Spiritualité

Le septième jour

20/02/2014 | par le rabbin Ari Kahn

Une exploration kabbalistique du commandement du Chabbat, pierre angulaire du judaïsme.

Comme le nom de la Paracha Vayakhel l'indique, le peuple s'est réuni autour de Moïse pour entamer l'étude de la Torah reçue au mont Sinaï.

La première leçon concerne les lois de Chabbat.

Cela n'est pas surprenant; nous savons que le Chabbat est un des commandements les plus importants, la pierre angulaire du Judaïsme.

Nous savons que le Chabbat est un des commandements les plus importants, la pierre angulaire du Judaïsme.

Certains commentateurs mettent l'accent sur la juxtaposition de cet enseignement à la faute du veau d'or. L'épisode du veau d'or a été, d'une certaine façon, un acte d'idolâtrie. Le Chabbat, attestant que Dieu a créé le monde en six jours, représente donc l'antidote spirituel de l'idolâtrie.

En fait, comme nous l'avons expliqué dans la Paracha précédente, en fabriquant le veau d'or, le peuple a voulu accéder à une meilleure "connaissance" de Dieu. Moïse enseigne que le Chabbat est la solution pour tendre vers ce but. Si vous êtes à la recherche de Dieu et souhaitez le connaître, observez le Chabbat. C'est la meilleure façon de "vivre le divin".


L’insistance de la Torah à propos du Chabbat

Bien avant la faute du veau d'or, les Juifs avaient déjà reçu l'ordre de respecter le Chabbat. L'insistance de la Torah concernant le respect du Chabbat, nous interpelle. En effet, l'idée du Chabbat a déjà été mentionnée à quatre reprises dans le livre de l'Exode [16:23, 20:7-10, 23:12, 31:13-17], et la tradition nous enseigne qu'à Marah [15:25] les juifs avaient également reçu l'ordre d'observer le Chabbat. [Voir Sanhedrine 56a, Rashi 24:3]. Pourquoi alors, mentionner pour la cinquième (ou sixième) fois l'observance du Chabbat ?

Une lecture plus attentive des enseignements contenus dans notre Paracha va peut-être nous éclairer:

"Durant six jours le travail sera fait; et le septième jour, sera saint pour vous, un repos complet pour l'Eternel. Quiconque y fera un travail sera mis à mort. Vous n'allumerez pas de feu dans toutes vos demeures le jour du Chabbat." [Exode 35: 2-3 ]

Nous pouvons dégager de ces versets deux idées principales:

  1. l’interdiction d'un certain type de travail, appelé mélakha
  2. l’interdiction d'allumer le feu.

Plusieurs questions se posent immédiatement: quelle est la définition de "mélakha"? Pourquoi le feu est-il exclu de la catégorie de "mélakha" et mentionné séparément?

Ces questions sont traitées abondamment dans le Talmud, et bien sûr, aucune loi de Chabbat ne peut être comprise sans la loi juive, c'est-à-dire, sans les définitions spécifiques du travail d'une part, et la spécificité du feu d'autre part.


La construction du Tabernacle

Le cadre général de cette Paracha concerne l'élaboration du Michkan, le Tabernacle. Le mot mélakha est utilisé pour décrire le travail nécessaire à la construction du Michkan [par exemple 35:21, 35:31, 35:33, 35:35, 36:1, 36:2, 36:3, 36:4, 36:5, 36:6, 36:7, 36:8]. Ce même mot -mélakha- est également utilisé lorsque Moïse enseigne les lois d'observance du Chabbat.

Nos Sages en déduisent que les types de travaux décrits pour la construction du Michkan sont ceux interdits le Chabbat lorsque la Torah ordonne de ne faire aucune mélakha le septième jour.

Cela dit, une question plus simple remplace maintenant nos questions précédentes: pourquoi les lois de Chabbat sont-elles déduites des lois traitant de la construction du Michkan?

Dans un sens littéraire et littéral, nous pouvons dire que nous avons déjà répondu à cette question: le même mot, mélakha, est utilisé dans les deux passages. Mais en approfondissant, cette réponse élude la question. Après tout, D-ieu avait d'autres possibilités pour définir avec précision la signification du mot mélakha. Pourquoi est-ce spécifiquement d'ici, de cette Paracha qui décrit la construction du Michkan, que sont déduites les lois de Chabbat ? Il doit y avoir une relation intrinsèque entre Chabbat et le Michkan.

Des deux concepts, le Michkan semble pour nous le plus difficile à comprendre. Pourquoi D-ieu aurait-il besoin d'une "maison" sur Terre? Cette question a été posée dans le Midrach . (Notez que le terme Michkan désigne le Tabernacle alors que le terme Mikdach fait référence au Sanctuaire ou au Saint des Saints dans le Tabernacle):

Quand le Saint Béni soit-Il a dit à Moïse: "Faites pour Moi un Mikdach afin que J'y réside"[Exode 25: 8], Moïse lui répondit: "Maître de l'Univers, les cieux et l'au-delà ne peuvent Te contenir, et Tu dis "faites-Moi un Mikdach !". Le Saint béni soit-Il lui dit alors: "Moïse, Ma façon de penser est différente de la tienne. Même dans vingt coudées au nord, vingt coudées au sud, et huit à l'ouest, Je descendrai et Je contracterai (mitsamtsem) Ma Chekhina (présence divine) parmi vous, ici-bas". [Pessikta Dérav Kahana, Paracha 2:10, voir également Chémot Rabbah 34:1]

Le besoin n'est évidemment pas pour Dieu, mais pour l'Homme. Le Midrach nous apprend également que pour résider dans ce sanctuaire, Dieu réalise sur Lui-même, une sorte de "contraction", de "diminution", si l'on peut s'exprimer ainsi.

Nous nous sommes étonnés de la nécessité d'une "maison" pour Dieu, mais après tout, cette même question peut se poser à propos du Chabbat : est-ce Dieu ou l'homme qui a besoin d'un "jour de repos"?

D'une certaine façon, l'idée de Chabbat semble simple : Dieu a créé le monde en six jours et s'est reposé le septième jour. Mais en analysant cela avec un esprit critique, cela semble absurde, tout comme est absurde l'idée de penser que Dieu ait besoin d'une "maison".


Vers un éclaircissement des absurdités

Réexaminons le récit de la Création. Il n'y avait rien, et Dieu créa le ciel et la terre. Ce processus de création s'est poursuivi sur six jours, à l'issue desquels Dieu s'est "reposé".

Cette description contient un certain nombre d'anthropomorphismes profondément ancrés: le "repos" de Dieu, la "création" de Dieu.

Pour nous, le 'travail' (mélakha) consiste à effectuer certaines transformations sur la matière existante. Il s'agit d'un être limité possédant une certaine créativité, mais dans un contexte délimité. Dieu, cependant, est infini. La notion même de création fait appel au temps, à l'espace et à la matière, des concepts que Dieu transcende. Sa création est décrit comme "yéch mé-Eyne" "ex-nihilo".

Parfois, les écritures kabbalistiques offrent une autre compréhension du principe de la création.

Parfois, les écritures kabbalistiques offrent une autre compréhension du principe de la création 'yech mé-Eyne', Eyne se rapportant au Eyne Sof, "l'infini". Ce qui signifie, quelque chose de fini émergeant de l'infini.

Considérons le problème mathématiquement: toute valeur ajoutée à l'infini produit nécessairement une somme qui est infinie. Quand Dieu qui est infini crée une valeur finie - c.-à-d. le monde - la somme totale de réalité devrait rester infinie. Comment quelque chose de fini peut-il être ajouté à l'infini?

La réponse kabbalistique à cette question est un principe connu sous le nom de tsimtsoum, "contraction".

La création n'est pas le résultat de Dieu ajoutant quelque chose de fini; c'est plutôt le résultat de Dieu qui se "contracte", se "retire" de l'infini, si l'on peut s'exprimer ainsi.

Nous pouvons maintenant aborder la création, et donc le Chabbat, sous une perspective différente.

Le premier jour, Dieu se retire de l'infini. Il en fait de même du deuxième au sixième jour. Finalement, à la fin du sixième jour, le monde est complet et Dieu se repose. En d'autres termes, Dieu revient de nouveau à une forme "non contractée", c'est un retour vers l'infini.

Chabbat est donc le jour qui représente l'infini, le jour qui reflète Dieu dans Sa vraie dimension, et non via le "tsimtsoum".


Le Chabbat selon la Kabbale

Ce concept de "tsimtsoum" peut nous donner davantage d'explications sur le Chabbat.

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, Dieu est au-delà du Temps; par conséquent, la Création marque le début du temps. Chabbat représente par contre l'infini. Quelle heure était-il avant la Création? C'était un moment d'infini ou, en d'autres termes, c'était Chabbat !

Ceci signifie donc que la création a eu lieu "le premier jour", le lendemain de Chabbat.

Ceci signifie donc que la création a eu lieu "le premier jour", le lendemain de Chabbat.

La création a eu lieu en soirée: "il fut soir, il fut matin, jour un". Par conséquent, on peut dire que la Création a eu lieu au moment même où Chabbat finissait. Le moment avant la Création est "l'infini", Chabbat , et le moment après les six jours de Création est le Chabbat , notre propre chemin vers l'infini. Les deux points indiquent le même moment du point de vue de Dieu, bien que séparés par un monde de différence de notre point de vue.

Nous avons noté que l'homme a la possibilité de toucher l'infini en participant au Chabbat. Cette remarque peut nous aider à comprendre pourquoi le feu n'a pas été inclus dans l'ensemble des mélakhot (travaux).

Quand le Talmud discute de certains détails de la Havdala (rituel à la fin de Chabbat qui sépare le sacré du profane et au cours duquel une bougie à plusieurs mèches est allumée), le verset pris comme preuve est tiré de la Genèse:

On ne doit pas faire la bénédiction des bougies avant qu'elles ne donnent une bonne lumière. Ceci a été exposé par Rabbi Zira, le fils de Rabbi Abahou: "Dieu a vu que la lumière était bonne", et ce n'est qu'après qu'Il déclare, "Dieu sépara (vayavdil) la lumière et l'obscurité". [Talmud Yéroushalmi, Bérakhot, Ch. 8, p12b, Halakha 3].

Lorsque nous nous rendons compte que le premier jour est l'instant qui suit Chabbat , cet enseignement prend alors plus de signification. Notre Havdalah reflète ce premier et essentiel vayavdil fait par Dieu par l'acte de la Création.

Rabbénou Bé'hayé, en commentant cette Paracha, souligne ce lien de façon très claire. Il explique que le feu est séparé des autres travaux (mélakhot) dans l'enseignement transmis par Moïse, car de la même façon que Dieu a commencé la Création par le feu en disant "que la lumière fut", ainsi l'homme commence la semaine par le feu de la Havdalah.


Une relation inverse

Revenons maintenant aux Lois de Chabbat qui sont déduites des mélakhot (travaux) du Michkan.

Etant donné que nous sommes des êtres "finis", notre création est nécessairement différente de celle de Dieu. Notre créativité consiste à changer, transformer ou améliorer par nos actions, un objet existant. En d'autres termes, notre créativité implique de faire "quelque chose à partir de quelque chose", tandis que le travail de Dieu impliquait de faire "quelque chose à partir du néant".

Alors que Dieu "s'est retiré" afin de créer, l'Homme doit faire le contraire: se mettre en avant. Alors que Dieu entrait dans Son "mode infini" le Chabbat, transcendant le tsimtsoum qu'Il a utilisé en créant le monde, l'Homme doit de nouveau faire le contraire: retenir ses énergies créatrices.

Ce que nous venons de décrire, c'est une relation inverse, contraire, due à la différence fondamentale entre l'Homme et Dieu.

L'Homme est fait à l'image de Dieu; nous sommes, en fait, l'image miroir de Dieu, inversée pour ainsi dire.

On peut décrire cette relation de la façon suivante: L'Homme est fait à l'image de Dieu; nous sommes, en fait, l'image miroir de Dieu, inversée pour ainsi dire. Par conséquent, le Chabbat nous nous "retenons", en essayant d'être comme Dieu, en imitant le tsimtsoum de Dieu. C'est peut-être ce que nous voulons signifier lorsque nous décrivons notre repos du Chabbat , comme une "commémoration de l'acte de la Création". Nous faisons le Chabbat ce que Dieu a fait lors de la Création.

Nous pouvons maintenant comprendre le rapport intrinsèque entre les lois de Chabbat et la construction du Michkan. Tous les deux représentent l'idée de Dieu qui se retient.

La constriction comme symbole de force

J'ai une fois entendu Rav Yossef Dov Soloveïtchik, zatsal, expliquer que pour un juif, la compréhension philosophique mène à un impératif moral. Le juif doit "imiter" Dieu, et pratiquer le tsimtsoum dans diverses circonstances. La guévoura, "la force", tel que le stipule la Michna , repose sur ce principe:

Quel est l'homme fort? Celui qui est capable de se contrôler. [Avot 4: 1 ]

Cette idée est au cœur de toute éthique juive, et marque un tournant radical dans la responsabilité que l'homme doit avoir envers son prochain.

Il est intéressant de noter que la Torah commence par "Béréchit bara Elokim" - le nom de Elokim étant associé au royaume mystique de la guévoura.

Dieu "se contrôle" en limitant l'infini pour donner naissance au processus de Création. Par conséquent, nous pouvons voir le Chabbat comme l'expérience d'une journée entière de "self-control", concernant même les activités les plus banales, les plus machinales, les plus insignifiantes, et ce, uniquement parce que ce sont des activités créatrices, mélakha.

Nous espérons que ce self-control 'débordera' sur la semaine, en élevant toutes nos actions et nos pensées.

Chabbat et le Michkan permettent à Dieu de résider dans ce monde. Par le mérite d'incorporer le Divin dans nos vies, nous amendons le monde et établissons un canal vers Dieu Infini.

C'était le grand message que Moïse devait transmettre aux enfants d'Israël immédiatement après son séjour en haut du Mont Sinaï.

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