Odyssées Spirituelles

Ces non-Juifs qui pratiquèrent la Torah dans la Cordillère des Andes

30/05/2017 | par Maayan Meir

La saga surprenante d’un petit groupe de Péruviens qui décidèrent d’embrasser la voie de la Torah.

Gamliel Shiloh porte un prénom juif très particulier : « Mes parents m’ont nommé d’après Gamliel, le dirigeant de la tribu de Ménaché qui est mentionné dans le Livre des Nombres. »

Mais ce qui est remarquable, c’est qu’à la naissance de leur fils, les parents de Gamliel n’étaient pas encore juifs !

« Tous les membres de ma famille portent des prénoms issus de la Torah, ajoute  Gamliel. J’ai même un oncle qui s’appelle Ésaü. »

Comment une famille péruvienne, descendante de tribus indiennes vivant dans la Cordillère des Andes, en vint-elle à éprouver un attachement aussi profond envers la Torah ?

Shiloh explique que tout commença quand ses grands-parents, qui étaient de fervents chrétiens, se mirent à étudier le « Vieux Testament » en compagnie de quelques amis, et y découvrirent un trop grand nombre de contradictions entre les commandements bibliques et la foi chrétienne. Suite à cette prise de conscience, ils quittèrent l’Église catholique romaine et se mirent à essayer une église protestante après l’autre.

Bien vite, ils en vinrent à se considérer comme faisant partie intégrante du peuple d’Israël, puisqu’ils s’efforçaient de pratiquer tous les commandements donnés au peuple juif.

« En Cajamarca, la région rurale dans laquelle nous vivions, les gens plus engagés dans la religion étaient tous protestants, et beaucoup d’entre eux étaient mormons ou adventistes du septième jour. En fin de compte, mes grands-parents en conclurent qu’aucune église chrétienne n’était fidèle à la bible originale, et décidèrent donc de suivre la Torah, la Bible juive, du mieux qu’ils le pouvaient. Bien vite, ils en vinrent à se considérer comme faisant partie intégrante du peuple d’Israël, puisqu’ils s’efforçaient de pratiquer tous les commandements donnés au peuple juif. »

Adultes et enfants célébrant Souccot dans les Andes

Gamliel Shiloh grandit dans un petit village en Cajamarca, une région située au nord du Pérou, dans la Cordillère des Andes. Sa famille, ainsi que deux autres familles de leur village, comptaient parmi les dirigeants de la communauté des « adeptes de la Torah ».

« Nous avons toujours su que nous étions différents des autres villageois, se souvient-il. Tout le monde nous appelait “les Juifs”. Mais je ne me rappelle pas avoir souffert d’une quelconque hostilité. Les frictions n’ont commencé qu’au collège, où chaque désaccord avec mes camarades se soldait inévitablement par l’accusation « vous avez tué Jésus ! »

À ce stade, Gamliel et tous les hommes du groupe étaient circoncis. En effet, quand il eut 13 ans, les dirigeants du groupe décidèrent que la circoncision était essentielle pour des personnes comme eux aspirant à accomplir la volonté de Dieu. Mais les docteurs locaux refusèrent de leur faire subir une telle intervention. « Nous avons dû contacter la communauté juive de Lima. Le mohel que nous avons trouvé nous a expliqué que la circoncision à elle seule ne ferait pas de nous des Juifs à part entière mais que nous devions effectuer une conversion en bonne et due forme en passant par un tribunal rabbinique. »

Gamliel Shiloh

Il a fallu bien du temps et des efforts pour forger une relation de confiance avec la communauté juive de Lima. Le groupe ressentait le besoin d’être accompagné par un rabbin pour leur permettre d’interpréter certains commandements qu’ils avaient du mal à comprendre. « Je me rappelle comment nous célébrions les fêtes juives d’après la traduction espagnole de la Torah, dit Shiloh. À Souccot, nous avons construit des huttes, parce que c’était ce qui était écrit dans le texte. Pour Pessah, nous avons cuit des matsot qui ressemblaient davantage à des pitas. Et puis il y avait des choses dont nous ne pouvions même pas deviner le sens : par exemple, le mot “totafot”, qui renvoie au téfiline (phylactères). Personne ne réussissait à savoir ce que ce mot signifiait. »

Ils se rendirent compte qu’il leur était impossible d’observer convenablement les mitsvot et de suivre la loi juive sans faire appel à l’indispensable chaîne de tradition qui comprend la Torah orale et toutes ses élucidations.

Au début, le rabbin de Lima se montra méfiant. Il essaya à maintes reprises de persuader les Shiloh et leurs amis qu’ils ne devraient pas essayer de respecter les commandements donnés aux Juifs. Mais leur sincérité eut finalement raison de ses réserves. Il leur donna un Kitsour Choul’han Aroukh (abrégé des lois juives) en espagnol et accepta de répondre à leurs questions.

Nous étions comme des voyageurs assoiffés qui ont enfin trouvé de l’eau.

« Le jour où nous avons reçu le Kitsour Choul’han Aroukh, nous étions au comble du bonheur, s’exclame Shiloh. Nous étions comme des voyageurs assoiffés qui ont enfin découvert une source l’eau. Cet ouvrage allait enfin nous permettre de savoir ce que nous devions faire et de quelle manière le faire. »

Le processus de conversion débuta officiellement quand la rumeur de cette étrange communauté de Péruviens respectueuse de la Torah parvint aux oreilles de feu le rabbin Eliahou Avihail qui a dédié toute sa vie à rechercher les dix tribus perdues d’Israël. Il envoya un collègue rendre visite à la communauté. « Cet homme a passé deux semaines avec nous et n’a pas arrêté de nous filmer, se souvient Shiloh. À ce stade, nous possédions une synagogue et un rouleau de Torah, bien que ce dernier n’était pas écrit à la main sur un parchemin mais imprimé sur du papier ordinaire.

Une bar-mitsva au Pérou

Le film et le rapport qu’il reçut à leur propos convainquit Rav Avihaïl que ces Péruviens étaient sincères dans leur désir de conversion. « Trois rabbins orthodoxes furent dépêchés chez nous. Ils servirent de Beth Din (tribunal rabbinique) et convertirent quelques uns des nôtres. »

Seuls les personnes les plus pieuses se convertirent par cette première délégation de Beth Din, parmi eux Gamliel Shiloh et sa famille. « Cela s’est passé il y a 26 ans, se souvient-il. Nous fûmes parmi le premier groupe à se convertir. Quatre autres groupes se sont convertis depuis. »

« La conversion fut mon exode personnel. J’eus l’impression d’avoir quitté l’Égypte à tout jamais. Après tant d’années d’attente, nous savions que nous étions enfin de vrais Juifs. » ajoute Gamliel.

Comme la plupart des convertis de fraîche date, la famille Shiloh fit son Alyah en Israël presqu’immédiatement. « Nous sommes le peuple de la Torah. Nous voulions vivre dans l’endroit qui est mentionné tout au long de la Torah, en Erets Israël. » C’est ce même attachement à la Torah qui les a encouragés à s’installer en Samarie, à Élon Moré.

Se convertir est un grand honneur mais c’est aussi une immense responsabilité.

L’acclimatation des Shiloh ne fut pas toujours aisée. « Pour mes parents, ce fut particulièrement difficile. Mes grands-parents étaient déjà âgés. Ils voulaient simplement monter en Terre Sainte avant de quitter ce monde. Mais mes parents étaient aisés au Pérou alors qu’ici mon père dut enchaîner les petits boulots pour gagner sa vie. Pourtant, ils ne se sont jamais plaints. Mon père répète sans arrêt que c’est la spiritualité qui compte, or leur qualité de vie spirituelle est meilleure ici. »

Allumage de la ‘Hanoukia à Cajamarca

Gamliel, qui avait 22 ans à son arrivée en Israël, fit des études d’ingénieur et épousa une Israélienne de souche. Leurs enfants sont fiers de leur héritage unique, et c’est avec leurs encouragements qu’il s’est mis à donner des conférences pour raconter l’histoire de sa vie.

Et Gamliel de conclure : « En Amérique du Sud, le football occupe une place de taille. Quand je parle à des étudiants, je leur dis que pour moi, comme pour toute ma famille, nous convertir revint à être acceptés dans l’équipe nationale de football. C’est un grand honneur, mais vous ne pouvez jamais vous reposer sur vos lauriers, parce que c’est aussi une immense responsabilité. »

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