Odyssées Spirituelles

La Bar-Mitsva très spéciale de notre fils

28/04/2017 | par Nechemia Coopersmith

Si l’on devait résumer en un seul jour les joies et les peines de notre vie de parents d’un enfant trisomique, ce serait, sans la moindre hésitation, celui de ses treize ans.

Si l’on devait résumer en un seul jour les joies et les peines de notre vie de parents d’un enfant trisomique, ce serait, sans la moindre hésitation, le jour où notre fils Yéhouda est monté à la Torah à l’occasion de sa Bar-Mitsva.

Ma femme et moi avions pensé que ce serait un excellent défi pour Yéhouda que d’être non seulement appelé à la Torah pour réciter les bénédictions rituelles, mais aussi de réaliser l’exploit de lire dans le Séfer-Torah, comme la majorité des garçons « normaux » le font pour célébrer leur Bar-Mitsva.

Nous avions décidé qu’il le ferait pendant ‘Hol Hamoed Pessa’h à l’office de 7h du matin, heure à laquelle il y aurait moins de gens à la synagogue. Et moins de pression au cas où il changerait d’avis à la dernière minute.

Yéhouda avait commencé à s’entraîner à la lecture de la Torah il y a environ six mois et nous avons été agréablement surpris par la rapidité et l’aisance avec lesquelles il a maîtrisé cet art. Visiblement, il avait ça dans le sang ! Et puis, cette tâche faisait appel à ses points forts ; Yéhouda a l’oreille musicale et lit couramment l’hébreu. Mais c’était tout de même la première fois (du moins dans le quartier où nous vivons) qu’un garçon atteint de trisomie lisait la Torah et nous n’avions aucun moyen de savoir s’il allait changer d’avis et refuser de tenter sa chance. Nous pouvions seulement fournir notre part d’efforts. Quant au résultat final, il était indépendant de notre volonté.

C'était la première fois qu'un garçon atteint de trisomie lisait la Torah et nous n’avions aucun moyen de savoir s’il allait changer d’avis et refuser de tenter sa chance.

Le grand jour est arrivé. Le premier miracle c’est que Yéhouda s’est tiré de son lit à 6h15 du matin. (Le deuxième petit miracle c’est que ses grands frères en ont fait de même.) Il a enfilé son costume et mis son chapeau noir flambant neuf (pas de cravate en raison de ses troubles sensoriels) et, plein d’assurance et d’enthousiasme, il est parti à la synagogue d’un pas décidé pour prier comme tout le monde. Seule ombre au tableau, un début de rhume accompagné d’une légère toux.

La synagogue était pleine à craquer. Nous avons été surpris par le nombre de proches et d’amis qui avaient fait l’effort de se déplacer à une heure si matinale. Juste avant  sa montée à la Torah, j’ai mis mon talit sur Yéhouda pour un dernier petit encouragement : « Tu vas te débrouiller comme un chef, j’en suis sûr ! Rappelle-toi : lis lentement, distinctement et à voix haute. » Le bedeau s’apprêtait à appeler son nom, et ce serait alors l’instant décisif pour lui : vais-je surmonter ma peur et monter à la bima ou vais-je tout bonnement m’enfuir de la synagogue et rentrer à la maison pour grignoter un paquet de chips ?

Son nom a été appelé cérémonieusement et tout le monde s’est tu. Yéhouda est monté d’un pas résolu à la bima, et a saisi le yad en argent, la main de lecture dont il se servirait pour lire le rouleau de la Torah mot à mot (et non pas réciter le texte par cœur, ce qui ne serait pas valable selon la loi juive).

Il s’en est sorti comme un pro ! Après s’être éclairci la voix et pris une petite seconde pour trouver le ton juste, Yéhouda a lu la Torah à la perfection, avec aplomb et assurance. La satisfaction que ma femme et moi avons ressentie est difficile à décrire avec des mots. Mes enfants m’ont confié plus tard qu’ils ne m’avaient jamais vu arborer un tel sourire. Mais, ce qui est plus important, c’est que Yéhouda rayonnait de fierté après l’exploit qu’il venait d’accomplir. (Regardez sa réaction à la fin de la vidéo ci-dessous.)

Et cette prouesse lui appartenait à cent pour cent. Nous ne l’avions pas dorloté. Nous n’avions pas fabriqué un semblant de défi pour ne pas le brusquer. Yéhouda a choisi de relever cet exploit, a fourni tous les efforts requis, et s’est prouvé à lui-même qu’il était capable d’atteindre un objectif qu’il s’était fixé.

Après un petit-déjeuner matinal chez nous en compagnie d’amis proches et de famille, où Yéhouda trônait en tête de table débordant de fierté (et de soulagement…), nous nous sommes offert une mémorable partie de bowling en famille.

Je pourrais m’arrêter là, et nous serions tous ravis de lire l’histoire d’un garçon atteint de trisomie qui a su dépasser ses limites, et tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Mais la vérité n’est pas aussi rose.

Au creux de la vague

Nous étions impatients de couronner une journée aussi triomphale en dinant avec mes beaux-parents à l’hôtel où ils passaient Pessa’h. C’est un rendez-vous annuel très attendu par notre famille de bons mangeurs. Je pensais naïvement qu’après sa performance d’une maturité spectaculaire, Yéhouda se tiendrait bien à l’hôtel, bien qu’il a tendance à confondre ce lieu avec un immense terrain de jeux, avec plein d’ascenseurs et des tonnes de cachettes secrètes.

À peine étions-nous attablés que Yéhouda avait déjà disparu. Ma femme et moi étions plus ennuyés qu’alarmés. C’était là un comportement typique de sa part, Yéhouda savait exactement où nous trouver et nous nous disions qu’il finirait bien par se lasser d’explorer les lieux et viendrait nous rejoindre à table (après tout, l’une des activités préférées de Yéhouda est de manger).

Nous sommes donc passés à l’état d’urgence, en nous lançant dans l’entreprise plus ou moins futile de localiser Yéhouda, lequel était sans doute en train de s’offrir une énième virée dans l’un des ascenseurs.

Mais les autres convives ne partageaient pas notre point de vue, en particulier mon beau-père qui devenait de plus en plus stressé et agité à chaque minute qui passait. Nous sommes donc passés à l’état d’urgence, en nous lançant, ma femme et moi, dans l’entreprise plus ou moins futile de localiser Yéhouda, lequel était sans doute en train de s’offrir une énième virée dans l’un des ascenseurs. J’ai alerté la sécurité de l’hôtel qui m’ont dit qu’ils seraient aux aguets.

Quand Yéhouda s’est finalement décidé à descendre par le grand escalier en colimaçon de l’hôtel pour rejoindre la famille pour le dîner, ma patience limitée s’était épuisée et je bouillais de colère (je sais, je sais, ce n’était pas la bonne réaction.) Ma femme et moi avions décidé qu’il devrait y avoir des conséquences claires à son comportement. J’ai grimpé à toute allures les marches de l’escalier avant qu’il n’ait le temps de descendre et lui ai dit : « Tu as tout gâché ! Nous allons rentrer tout de suite à la maison et tu mangeras un petit quelque chose là-bas. »

Yéhouda a alors dégainé son arme redouté : il s’est planté par terre pour se transformer en une montagne impossible à déplacer. Je n’étais nullement intéressé à me lancer dans un rapport de forces devant mes beaux-parents qui étaient déjà incrédules face au comportement de Yéhouda et à notre manque flagrant de compétences parentales. Il fallait à tout prix que je le fasse monter dans la voiture tout de suite, avant que le repas ne se termine et que la famille et les pensionnaires de l’hôtel ne commencent à affluer dans le lobby de l’hôtel.

Yéhouda est un garçon bien portant ; je ne peux pas le soulever dans mes bras. Autant vous dire que la scène qui s’est ensuivie jusqu’à ce que je parvienne à le faire monter dans la voiture n’a pas été très glorieuse. Yéhouda et moi avons tous deux commis des erreurs et ce n’était certainement de cette façon que j’avais imaginé clôturer cette journée si importante.

Néanmoins, cet incident a tout de même eu le mérite de refléter de manière plus réaliste une journée dans la vie de parents d’un enfant à besoins éducatifs particuliers. Yéhouda n’est pas un ange. C’est un garçon bourré d’envies et de désirs conflictuels, et son éducation est faite aussi bien de moments de grands bonheurs et d’exploits, que de moments de frustration, de confusion et de colère totales.

Comme c’est le cas pour l’éducation de n’importe quel enfant.

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