Odyssées Spirituelles

L’antisémite endurci devenu fier d'être juif

26/10/2015 | par Aish.fr

À 30 ans, l’étoile montante du parti antisémite de l’extrême-droite hongroise découvre qu’il est juif. Depuis il a repensé sa vie et a renoué fièrement avec ses racines. Un témoignage édifiant.

Comment réagiriez-vous si, à l’âge de 30 ans, vous découvriez que vous êtes juif ? Et combien plus bouleversante serait cette révélation si vous vous avériez être un antisémite endurci ?

Pour Csanád Szegedi, ex-leader de l’extrême-droite hongroise, ce fut « le jour le plus traumatisant et sans doute le pire de toute mon existence. »

Invité d’honneur au gala des institutions Aish Hatorah d’Afrique du Sud, Szegedi confia aux participants comment en 2003, alors qu’il n’était encore qu’un étudiant de 20 ans, il avait cofondé le parti antisémite d’extrême-droite Jobbik, ainsi que l’organisation paramilitaire des Gardes hongrois, réputée pour semer la terreur parmi les minorités. Ce qui faisait de lui l’incarnation des pires craintes du judaïsme hongrois.

 

De là à 2012, Jobbik s’était hissé au rang du deuxième plus grand parti politique de Hongrie. Et c’est à cette époque qu’un rival de son parti avait affirmé détenir des preuves documentées que Szegedi était en réalité juif.

Ma grand-mère qui était rescapée d’Auschwitz et avait un numéro de matricule tatoué sur l’avant-bras, m’a avoué avoir été juive.

« Pour clarifier ces rumeurs, j’ai interrogé ma grand-mère maternelle. Celle-ci, qui était rescapée d’Auschwitz et avait un numéro de matricule tatoué sur l’avant-bras, m’a avoué qu’elle avait été juive, mais avait rompu avec ses origines après la Shoah et ne se considérait plus comme telle. Elle a ajouté que mon grand-père maternel était aussi juif et qu’il avait été interné dans un camp de travail pendant la Seconde guerre mondiale. »

Impossible de fuir la réalité, aussi bouleversante fût-elle : Csanád Szegedi était bel et bien juif.

Son trouble intérieur ne fut qu’exacerbé par le fait que son apparence physique ne cadrait en aucun cas avec l’image qu’il se faisait des Juifs : « Il est impossible que je sois Juif, se disait-il. Je n’ai pas un nez assez prononcé, pas de bosse dans le dos ni de bourses d’argent sous les bras ! »

Szegedi, qui n’avait jamais rencontré de Juif de toute sa vie, décida qu’il était temps de s’entretenir avec un « vrai juif », spécifiquement issu d’une communauté religieuse. « Le problème, c’est que je n’avais pas beaucoup d’amis qui étaient rabbins, » remarqua-t-il non sans humour. Il tapa « rabbin à Budapest » sur Google et en trouva un qui œuvrait justement à la diffusion du judaïsme.

« Au début, le rabbin était certain que je lui jouais un tour, et que j’étais muni d’une caméra cachée, se souvient Szegedi. Il m’a fixé un rendez-vous auquel je me suis présenté. J’ai pensé qu’il allait me jeter dehors. Mais cela a été bien pire : il m’a dit de m’asseoir et d’étudier avec lui ! »

Plus tard, Szegedi fut invité à la synagogue avec son épouse. La haine et l’animosité auxquelles il se heurta furent telles que le rabbin fut contraint d’organiser un face à face durant lequel Szegedi affronta des questions agressives de la part des membres de la communauté.

« Malgré tout cela, j’ai pensé que je n’avais pas d’autre choix que d’épouser le mode de vie juif. » Depuis, Szegedi respecte la Cacherout et le Chabbat.

Au cours de l’interrogatoire auquel la communauté le soumit, un vieil homme lui demanda « très délicatement » quand il prévoyait de se faire circoncire, une démarche qui n’était pas sans lui susciter certaines réticences. Un an plus tard, après une intervention qu’il n’aurait jamais pensé subir, Szegedi reçut sa première montée à la Torah à Yom Kippour.

« Cela a été la première fois où j’ai eu l’occasion de me faire appeler par mon prénom juif, se souvient-il. Ce fameux vieil homme s’est approché de moi et m’a dit : “Maintenant, je vous pardonne.” »

Suite à ces révélations, sa mère et sa grand-mère ont-elles renoué avec leurs racines juives ? « J’ai eu de longues conversations avec elles, confie-t-il, et je dois admettre qu’aucune d’entre elles n’était particulièrement ravie par la tournure des événements. »

« Ma grand-mère a œuvré sans relâche durant les 50 dernières années pour tenter de s’assimiler et il semble qu’au bout du compte, elle ait échoué. Quant à ma mère, elle a tout simplement peur de renouer avec ses racines juives. »

Alors que sa grand-mère est décédée il y a un an, la mère de Szegedi, qui n’avait aucune connaissance du judaïsme, l’a accompagné à la synagogue à plusieurs occasions et l’a même suivi lors d’un récent voyage en Israël.

À 33 ans, Szegedi avoue qu’il n’est pas « très fier » d’avoir été le numéro deux du parti fascisant, et qu’au cours des trois années et demi passées, il s’est efforcé par tous les moyens de racheter son passé.

Parmi le tourbillon d’émotions qui le submergeaient, la question principale qui le taraudait était celle de savoir comment se faire pardonner de « toutes les mauvaises actions » perpétrées dans sa vie précédente. Le président du tribunal rabbinique de Budapest lui a suggéré d’intervenir dans les écoles, lycées et campus d’universités pour expliquer les dangers de l’antisémitisme, ainsi que de donner des conférences dans les communautés juives. Autant de conseils qu’il a mis en pratique au cours des 18 derniers mois.

Mais a-t-il fait quoique ce soit pour éradiquer l’antisémitisme parmi les membres de son ancien parti ? Selon Szegedi, l’extrême popularité rencontrée par Jobbik parmi les moins de trente ans prouve que « quelque chose cloche dans le système éducatif hongrois. »

La question est donc de savoir s’il existe un quelconque intérêt à dialoguer avec un individu qui est antisémite, notamment lorsque des intérêts politiques sont en jeu, plutôt que de s’attaquer au fond du problème.

Pour autant, Szegedi n’essaie pas de se dérober à ses responsabilités : « Je suis loin d’être satisfait par l’impact qu’ont mes interventions, concède-t-il. J’essaie de faire tout mon possible pour diffuser mes idéaux au plus grand nombre en me servant de ma propre expérience. »

C’est dans cet objectif que Szegedi s’attelle actuellement à la rédaction d’un livre autobiographique et d’un documentaire. « Mon histoire atteindra plus de monde et je pourrai ainsi avoir davantage d’influence que je n’en ai maintenant, » espère-t-il.

S’il a essuyé des menaces de la part des membres de son ancien parti, « cela n’est pratiquement plus le cas maintenant. J’ai reçu beaucoup d’e-mails. Certains individus sont très agressifs, mais cela ne m’a jamais exposé à un quelconque danger. »

« Qu’est-ce qui rend une personne antisémite ? s’interroge-t-il, se faisant l’écho de l’éternelle question. Pour ma part, je n’avais rencontré de Juif de toute ma vie. »

Le seul moyen de combattre l’antisémitisme est d’en faire davantage pour affirmer sa judaïté, d’être fier de ses origines et de ne surtout pas les cacher.

Dans ce cas, comment a-t-il pu adopter le narratif antisémite ? Szegedi attribue ceci au fait qu’il ait grandi parmi des jeunes gens « très nationalistes. » En outre, « le boom de l’internet a ouvert l’accès à une vaste littérature antisémite dans les années 1990, et j’ai lu des tas d’articles sur le sujet. » Et d’ajouter une mise en garde : « Il faut faire très attention à ce à quoi nos jeunes ont accès. »

« L’antisémitisme ne peut être rationnel, il émane de la frustration et de la dépression. Je n’ai jamais rencontré le genre de monstres que l’on vous décrit dans les milieux antisémites, » déclare-t-il en évoquant son intégration réussie dans la communauté juive de Budapest.

« Le seul moyen de combattre l’antisémitisme est d’en faire davantage pour affirmer sa judaïté, d’être fier de ses origines et de ne surtout pas les cacher » conclut-il.

Si la femme de Szegedi n’est pas « encore » juive, elle a épousé son changement de direction, le décrivant comme « une nouvelle voie que l’on ne peut emprunter qu’ensemble. » Auparavant, son attitude envers les Juifs oscillait entre une certaine neutralité et « une légère sympathie », précise Szegedi.

« Je crois fermement que l’on ne peut tenir un foyer juif sans le soutien de la femme, déclare-t-il. Si j’ai moi-même éprouvé certains doutes au cours de mon parcours, mon épouse, elle, a toujours été d’un grand soutien, me poussant dans la bonne direction. »

« Elle colle des aimants sur le réfrigérateur avec les différentes bénédictions sur la nourriture. C’elle elle qui habille nos enfants pour le Chabbat, dit-il en évoquant leurs deux garçons âgés de quatre et sept ans. Nous avons entamé ce parcours ensemble et je lui en suis très reconnaissant. »

Quant à sa maîtrise des prières juives, Szegedi reconnait que si la langue hébraïque obéit à une logique certaine, « elle n’est pas facile à assimiler pour l’esprit européen. Je pourrais sans doute compter sur les doigts de la main main le nombre de fois où mon rabbin a été content de mes progrès ! »

Résumant le « message principal » de sa vie, Szegedi déclare : « Certains parmi vous se considèrent peut-être comme non pratiquants, mais je doute qu’aucun d’entre vous ne se soit autant éloigné de Dieu que moi-même. »

« Dieu m’a prouvé qu’il ne recherche pas particulièrement la vengeance, et aussi qu’il est très prompt à pardonner. »

Et de conclure en énumérant les trois raisons principales pour lesquelles il vaut la peine d’être juif : « Pour commencer, vous êtes Juif de toute façon, donc tant qu’à faire, appréciez-le ! De plus, d’un point de vue spirituel, nous appartenons à un peuple sur lequel Dieu veille personnellement.

« Et par-dessus tout, nous faisons partie d’une grande famille qui, grâce à des organismes comme Aish Hatorah, accueille chaque membre perdu à bras ouverts. Merci ma famille d’Afrique du Sud de m’avoir accueilli ! »

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