Odyssées Spirituelles

Prier avec les anges

23/10/2012 | par Yerachmiel Milstein

Voyage-express du Mur des Lamentations jusqu'au Trône Céleste.

Je suis allé environ quarante fois en Israël et, à pratiquement chacun de mes voyages, je me fais un point d’honneur à me dérober à tous mes rendez-vous, mes obligations et mes engagements pour passer quelques moments privilégiés, absorbé dans la prière, l’étude et la méditation au Mur des Lamentations.

Le Mur des Lamentations, c’est beaucoup de choses à la fois. Du point de vue archéologique, il s’agit du tout dernier vestige, datant de plus de 2000 ans, des sites juifs les plus saints et importants : les Premier et Second Temple. Du point de vue politique, il fait l’effet d’une épine dans le pied des révisionnistes qui affirment avec véhémence que les juifs ne possèdent aucune racine historique dans la terre d’Israël. Du point de vue religieux, c’est le lieu où la relation ternie de l’homme avec le Tout Puissant peut retrouver son éclat d’antan. Du point de vue historique, depuis au moins 1000 ans, chaque juif qui prie se dirige vers le Mont du Temple, faisant de ce dernier un point virtuel central de notre tradition.

Ce fameux lundi, je me trouvais particulièrement perdu dans mes pensées alors que je récitais la traditionnelle Prière du Matin à quelques centimètres du Mur. Le soleil de février taquinait les nuages et une douce et fraîche brise me parcourait l’échine. Dans mon esprit, je m’efforçais de me draper du voile sacré des innombrables prières qui planaient sur ce lieu sacré. Des prières d’hommes exténués, frisant le désespoir, qui émanaient de derrière les fils barbelés d’Auschwitz. Des prières de joie intense provenant des lèvres jubilantes de nouveaux parents. Des prières désespérées prononcées aux quatre coins du globe pour le prompt rétablissement de victimes d’attentats à la bombe dans les bus. Des prières anciennes de lamentations sur la destruction des Temples et le carnage humain laissé dans son sillage.

Tel un cerf-volant, je propulsai ma propre petite prière dans les airs, nourrissant l’espoir de la voir atteindre les cieux, porté par les courants ascendants des prières exceptionnelles qui l’avaient précédée.

Et puis soudain, plus rien.

Mon intensité, ma passion et ma concentration subirent un coup d’arrêt brutal tandis qu’un groupe de pèlerins particulièrement bruyants surgirent sur l’esplanade et eurent l’audace de prier si fort derrière moi que notre office fut quasiment noyé par le leur.

Non seulement, ils entravaient bruyamment sur mon espace vital, mais de surcroît, ils récitaient les mauvaises prières. Ils entonnaient des chants du Chabbath alors que nous étions lundi ! Et pour couronner le tout, les coupables – tous des adultes – se mirent à fredonner l’alphabet hébraïque au beau milieu de leur pseudo-office de prière.

J’ai tourné la tête dans l’intention de décocher un regard furieux à mes voisins tapageurs, quand soudain, j’ai réalisé qui étaient ces gens.

Me trouvant désormais incapable de me concentrer, je tournai la tête dans l’intention de décocher un regard furieux à mes voisins tapageurs, quand soudain, je réalisai qui étaient ces gens. Pratiquement un tiers d’entre eux souffraient du Syndrome de Down… Pour le reste, près de la moitié étaient manifestement des adultes affectés d’un sévère retard de développement.

Et soudain, une histoire ‘hassidique que j’avais entendue une fois me vint à l'esprit :

C’était la veille de Yom Kippour et dans ce Shtetel européen (un petit village à majorité juive en Europe de l’est), la tradition voulait que le grand rabbin ouvre l’office de prière le plus solennel de l’année avec un sermon de repentir enflammé. Mais cette année-là, le saint Rabbi se tint sur l’estrade et à son effroi, il s’aperçut qu’aucun son ne franchissait ses lèvres.

Gêné au plus au point, le Rabbin fit une nouvelle tentative mais les mots ne sortaient toujours pas. Il fit donc signe à l’assemble de patienter. Par amour et par respect pour leur Rabbin, les fidèles patientèrent durant ce qui leur paraissait être une éternité.

Après un retard incroyablement long, les portes massives de la synagogue s’ouvrirent à la volée et voilà que le sourd-muet de la ville entra en trombe. Sans ralentir son rythme, le jeune homme accourut vers le premier siège libre, s’assit et se mit aussitôt à siffloter.

« Chut ! Tais-toi » le tancèrent les fidèles, mais lui, bien entendu, ne pouvait pas les entendre. Alors il continua à siffloter de plus belle, et les fidèles continuèrent à réprimander le jeune homme de plus en plus sévèrement. A cet instant précis, le Rabbi accourut de nouveau vers l’estrade et avertit les fidèles que le sursis demandé était terminé et que l’office de prière devait débuter immédiatement.

Aussi intrigués qu’ils étaient par ce mystérieux dénouement, les membres de l’assemblée étaient tout de même désireux de voir l’office se poursuivre comme il se devait. La prière du soir fut récitée selon le rituel et immédiatement après, le Rabbi fut entouré par des disciples curieux de connaître le pourquoi de ce retard inhabituel.

Et le sage d'expliquer :« Un décret terrible a été promulgué dans le ciel en raison de l’inégalité et le manque d’unité qui existent dans notre peuple. Ce décret était si puissant que je savais que toutes vos prières ne seraient pas assez puissantes pour le passer outre. Voilà pourquoi j’ai délibérément retardé le début de l’office de ce soir, dans d’espoir qu’un quelconque mérite se matérialiserait et permettrait à nos prières de nous sauver du tourment. »

Baissant la voix, le Rabbi poursuivit : « Lorsque ce jeune homme est entré dans la synagogue, il a agi de la sorte en réaction à un besoin impérieux de se joindre à ses frères pour supplier le Tout Puissant en ce jour si saint. Étant sourd-muet, il pouvait seulement prier en sifflant cette magnifique prière issue des tréfonds de son âme. Et puisqu’il n’avait jamais blessé un autre homme en médisant contre lui, la sienne fut la seule véritable prière de toute la salle ce soir. Aussitôt qu’il l’eut terminée, je me suis donc empressé de débuter l’office afin que nos piètres supplications se faufilent d’une manière ou d’une autre derrière les siennes tandis que celles-ci se propulsaient dans les portes jusque là fermées du Ciel.

Moi aussi, en arrivant au Mur, je m’étais mis en quête d’une prière transcendante qui pourrait rehausser ma propre petite requête devant D.ieu. Et voilà que je me plaignais du bruit et de mon propre inconfort quand, en réalité, D.ieu avait simplement cherché à m’envoyer les plus pures prières de tout l’univers grâce auxquelles la mienne pouvait bénéficier d'un voyage express depuis le Mur des Lamentations droit jusqu’au Trône Céleste.

Je pris conscience que trop souvent, nous oublions non seulement de remarquer les bénédictions qui nous sont accordées par D.ieu, mais en plus nous sommes dérangés par les désagréments mineurs qui les accompagnent parfois.

Fort de cette découverte, je m'arrêtai pour serrer la main et exprimer ma gratitude à chacun de ces anges de la miséricorde si habilement déguisés en hommes.

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