Spiritualité

Le Kadich ou comment transcender la mort

15/01/2015 | par Yaacov Spitezki

S’il nous accompagne durant le deuil, le Kadich nous rappelle avant tout comment appréhender la vie.

Le Kadich est l’une des prières juives les plus célèbres et, pourtant, la plupart d’entre nous ne faisons pas attention au sens des mots qu’elle contient. La puissance mystérieuse de ce texte souvent source d’inspirations d’écrivains et de compositeurs explique sans doute que dans la Russie communiste, cette prière était pour beaucoup le seul lien avec la communauté juive. Ceci est encore vrai pour nombre de juifs dans le monde entier. Enfin, on ne compte plus ceux qui sont revenus à l’observance du Judaïsme en accomplissant le devoir de dire le Kadich pour un proche disparu.

Qu’est-ce que le Kadich ?

Le vocable Kadich signifie « être sanctifié » Il s'agit d'un substantif qui a le sens de « séparé », « mis de côté », « consacré ». À partir de cette racine, la langue hébraïque propose une multitude de termes : kadoch, saint ; mikdach, sanctuaire ; Beth Hamikdach, Temple ; kidouch, prière de sanctification du Chabbat récitée sur du vin ; kedoucha, un texte liturgique basé sur une vision d'Isaïe ; kidouchin, les liens sacrés du mariage. Le texte du Kadich est écrit en araméen, langue vernaculaire du peuple juif à l’époque talmudique.

Selon la tradition, la récitation du Kadich par un proche parent est un grand mérite pour l’âme du défunt. Car en accomplissant cette mitsva, les descendants prouvent qu’ils suivent le bon exemple transmis par les parents.

Le Kadich est une affirmation de notre conviction en la toute puissance de Dieu et en Sa sagesse : la vie a un sens, et en dépit des apparences, Dieu est la source du Bien.

Cette prière n’est récitée qu’en présence d’un minyan (quorum de dix personnes) ; une récitation collective visant à ce que l’endeuillé ne se réfugie pas dans la solitude qui risque de le mener à la dépression. Le Kadich a pour thème la glorification du Nom divin. Plusieurs versions existent, la plus connue étant celle des endeuillés. Pourtant, ce texte liturgique ne comporte aucune allusion à la mort, au deuil, ni à la résurrection. Le Kadich évoque la grandeur de Dieu. Il est en fait une affirmation de notre conviction que l’Eternel est Tout-Puissant et que sa Sagesse est infinie. La vie a un sens, et en dépit des apparences, Dieu est la source du Bien.

Le vrai sens de la vie

La mort est un phénomène autant impénétrable qu’inexorable. Cependant, il nous appartient de comprendre ce qu’est la mort pour comprendre la vie. La physique moderne nous enseigne qu’aucune substance ne disparait à jamais ; elle ne fait que de changer de forme. La matière n’est qu’une autre forme de l’énergie. S’il en va ainsi de la matière, la chose vaut a fortiori pour ce qui touche à l’esprit : l’âme, elle aussi, est éternelle, et la mort est le prolongement de la vie.

Respirer, marcher et parler sont des manifestations de ce que nous appelons la vie. Mais c’est l’âme, immortelle, qui indéfectiblement liée à Dieu, qui donne un sens à la vie. C’est pourquoi la mort représente une fin uniquement pour ceux dont l’existence ne consiste qu’à s’enrichir matériellement.

La mort représente une fin uniquement pour ceux dont l’existence se résume à s’enrichir matériellement.

Il n’en reste pas moins que la mort demeure une douloureuse épreuve pour les proches d’un défunt. La disparition d’un être cher provoque des émotions conflictuelles qu’il faut savoir canaliser. C’est le but des rites institués lors de la perte d’un proche, qui marquent les différentes étapes du processus de deuil. C’est là tout le paradoxe du Kadich : c’est précisément à celui qui vient de perdre un être aimé et qui est ravagé, abasourdi ou plein de colère, que l’on demande de dire cette prière de glorification et de sanctification du nom de Dieu. Une tâche presque impossible, un défi à l’image de celui posé à Job.

Il faut apprendre à regarder ce qui nous entoure au-delà des apparences : il existe une réalité qui dépasse nos cinq sens, celle de notre lien avec Dieu et l’éternité. Lien dont nous avons pleinement conscience au plus profond de nous-mêmes…

Un signe d’amour pour le défunt

Pour certains, réciter le Kadich relève d’une intuition. Et ils ont parfaitement raison. Car le Kadich est un signe d’amour et de respect que l’on témoigne envers ceux qui nous ont quittés. Le plus angoissant pour celui qui va mourir ce n’est pas tellement la peur de l’inconnu mais probablement celle d’être oublié : la crainte de voir sa vie, ses rêves et ses succès réduits au néant dans ce monde qui continuera sans nous. Une crainte encore amplifiée pour celui qui n’a pas eu d’enfants. À ce propos, un proverbe affirme : « Les enfants que nous laissons après nous, sont nos bonnes actions. L'impact positif que nous avons eu sur ceux qui nous entourent est éternel ; toutes les actions basées sur la bonté, la charité et la justice, aussi insignifiantes qu’elles puissent paraître, laissent une marque indélébile dans l’univers.

Ce qu’on retiendra de nous ce sont les vies que nous aurons touchées par notre comportement ; notre impact sur nos familles et tous les gens que nous avons côtoyés.

Ce qu’on retiendra de nous n’est pas le chef-d’œuvre que nous aurons écrit, ou le fait qu’un aéroport porte notre nom ; ce qui restera, ce sont les vies et les personnes que nous aurons touchées par notre comportement ; notre impact sur nos familles et tous les gens que nous avons côtoyés. Dans ce même ordre d’idées, le Talmud nous dit qu’enseigner à des enfants des textes ou un comportement vertueux revient à leur donner naissance.

« Vaincre » la mort ou sublimer la vie ?

Depuis l’Antiquité, nous tentons de « vaincre » la mort : l'embaumement, la momification ou le botox aujourd’hui sont autant de techniques pour dompter l’inexorable fin. Certains pensent d’ailleurs que la peur de la mort est la racine de toutes les craintes et la force motrice qui façonnent la plupart (sinon toutes) nos ambitions.

Beaucoup de religions considèrent le monde matériel comme fondamentalement mauvais. Il ne serait qu’un tremplin pour les félicitées de l’au-delà. En revanche, en hébreu, la vie se dit « ‘hayim », c’est-à-dire les vies. Il n’y a pas de singulier pour ce terme car si les juifs ont la conviction que l’au-delà existe, ils n’oublient pas pour autant que Dieu leur demande de perfectionner ce monde-ci en étant des hommes meilleurs.

Pour le Créateur, chaque être humain est unique et précieux.

L’écrivain Shmuel Yosef Agnon, prix Nobel de littérature, a émis l’hypothèse qu’en disant le Kadich nous cherchons également pour ainsi dire à « consoler Dieu » de la perte d’un de ses enfants. Car, pour le Créateur, chaque être humain est unique et précieux, il n’est pas une simple machine sophistiquée ou un numéro. Dieu est le Père céleste qui aime et se soucie de chacun de ses enfants.

Le Kadich trouve son origine dans la prière composée par les rabbins de la Grande Assemblée. Ils l’ont notamment rédigée pour consoler leurs contemporains de la destruction du premier Temple C’est en se référant à cette tragédie historique que pleure Ezechiel (XXXIII, 23) : le Prophète décrit les temps messianiques en s’exclamant : « Je (Dieu) me manifesterai aux yeux des nombreuses nations, et elles reconnaîtront que je suis Éternel ». Le Kadich évoque donc à la fois la Rédemption de toute l’humanité et la Rédemption individuelle. Il nous aide à transcender le mal et la mort, et nous rappelle qu’il nous appartient d’œuvrer pour un monde meilleur et pour la paix universelle.

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram