Kabbale

La Kabbala 13 - Forme et matière

14/02/2012 | par Shimon Leiberman

La création de matière première est un acte de 'hessed - bienveillance. Donner forme à la création nécessite de la canaliser au moyen de la guévoura - la force.

La matière et la forme sont des concepts familiers pour tout un chacun qui connaît tant soit peu la philosophie grecque. L'exemple le plus courant est la sculpture: la pierre est la matière et elle acquiert sa forme au moyen du ciseau. Autre exemple: une pièce dotée d'un ameublement de style; les meubles sont la matière et l'aménagement et l'atmosphère qui y règne en sont la forme. En résumé, on peut dire que la matière est l'aspect physique et la forme est le concept imprimé sur la matière.

Mais examinons de plus près cette interaction. La matière est réellement présente mais non pas la forme. La pierre qui constitue la statue est la substance même tandis que la forme est créée en ôtant la pierre. Plus on marque les lignes, plus la forme est précise. En hébreu, le mot forme se dit tsoura, de même racine que tsar, "étroit", "restreint".

Ainsi que nous l'avons vu dans le dernier article consacré à ce sujet, l'interaction 'hessed-guévoura s'apparente aisément à la relation décrite ci-dessus.

L'œuvre de la création fut, comme nous l'avons mentionné, un acte de 'hessed et en tant que tel, produisit ce qui "est" dans le monde. Celui-ci est plein de choses: la terre, les rochers, les arbres, les animaux, les océans, les forêts, etc…Ce n'est pas le contenu du monde qui était censé être mais plutôt la matière brute avec laquelle le véritable monde doit être sculpté. En modelant la matière de façon significative, on obtient la vraie forme du monde.

La Torah est forme. Elle nous dit comment utiliser chaque élément de l'univers pour créer l'image divine. Elle canalise le genre humain et définit son domaine d'activité, tout en donnant forme au monde. Cette action est parallèle à celle de la sefira de guévoura dont la fonction est très souvent de restreindre.

Un enfant à qui on a fait cadeau d'une boîte de 92 crayons de couleur, les utilisera tous à la fois, sans discernement. C'est sa façon à lui d'en apprécier la beauté. Son instituteur lui montrera alors quelle est la fonction de chaque couleur (celle-ci est à employer avec circonspection, celle-là ne sert que pour marquer les contours, la troisième permet d'esquisser les ombres, etc…) et ainsi créer des formes. Au début, l'enfant aura l'impression de subir une contrainte à cause des règles qui lui sont imposées. Puis il comprendra que ces prescriptions permettent de faire ressortir la vraie beauté propre à chaque couleur.
LA FORME DE LA TORAH

La Torah se comporte de la même manière vis-à-vis de nous. Sitôt que nous venons au monde, nous regardons autour de nous et avons envie de "tout prendre". La Torah bride alors nos désirs - le but de ceci est A, le but de cela est B, cela n'est utilisé que dans des cas spécifiques. A première vue, les règles de la Torah semblent contraignantes. Mais nous réalisons vite que D.ieu nous enseigne comment nous construire selon Son image à l'aide de matières premières mises à notre disposition.

C'est de cette façon également que nos sens analysent les stimuli qu'ils perçoivent. En effet, des vêtements trop amples, fripés, tombants, donnent une impression de négligence, de manque de discipline et d'absence de contrôle de soi. L'impression sera inverse si les habits sont bien coupés, repassés soigneusement et ajustés correctement.

Vue dans cette optique, la relation entre 'hessed et guévoura ajoute une nouvelle dimension à  la structure des commandements de la Torah.

Pour Na'hamanide, qui vécut au 13 ème siècle et qui fut un cabaliste et un des plus grands commentateurs de la Torah, la structure des commandements se partage en deux catégories, l'un positive et l'autre négative. Parmi les commandements positifs figurent la sonnerie du chofar à Roch Hachana, l'étude de la Torah, le port du talit, etc…Au nombre des commandements négatifs, se trouvent l'interdiction de consommer de la nourriture non cachère, l'adultère, la non-observance du chabbat, etc…Selon Na'hamanide, les commandements positifs ont leur source dans le 'hessed divin alors que les commandements négatifs relèvent de la guévoura.

Cette définition revêt pour nous une grande importance. Il nous est personnellement beaucoup plus aisé d'accomplir les commandements positifs que les commandements négatifs. Il est relativement facile d'étudier la Torah de temps en temps, de faire la charité, d'écouter le chofar, etc…Mais, pour quelqu'un qui a été élevé dans le monde occidental, toute restriction est une source d'irritation. On pourrait reconnaître à contrecœur que certaines d'entre elles sont justifiées mais un style de vie qui serait trop limitatif se heurterait à l'essence même de notre éducation et de notre culture.

Pourtant, ce sont ces prohibitions mêmes qui nous donnent la "forme" comme le fait le ciseau du sculpteur. On ne dira pas qu'une personne est un érudit si elle n'obtient que cent bonnes réponses à un test qui comporte cinq cents questions. De même, une personne qui accomplit dix bonnes actions ne pourra pas prétendre au titre de personne bienveillante, à moins que cela représente un pourcentage élevé de ses activités. Et si, de plus, elle s'abstient de commettre des actes méchants, la gentillesse sera alors le qualificatif qui lui siéra complètement. Dans ce cas, toutes ses activités s'inscrivent dans le cadre de la bienveillance.
LES COMMANDEMENTS POSITIFS ET NEGATIFS

Selon l'enseignement de nos sages, la relation entre la matière et la forme trouve son expression dans les 248 commandements positifs, correspondant aux 248 "membres" et "organes" du corps humain, et les 365 commandements négatifs, mis en parallèle avec les 365 guidim qui le composent. Les guidim se réfèrent à plusieurs types de connexions, tels que les muscles, les tendons, les ligaments et même certains nerfs visibles d'extrême longueur.

Ce rapprochement nous aide à comprendre le rôle des commandements positifs par opposition à celui des commandements négatifs. Les commandements positifs constituent la réelle substance du Judaïsme. Ils en sont les membres. Et par conséquent, la fonction des commandements négatifs est de modeler la structure d'ensemble du Judaïsme et de l'individu juif.

Quand Adam fut établi dans le Jardin d'Eden, il fut chargé de le "travailler" et de le "garder". Ces deux tâches furent les précurseurs des commandements positifs et négatifs. Le "travail" de la terre, "du Jardin d'Eden", est un acte qui aide à la croissance des éléments positifs, c'est-à-dire les fruits. Par contre, l'acte de "garder" repousse les forces négatives. Certaines d'entre elles, tels que le feu et les inondations vont détruire simplement le jardin et ses fruits. Mais il y a d'autres forces négatives, comme les mauvaises herbes ou les animaux qui ne font pas tant de dégâts mais nuisent à l'aspect structurel du jardin. Un jardin que l'on néglige ne cesse pas de produire des fruits mais il perd sa forme et son aspect. De moins en moins, il apparaît comme une entité organisée, unifiée et destinée à un but précis, pour devenir peu à peu un fouillis de fruits poussant anarchiquement au milieu des pierres et des ronces.

Nous sommes tout à fait conscients que le but de notre vie n'est pas de faire simplement de bonnes choses mais plutôt d'être bon. Un être bon est celui qui est façonné par la bonté. Celle-ci dirige ses actions et lui en fixe les limites. Et ce sont les interdits qui modèlent et définissent notre personne selon l'image divine. 

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