Philosophie

L'incinération : un sujet brûlant

07/11/2011 | par Avi Shafran

Le corps est une enveloppe sacrée qui mérite d’être traitée avec respect même après la mort.

Sybil Sage est une artiste et écrivain juive qui vit à New York. Elle demanda un jour à son fils si l’incinération de son père et de sa mère lui poserait un problème.

« Que dirais-tu si je faisais des urnes funéraires pour Papa et moi ? » demanda t-elle. « Je pourrais les décorer avec des photos sympas, de vacances en famille, de fêtes d’anniversaires, de remises de diplômes.. »

Après avoir obtenu l’accord de son fils, madame Sage entreprit de créer une urne pour contenir ses cendres et celles de son mari. Ce qui eut pour conséquence, écrit-elle dans le magazine « Forward » de se voir passer des commandes par des amis qui désiraient « créer des urnes personnalisées pour leurs membres de leur familles ou leur animal domestique». 

Il y a 10 ans, 20% seulement d’américains se faisaient incinérer. En 2005, ce nombre s’élevait à 32%. L’Association de Crémation d’Amérique du Nord prédit que d’ici 2025, plus de la moitié des américains choisiront l’incinération à l’enterrement. Personne ne connait réellement le pourcentage de Juifs parmi les américains optant pour la crémation. Mais il ne fait aucun doute que celle-ci est devenue acceptable, voire à la mode pour les Juifs n’ayant pas bénéficié ou très peu d’une éducation religieuse. Il y a quelques années, un crématorium a même vu le jour en Israël.

On peut difficilement accuser des Juifs dépourvus de connaissances en matière de judaïsme de ne pouvoir réaliser l’importance du « Kavod Ha-Met », le devoir « d’honorer le défunt ». L'honeur du défunt est une notion qui permet de mieux comprendre la position de la Torah sur ce qui est son total opposé, la crémation. Ces gens ne peuvent saisir toutes les implications du fait que les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu : le corps que l'âme a quitté doit demeurer sur terre et être, dans la mesure du possible, laissé en paix, sans être dérangé.

Un grand nombre de Juifs de nos jours, connaissent malheureusement mal l'un des enseignements pourtant essentiels du Judaïsme qu’est la résurrection des morts, dont il est fait allusion dans la Torah et qui occupe une place importante dans la Tradition Orale. 

Il est un os minuscule (en hébreu, Etzem) qui ne se décompose jamais.

Que nos corps soient inestimables ne devrait surprendre personne, Juif ou non-Juif car c’est par eux que nous pouvons réaliser ce que nous faisons sur terre. Si nos vies ont un sens, alors ces enveloppes de chair et de sang abritant nos âmes s’avèrent les véhicules indispensables pour le concrétiser et plus important encore pour exécuter la volonté de Dieu. En nous servant de notre corps pour faire de bonnes actions et en luttant contre son inclination à fauter, nous accomplissons l’essence même de notre mission. 

Aussi, bien que nos corps doivent être laissés en terre après la mort, la Tradition Juive  nous enseigne qu’un os minuscule (en hébreu, Etzem) ne se décompose jamais. C’est à partir de cet os que sera ressuscitée une personne, si tel est son mérite.

Ceux qui s’intéressent aux sciences modernes ne s’étonneront pas du fait que quelqu’un puisse être recréé à partir de quelque chose de minuscule qui aura survécu, s’il le fallait, pendant des milliers d’années. Chacune de nos cellules contient une molécule complexe nommée ADN, qui n’est autre qu’un plan  d’architecte servant à la construction de notre corps. Une seule de ces molécules provenant de ce dernier, détient le code nécessaire à notre reproduction quelque soit la durée du nombre d’années pendant lesquelles il est resté enterré. (D’ailleurs, curieusement le mot hébreu Etzem se traduit par ‘os’ mais également ‘essence’). 

...un corps dont la valeur est grande puisqu’il contient la graine d’une vie future.

Le Créateur peut, sans aucun doute, ramener aussi des cendres à la vie (comme celles des victimes des fours crématoires des nazis le prouveront, puisse un tel jour venir bientôt). Réduire cependant volontairement quelque chose en cendres équivaut, pour le judaïsme, à faire preuve d’une profonde insouciance et déclarer son anéantissement. Les Juifs brûlent le pain et le levain avant Pessah puisque la Torah insiste sur le fait de n’en voir subsister aucune trace en notre possession. De même, la manière adéquate de détruire une idole est de la briser ou de la brûler. 

Ainsi, la décision de se faire incinérer est un choix qui exprime, intentionnellement ou non, le refus de considérer le corps comme une enveloppe sacrée, qui mérite le respect, un corps dont la valeur est grande puisqu’il contient la graine d’une vie future.

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