Spiritualité

La preuve du paradis

19/05/2013 | par Sara Yoheved Rigler

Perspectives juives sur le best-seller "La preuve du Paradis : Voyage d’un neurochirurgien dans l’après-vie"

Le Dr Eban Alexander est un neurochirurgien et un professeur d’université dont les références incluent plus de quinze ans d’enseignement à la (prestigieuse) Faculté de Médecine de Harvard. Il ne croyait pas aux concepts abstraits tels que l’âme, la vie dans l’au-delà, ou encore aux phénomènes surnaturels. Comme il l’écrit dans son ouvrage "La preuve du Paradis - Voyage d’un neurochirurgien dans l’après-vie".

"Comme beaucoup d’autres scientifiques, j’étais sceptique, et je refusais même de m’intéresser aux données liées à de tels phénomènes. J’avais des préjugés sur les faits eux-mêmes, et sur ceux qui s’en faisaient l’écho, parce mon étroitesse d’esprit m’empêchait d’envisager même la simple idée que ces phénomènes puissent tout simplement exister."

Puis à l'âge de 54 ans, le Dr Alexander a été frappé d'une virulente méningite bactérienne. Ce type de méningite attaque tout d'abord le cortex cérébral, c'est-à-dire la partie du cerveau commandant la mémoire, le langage, les émotions, les capacités visuelles et auditives et le raisonnement. Pendant sept jours, le Dr Alexander sera plongé dans un profond coma, et restera totalement insensible à toute stimulation. Au moment où ses médecins (qui étaient aussi ses collègues) allaient baisser les bras, il a repris connaissance, et a progressivement recouvré toutes ses capacités.

Une fois rétabli, il n'a eu de cesse de raconter l'extraordinaire expérience des mondes spirituels qu'il a vécue alors qu'il était dans un état comateux. Bien que le Dr Alexander, en qualité de neurochirurgien, ait eu précédemment l'occasion d'entendre parler des expériences de mort imminente (EMI), il les avait toujours assimilées à des hallucinations générées par l'activité cérébrale. En effet, la plupart des EMI sont rapportées par des patients ayant subi des arrêts cardiaques, c'est-à-dire quand le cœur ne bat plus mais que le cerveau fonctionne toujours. Or dans son propre cas, il souligne que son cortex, c'est-à-dire la seule source scientifiquement plausible de perceptions interactives aussi riches et détaillées, ne fonctionnait pas du tout.

"La preuve du Paradis" s'est maintenu dans la liste des best-sellers du New-York Times pendant les 23 dernières semaines. La semaine dernière, il était même numéro 1 des ventes. Le livre et son auteur sont devenus un phénomène culturel incontournable. Le Dr Alexander a été interviewé par Oprah Winfrey(1), Joy Behar(1), "Bonjour l'Amérique" (2) et dans une multitude d'autres émissions de radios et de télévision.

Beaucoup de scientifiques de premier plan ont critiqué le livre, prétendant que le cortex cérébral du Dr Alexander n'était en fait pas complètement arrêté lors de son coma, ou bien que ses impressions lui étaient venues pendant l'intervalle de temps pendant lequel son cortex s'était réveillé, ou encore que ses "hallucinations" provenaient des secrétions chimiques produites par la méningite elle-même.

Je ne suis certes pas compétente pour qualifier la réalité scientifique des déclarations de Dr Alexander. Pourtant, sans donner crédit à la véracité de son récit, il faut admettre que les sujets qu'il aborde - la persistance de la conscience après la mort physique, l'existence d'autres mondes qui relativisent l'importance de ce monde physique, et le rôle que le Mal et le libre arbitre jouent dans l'Univers - sont des sujets que le judaïsme a étudié il y a plus de 3,000 ans.

Jetons donc un œil sur ce que le judaïsme dit de la vie après la mort

Au confin des mondes supérieurs

Le compte-rendu du Dr Alexander fait état de trois mondes distincts. Le troisième et "plus élevé" d'entre eux est celui qu'il désigne comme le "Cœur", et où il prétend avoir éprouvé la présence divine:

"J'ai continué à avancer et je suis entré dans un immense vide, plongé dans l'obscurité totale, infiniment grand, et pourtant infiniment apaisant. Alors même qu'il était enfoui par les ténèbres les plus noires, il débordait tout autant de lumière."

Le judaïsme explique qu'il existe plusieurs mondes, plusieurs dimensions. Le monde que nous connaissons, que le judaïsme désigne comme "ce Monde-Ci", est le plus bas de tous les mondes. Les mondes supérieurs sont entièrement abstraits. Il n'y a que dans ce Monde-ci que l'énergie s'est associée au matériel. De même, le temps et l'espace ne jouent que dans "ce Monde-Ci".

Le Talmud(3) regorge de récits rapportant que des âmes ont accédé au Monde à Venir (littéralement "Olam Haba"), c'est-à-dire au Monde Futur. Dans l'un de ces récits [Pesachim 50a], Rabbi Yossef, fils de Rabbi Yéoshua Ben Lévi, décède, puis ressuscite. Il décrit ce qu'il a vu dans l'au-delà, et notamment que son père, qui était un grand Sage, a mis à l'épreuve sa perspicacité. Ailleurs dans le Talmud, on rapporte qu'un Sage a réussi à atteindre les mondes supérieurs et à réintégrer son corps, sans pour autant mourir, simplement en mettant en œuvre une sorte de procédé méditatif.

Le Dr Alexander utilise à plusieurs reprises les termes "immense" et "infini" pour décrire "le Cœur". Le judaïsme explique que les mondes supérieurs sont en effet infinis. Comparé au Monde Futur, ce Monde-Ci est dérisoire. Il y a plus de 200 ans, Les Maximes des Pères(4) avisaient déjà : "Ce monde-là n'est qu'un couloir menant au Monde Futur".

Le terme "couloir" utilisé ici implique deux choses. La première est la dimension de ce monde. Le corridor qui serpente dans un bâtiment est forcément beaucoup plus petit que le bâtiment lui-même. Pour réaliser concrètement l'insignifiance de ce Monde-Ci comparé aux mondes supérieurs, imaginez un gratte-ciel de 200 étages. Maintenant imaginez que le hall du rez-de-chaussée dispose d'un sol en marbre d'un centimètre d'épaisseur. Et bien ce sol en marbre est comparable aux dimensions de ce Monde-Là, un fin placage collé au plancher de l'univers.

Le terme "couloir" implique également la notion de but. Le couloir a un seul but : conduire une personne d'un bâtiment à un autre. De même, ce Monde-Ci, si petit soit-il, n'a qu'un but : conduire les êtres humains dans le Monde Futur. Comme écrit à la suite du verset précité des Maximes des Pères : "Engagez-vous dans ce couloir, afin de pouvoir entrer dans la salle de banquet." Bien que le corridor ne soit qu'une porte d'entrée dans la salle de banquet, c'est LA seule porte d'entrée qui y mène. C'est seulement en s'améliorant dans ce monde-ci par l'exercice de son libre-arbitre qu'un être humain peut accéder à l'autre Monde, comme on le verra plus loin.

(Bien que les mondes supérieurs comprennent de nombreuses dimensions, pour ce qui nous concerne ici, nous allons seulement évoquer «le Monde Futur», ce royaume où les âmes vont après la mort du corps.)

La caractéristique de ce Monde-Ci, c'est que Dieu y est caché.

Le Monde Futur est défini par le judaïsme comme "le Monde de Vérité". Ce Monde-Ci est le royaume du mensonge et de l'illusion, parce que Dieu semble en être absent : l'Unité Divine est dissimulée derrière un voile de profusion matérielle. Le mot hébreu pour designer "le monde", - olam - partage une racine commune avec le mot hébreu signifiant "caché". La caractéristique définissant donc ce Monde-Ci est que Dieu y est caché, dérobé aux regards et aux cœurs.

Comme au supermarché

Ce Monde-Ci a un avantage (et seulement un !) sur les autres mondes : il est le seul monde où l'âme peut s'amender, s'améliorer et s'élever. La vie dans ce monde ressemble aux jeux de supermarché offrant à leurs clients de gagner le maximum de produits en un minimum de temps. Vous avez 20 minutes pour mettre dans votre chariot un maximum de marchandises. Vous parcourez les allées du supermarché en tous sens, en jetant dans votre chariot tous les articles les plus chers que vous pouvez saisir. Mais quand la cloche sonne, c'est fini. Tant pis pour celui qui a seulement rempli la moitié de son chariot avec des denrées "premiers prix" !

Un principe fondamental du judaïsme est que les gens ont le libre-choix dans la sphère morale. Alors que nos préférences et inclinations sont déterminées par notre hérédité et notre environnement, le choix entre le vrai et le faux, le bien et mal est de notre ressort. Chaque fois que nous optons pour l'honnêteté au lieu de la tromperie, que nous préférons la générosité à l'égoïsme, ou la fidélité à la trahison, nous nous affinons, nous nous améliorons. En choisissant régulièrement et en conscience le bien sur le mal, nous faisons de nous des êtres épurés qui peuvent jouir de la lumière de la Présence Divine dans le Monde de Vérité.

Le Monde Futur est entièrement spirituel. Ce n'est pas un self-service avec buffet à volonté.

Le Monde Futur est entièrement spirituel, et dénué de toute matérialité. Ce n'est pas un buffet de restaurant, ouvert à volonté. Ceci est un point crucial à garder en tête. Si une personne consacre cette vie à l'accumulation de plaisirs purement matériels et sensoriels, sera-t-elle seulement capable d'apprécier une éternité passée dans le Monde Futur, sans l'ombre d'un IPad, d'un film, de voitures de luxe, de bons petits plats, de grands crus ou autres plaisirs matériels, comme le ciel ou l'enfer? Imaginez un fan exclusif de Hard rock, obligé "d'endurer" l'écoute d'un concert de musique classique durant de quatre heures, et vous comprendrez pourquoi nos choix dans ce Monde-Ci déterminent notre capacité a jouir du Monde Futur. Nos choix moraux dans ce Monde-ci déterminent ce que nous vous éprouverons dans le Monde Futur.

Le libre arbitre ne peut exister dans ce Monde-Ci que si et seulement si Dieu masque Sa présence. Si un examinateur reste en permanence devant votre table pendant un examen, vous n'avez pas le libre choix de tricher ou d'être honnête. Ce n'est que lorsque l'examinateur quitte la pièce que vous pouvez exprimer votre libre arbitre dans. Et bien ce Monde-Ci n'est rien d'autre qu'une salle d'examen. C'est pourquoi Dieu doit sembler être absent.

Alexander développe cette idée avec les mots suivants :

" J'ai vu la Terre comme un point bleu pâle dans la noirceur immense de l'espace physique. J'ai pu voir que la Terre était un endroit où le bien et le mal étaient emmêlés, et que ceci constituait même l'une de ses caractéristiques spécifiques. Même si sur la Terre, il y a beaucoup plus de bien que de mal, la Terre reste un endroit où il est permis au mal de prospérer à un niveau qui lui serait inaccessible dans des échelons plus élevés d'existence. Le mal peut même parfois avoir le dessus, car le Créateur lui permet d'avoir une telle influence comme une conséquence nécessaire du cadeau du libre arbitre qu'Il a fait à Ses créatures."

Le libre arbitre sera d'importance centrale pour notre fonction dans la dimension terrestre : une fonction qui, nous le découvrirons plus tard, nous permettra d'être à la hauteur du rôle que nous devrons jouer dans l'Autre dimension, la dimension éternelle."

Après la mort, nous n'avons plus rien que ce que nous avons fait de nous-mêmes, à travers nos choix. La tradition juive est pleine de chroniques issues "du tribunal céleste." Il y est question de la comptabilité dont chaque âme doit rendre compte en passant en revue tous ses choix tout au long de sa vie (terrestre). "Les feux de l'Enfer" sont les regrets brûlants que l'âme ressent quand, de son poste d'observation divin dans le Monde de Vérité, elle revoit les occasions de progression qu'elle a manquées et qu'elle reconnaît les mauvais choix qu'elle a faits. Mais après avoir quitté son enveloppe terrestre (le corps), il est trop tard pour corriger le tir.

De Merah à Tsarnaev : la haine par idéologie

Ces vérités abstraites ne sont pas de simples constructions théologiques. Elles donnent un cadre pour comprendre le phénomène de la radicalisation de l'Islam

De Merah aux frères Tsarnaev, ces terroristes qui ont tué et mutilé des douzaines de civils innocents, sont responsables de leurs choix. Les autorités judiciaires, en se basant sur des enquêtes préliminaires, qualifient ces trois infâmes personnages "de djihadistes auto-radicalisés." Le terme est juste : le choix d'aller vers le mal, de s'abreuver de littérature haineuse, de se soumettre à une idéologie despotique, de devenir un apôtre de la haine, d'adopter un credo de cruauté, et d'infliger des souffrances à d'autres, tout cela vient de soi-même. Les animaux tuent par instinct. Seuls les êtres humains font le choix de la cruauté.

Beaucoup restent perplexes devant la personnalité du plus jeune frère Dzhokhar. Son ainé, Tamerlan, correspond bien au stéréotype que l'on se fait d'un terroriste potentiel : il n'avait soi-disant aucun ami et avait même été arrêté une fois pour coups et blessures sur sa petite amie. Il est maintenant soupçonné d'avoir égorgé son ancien co-locataire et deux autres jeunes hommes juifs en 2011. En revanche, Dzhokhar avait beaucoup d'amis, qui l'ont décrit comme un étudiant sans histoire, agréable. Sa photo présente un visage angélique. Il est difficile de concilier ses meurtres terroristes avec son côté "chic type".

Des gens ordinaires, comme vous et moi, sont capables indifféremment du plus grand héroïsme comme du mal plus abject.

Cela rappelle le traité d'Hannah Arendt intitulé "La banalité du mal". Mme Arendt était une journaliste et philosophe qui a couvert le procès d'Adolf Eichmann, le haut dignitaire nazi responsable de la logistique de la "solution finale". Elle s'était attendue à voir un démon émettant un jet continu d'injures infâmes. À son plus grand embarras émotionnel, elle n'a trouvé en Eichmann un "simple" et fade bureaucrate, plus banal que bestial.

Nous touchons ici au point précis du judaïsme, quand il évoque le libre arbitre. "Des gens ordinaires, comme vous et moi, sont tout autant capables du plus grand héroïsme comme du mal le plus abject." Bien sûr, ces choix extrêmes ne se font pas d'un seul coup. Chaque fois que nous cédons à notre propre plaisir d'aider quelqu'un ou d'admettre la vérité aux dépens de notre ego, nous penchons vers le bien. Et chaque fois que nous justifions le fait de blesser quelqu'un ou que nous proférons des mensonges pour nous protéger, nous tendons vers le mal.

Libres à nous de nous définir par nos propres choix!

(1)Ofrah Winfrey et Joy Behar sont des présentatrices de talk-shows télévisés très populaires aux Etats-Unis.

(2) Bonjour l'Amérique est l'émission de télévision matinale incontournable de la télévision américaine, diffusée sur ABC depuis 1975.

(3) Un des deux textes fondamentaux du judaïsme, représentant le versant oral de l'Ancien Testament, et évoquant des discussions rabbiniques aboutissant à la promulgation des lois juives (Halakha).

(4)Les Maximes des Pères : traité de la Michna (section du Talmud) qui expose la vision de la Torah sur l'éthique, la morale.

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram