet, les rabbins nous enseignent:

" Quand D.ieu dit "Que le firmament soit!", le monde a commencé à grandir et à s'étendre jusqu'à ce que D.ieu dise "Assez!"; le monde s'est alors immobilisé. " ('Haguiga 12a)

Le 'hessed est, par nature, infini. Mais prenons le cas des transactions commerciales. Elles se font suivant les principes "du prêté pour un rendu" ou de "mesure pour mesure", et sont clairement définies et limitées. Il y a toujours deux éléments, le second limitant le premier. Ainsi, si des marchandises sont échangées contre de l'argent, celui-ci fixe la quantité d'articles vendus.

CARACTERE ILLIMITE DU 'HESSED

Néanmoins, lorsque une chose est donnée gratuitement, il n'est pas nécessaire d'en fixer les limites. C'est vrai que l'être humain qui accomplit un acte de 'hessed est limité  par ses propres ressources mais les actes de 'hessed de D.ieu, qui est infini, sont, eux, illimités.

Lorsque D.ieu proclama "Assez!", Il introduisit un nouveau concept, jusque-là inconnu dans le monde, celui des "limites" ou des "bornes", c'est-à-dire le concept du "fini".

Mais qu'est-ce qui fixe ces bornes? Les ressources et les capacités divines n'ont pas de limites mais, par contre, c'est celui qui reçoit, qui en a. D.ieu a décidé que les relations se feraient sous la forme "donnant pour donnant". Si l'homme a assez de "pouvoir d'achat", il peut engranger des gains considérables; sinon, il devra se contenter du strict minimum.

Par conséquent, le système complet de récompense et de punition prend sa source dans l'attribut de guévoura et c'est pourquoi, celui-ci est souvent assimilé  à midat hadin - l'attribut de la "loi" et du "jugement". Au cours de la création, dès l'instant où D.ieu déclara "Assez!", Sa bienveillance ne fut plus alors illimitée et infinie; les hommes durent désormais l'échanger contre des actes.

N'est-ce pas décevant que D.ieu, dont la magnanimité est infinie, en limite sa portée en n'accordant à l'homme que le salaire de misère qu'il est tout juste capable d'acquérir? Pourquoi D.ieu devrait-il limiter Sa bonté?

La raison en est que si D.ieu ne devait agir envers nous qu'en fonction de Sa générosité infinie, nous pourrions effectivement bénéficier de nombreux bienfaits mais notre existence n'aurait aucune signification. Car tout ce qui existerait dans le monde serait dû à Sa magnanimité. Que nous soyions présents ou non, le monde recevrait et continuerait à recevoir Ses dons.

On ne donne à son existence son plein sens que si le monde ne possède que ce qu'on gagne pour lui.

Par exemple, imaginons une personne à la recherche d'un moyen de subsistance. Un de ses amis l'embauche pour fabriquer des gadgets et lui verse un assez bon salaire. Une nuit, il passe tardivement devant l'usine et voit un camion qui ramasse les objets qu'il fabrique pour les jeter dans les poubelles. C'est alors qu'il réalise que son "job" ne lui a été offert que par pure charité et qu'il n'a aucune valeur.

Pourra-t-il continuer à  travailler dans ces conditions?

Ce n'est que quand nos propres actions ont un sens que nous avons le sentiment d'exister à part entière.

Illustrons notre propos par un autre exemple, celui d'un infirme pris en charge complètement par du personnel soignant et par des philanthropes. Tous ses besoins sont assurés et cependant, il commence à perdre ses capacités mentales et émotionnelles. Il a l'impression que, en tant que personne, il n'existe pas. Sa vie ne dépend que de la largesse et de la bonté d'autrui. Ce n'est que quand nos propres actions ont un sens que nous avons le sentiment d'exister à part entière.

On se trouve devant un sérieux paradoxe. D'une part, on éprouve un sentiment de crainte devant l'attribut de guévoura tout en sachant combien il est difficile de réussir à l'appliquer dans ce monde où tous nos faits et gestes sont scrutés et pesés et où nous ne devons le mérite de survivre que par la force de nos propres actes. Et pourtant, c'est le seul moyen pour nous de survivre! Et d'autre part, s'il n'y avait que le 'hessed, on serait semblable à une personne placée à vie dans un établissement médico-social, bénéficiant du gîte et ne manquant ni de vêtements ni de nourriture mais qui n'aurait rien à voir avec un être humain responsable.

LA GUEVOURA, UN ACTE DE RETENUE

Les rabbins nous enseignent:

" Au commencement, D.ieu envisageait de créer le monde fondé seulement sur l'attribut de justice… car l'existence réelle de l'homme ne peut se concevoir que par la justice. "

Cette formulation peut sembler quelque peu déroutante car cela aurait impliqué que le monde aurait dû être créé avec l'attribut du jugement. N'avons-nous pas spécifié dans notre article précédent que la Création est nécessairement un acte de 'hessed, et que par définition, le premier acte doit être 'hessed?

La réponse à cette question réside dans le fait qu'il est impossible de confondre l'acte de création avec le modus vivendi de la vie au sein de la création.

Par exemple, analysons les actes de parents élevant un enfant ou d'un homme riche décidant de pourvoir aux besoins d'un indigent. Tous deux réalisent que la meilleure voie pour aider une personne est de lui fournir les moyens de subsister de façon indépendante. Les parents veillent à fournir à leur enfant la meilleure éducation possible et l'homme fortuné se charge de procurer un emploi à la personne démunie. Dans les deux cas, l'acte originel était un acte de 'hessed. Il n'était le résultat d'aucune action accomplie auparavant et n'avait pas pour but de rendre une faveur ou d'anticiper un futur gain. Cependant, dans les deux cas, c'est cet acte initial de 'hessed qui est à l'origine de la relation qui existe entre deux personnes :

C'est dans ce sens que les rabbins nous ont enseigné que la création fut un acte de 'hessed mais l'interaction perpétuelle et les fondements qui sont nécéssaires à la continuation de l'existence auraient dû être établis sur la justice stricte bien que cela ne fût pas le cas. (Nous verrons plus tard comment cela fut modifié)

Il y a un autre point au sujet de la guévoura qui mérite qu'on s'y arrête. Le mot guévoura signifie littéralement "puissance" et "force". Cela pourrait faire allusion, à première vue, à l'acharnement que met D.ieu à punir les méchants, ce qui nous laisse l'impression qu'il s'agit d'un acte impérieux de pouvoir.

Mais l'image est trompeuse. Le mode fondamental par lequel D.ieu punit est de refuser de dispenser le bien, qui, autrement, aurait pu être accordé à l'homme. D.ieu n'a pas besoin de "tuer" quelqu'un; il s'abstient simplement de lui donner la vie. Il n'a pas besoin d'appauvrir une nation; il fait tout bonnement cesser la pluie. La guévoura est essentiellement un acte qui retient et qui canalise.

De quelle façon cette "puissance" et cette "force" se révèlent?

C'est dans les Maximes des Pères (chapitre 4, 1) qu'on trouve la réponse:

" Qui est fort ? Celui qui contrôle son mauvais penchant."

Ces propos qui pourraient nous sembler, à première vue, simples et empreints de pure piété  nous apprennent en fait deux choses extraordinaires.

Tout d'abord, le fait de réprimer des besoins intérieurs pressants nécessite plus de force que de s'opposer à des forces extérieures. Plus d'un soldat vaillant s'est laissé  aller à ses penchants naturels!

Deuxièmement, canaliser un désir ardent fondamental requiert plus de puissance que de se laisser aller à de brusques accès de grandeur. Quand bien même la meilleure défense serait l'attaque, maîtriser l'ennemi est plus difficile que de le vaincre.

La relation de D.ieu avec l'homme est, si nous pouvons nous permetre d'utiliser l'analogie précédente, du même ordre.

 
La force primordiale dans le monde est le 'hessed. C'est une manifestation de la volonté divine d'octroyer à l'homme tout ce qui est possible. La seconde force, guévoura, refrène cette première force, celle de la Providence divine, en Lui enjoignant de ne pas donner.

Imaginons des parents assistant aux premiers pas de leur enfant. Chaque fois que le bambin tombe, le père ou la mère doit se retenir de toutes ses forces pour ne pas lui tendre la main et l'aider à se relever. C'est là la guévoura dans toute son essence. 

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