Spiritualité

La Capitale, Chap.1 : Nuit blanche et café noir

24/03/2014 | par Millie Salomon

Jeune journaliste, il doit réaliser un reportage qui va devenir une véritable enquête. Angel percera t-il le mystère de la Capitale, comme le lui demande son rédacteur en chef ?

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(Musique originale du livre : Aharon Daniel)

Du pont Mirabeau au pont de Tolbiac, les eaux de la Seine, sombres comme du sang, reflétaient les éclairages des grands monuments. Place de la Concorde, la lune rousse en croissant se reflétait sur le pyramidion de l’Obélisque lui donnant un éclat particulier et mystérieux. Par ce temps froid et humide, des nuages embrumaient le ciel mais l’on pouvait apercevoir ça et là quelques scintillements d’étoiles au milieu des clignotements artificiels. Les grandes artères étaient calmes, le flot bouillonnant de la circulation venait à peine de reprendre et les ruelles les plus retirées commençaient à s’animer.

Angel mit un pull-over et se prépara un café. Il voulait, avant de quitter le bureau, avoir un maximum d’informations. Il n’aimait pas se promener avec une serviette pleine de documents d’archives qu’il avait peur d’égarer. Il aurait dû rentrer chez lui depuis un bon moment. Mais il était absorbé par la lecture des manchettes de journaux que Boïdae, son rédacteur en chef, avait personnellement découpées pour lui et déposées dans son casier. Un peu plus tôt, il avait ouvert la fenêtre pour faire disparaître l’épouvantable odeur de tabac qui émanait du bureau de Boïdae et les morceaux de papier voletaient sous le souffle du vent furieux venant de la rue. Après avoir refermé la fenêtre, méticuleux et prévoyant, il ouvrit un nouveau dossier et y plaça les coupures de son chef. Il avait lui-même fait de nombreuses recherches sur la Capitale et sur l’Architecte ces derniers temps et n’avait pas vraiment besoin qu’on le sensibilise. Depuis le début, il avait été étonné du nom même du site. Cherchait-on à faire de la concurrence à Paris ? Cette prétention lui sembla absurde. Il médita longuement sur les gros titres qu’il avait lus.

« La Capitale, un site entier dédié au farniente »

« Qui est le constructeur génial de la Capitale, surnommé l’Architecte ? Le point sur un mystère non élucidé »

« Le trafic s’intensifie en direction du village de C. Les touristes de plus en plus nombreux, affluent vers la Capitale »

« Le centre de l’Europe proche d’un petit village français : la réussite en trois leçons, grâce à la Capitale. »

« Vingt mille lieux sur les terres. L’Architecte, un nouveau Nemo ? »

« Un monde merveilleux »

« Une fantaisie à quatre mains ? Qui est le bras droit de l’Architecte ? »

« Un enchantement à deux heures de Paris »

La carte d’entrée formait une pyramide bleue.

Il respira profondément afin de se libérer du stress qui l’oppressait depuis plus d’une heure. Il avait pris soin d’éteindre tous les néons pour ne pas être dérangé par le gardien et avait gardé, comme seule source de lumière, la petite lampe articulée qu’il avait lui-même achetée et installée. Tout en consultant les articles placés géométriquement sur son bureau, il buvait de petites gorgées de café noir qui lui brûlait légèrement les lèvres. Il avait également placé devant lui la carte d’entrée qui formait, une fois pliée correctement, une pyramide en carton bleu. Il l’observait entre deux lectures.

« La Capitale, un site entier dédié au farniente,

Alors que les touristes se pressent afin d’obtenir la fameuse carte d’entrée pyramidale qui ouvre les portes de la Capitale, les visiteurs comblés racontent leur visite. Toute la vérité sur ce nouveau haut lieu de détente. »

Le jeune journaliste lisait avec avidité toutes les coupures de presse étalées devant ses yeux. Il avait ouvert son carnet à petits carreaux Clairefontaine rouge et prenait des notes. Les articles avaient un point commun saillant : tout en prétendant faire des révélations retentissantes, ils ne donnaient en fait aucun détail, ni sur le site, ni sur l’Architecte. Il ne s’agissait que de lieux communs laudatifs, sans description ni information. Les visiteurs interrogés répondaient invariablement par des adjectifs vagues tels que « Formidable ! », « Merveilleux ! », « Sensationnel ! »

Impossible d’en savoir plus.

Il y avait là un mystère qu’il ne parvenait pas à s’expliquer.

Angel traça deux lignes verticales qui formèrent trois colonnes sur l’une des pages de son carnet. Puis il écrivit les superlatifs dans la colonne de gauche : « Le plus beau site de notre époque », « la meilleure sortie en famille », « le plus extraordinaire des périples ».

Il nota les adjectifs qualificatifs dans la colonne de droite : « enchanteur, merveilleux, féérique, magique ».

Quant à la colonne du milieu, destinée aux informations objectives, elle resta parfaitement vide.

Il y avait là un mystère qu’il ne parvenait pas à s’expliquer. Comment autant de journalistes avaient-ils pu si mal faire leur travail ? Était-ce une manœuvre destinée à flatter l’Architecte ? Recevaient-ils une quelconque rétribution pour leur discrétion exagérément zélée ?

Avaient-ils, sous le charme, perdu toute objectivité et sens critique ? Étaient-ils de bonne foi ?

Il sentait que ses recherches ne servaient pas à grand-chose. Il n’avait pas glané une seule information, ne savait toujours pas pourquoi le site avait été baptisé du nom pompeux de « Capitale ». Il était dubitatif mais comprenait désormais qu’il lui faudrait garder la tête froide s’il voulait rapporter un reportage circonstancié. Sinon, ce serait le flou et la fantaisie parfaite. Or, ce n’était pas le genre de la maison. Ni celui d’Angel.

Le téléphone le tira de ses pensées.

– Angel ?

– Oui ?

– C’est Alex, tout va bien ?

– Parfait, je voulais justement t’appeler. Je pars après-demain pour la Capitale … répondit Angel.

– Ouaou ! Quelle chance ! J’aurais dû choisir le métier de journaliste plutôt que celui d’égyptologue… Vous avez une vie beaucoup plus palpitante que la nôtre !

– Pas évident, les vieux papyrus ont leurs charmes…

– En tout cas, partir dans quelques jours vers l’endroit le plus convoité du moment, chapeau ! C’est Boïdae qui a réussi ce prodige ? Tu sais que les cartes d’entrée s’arrachent dans toute l’Europe et qu’il y a plusieurs mois d’attente ?

– Pour Disneyland aussi…

– Ne fais pas le blasé… Notre monde est celui du divertissement, il faut s’y faire ! Combien de temps tu restes ?

– Plusieurs jours et si je dois entre temps rentrer à Paris, je pourrai le faire. D’après ce que j’ai compris, on peut faire des allers-retours avec un ticket d’entrée unique. Donc j’ai carte blanche… mais je broie du noir. Cet après-midi, j’étais plutôt excité mais maintenant, je ne me sens pas dans mon assiette…

– On n’est jamais content de son sort hein ? Tu viens ce soir ou demain ?

– Je crois demain soir, avant mon départ à l’aube… Ce soir, je dois encore consulter de la doc… Un homme averti en vaut deux, non ?

– OK, alors je t’attends demain. Bye…

– Salut ! lança Angel dans un soupir.


Rendez-vous jeudi 27 mars pour découvrir le chapitre 2...

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