Spiritualité

La Capitale, Chap. 8 : D’une pyramide à l’autre

15/05/2014 | par Millie Salomon

Ève a retrouvé le ticket d’entrée pour la Capitale en forme de pyramide et emporte dans son sac la pyramide olfactive de sa sœur Clémence…

Résumé des épisodes précédents :

Ève a retrouvé le ticket d’entrée pour la Capitale en forme de pyramide et emporte dans son sac la pyramide olfactive de sa sœur Clémence…

Ève était rentrée chez elle en métro. Elle s’était engouffrée dans la station poussée par le vent. C’était comme une véritable descente vers les profondeurs de la terre. Le long des couloirs mal éclairés, des publicités triviales ressortaient, criardes, sur les murs en carrelage blanc biseauté. Son regard ne s’attardait jamais sur ces grands panneaux bigarrés. Les slogans, aussi astucieux qu’absurdes, les images, souvent crues et communes, restaient ensuite inscrits dans sa mémoire, influençant sa vision du monde. Elle préférait rester indépendante. C’était pour elle une lutte délibérée contre ce que la société ambiante tentait de lui imposer par tous les moyens.

Elle émergea du métro et dépassa l’auvent de l’édicule Guimard. Elle fut alors saisie par la vision des deux lampadaires qui éclairaient la station. Ils lui semblaient figurer deux cobras verts dont les têtes rouges menaçaient les piétons de leur phosphorescence.

En arrivant chez elle, elle avait embrassé sa mère, lui avait raconté qu’elle partait le lendemain tout en s’excusant de ne pas l’avoir prévenue plus tôt. Cependant, comme elle le lui expliqua, ce n’était que la faute de sa mémoire défaillante. Sa mère lui donna sa bénédiction et Ève, sans manger, alla directement dans sa chambre pour préparer son sac. Qu’allait-elle emporter pour quelques jours ? Deux tenues ? Son livre de chevet ? Une crème solaire ? Par ce temps glacé et ces averses permanentes, cette idée lui parut amusante et saugrenue. Elle sentit qu’elle avait vraiment besoin de vacances et que ce petit séjour tombait bien. Assise dans sa chambre, elle eut la sensation d’être envahie par le désordre. Des chaussures, mélangées à des photos, des vêtements pendant sur la commode, des classeurs et des livres en vrac sur le bureau, tout concourait au méli-mélo qui régnait dans la pièce.

Elle eut besoin de faire table rase. Méthodiquement, elle fit des piles catégorisées. Puis lorsque tous les objets furent triés, elle les rangea avec application à leur place respective.

Son cœur battait plus fort.

Puis elle tira un sac à dos d’un tiroir et l’inspecta. Un ensemble jupe/chemisier qu’elle n’avait pas mis depuis l’été était resté à l’intérieur. C’était un bon départ. Elle ajouta une paire de lunettes de soleil, un appareil photo et sa brosse à dents. Pour quelques jours, c’est bien suffisant, pensa-t-elle.

Son cœur battait plus fort. Des palpitations inexplicables l’envahirent et elle dut s’asseoir sur le lit. Elle n’était pourtant pas la veille d’un examen.

Elle avait la sensation d’un événement important, incontournable, essentiel. Des images défilaient devant ses yeux : elle revoyait les départs en vacances lorsqu’elle était enfant, la voiture pleine de valises et de victuailles. Elle percevait le chant des cigales et la chaleur des rayons de soleil sur son front. Pourtant, c’était l’hiver et le vent faisait trembler les vitres. Elle rouvrit les yeux. La réalité, opaque, ne laissait rien entrevoir.

Les mêmes voitures roulaient dans les rues, les mêmes passants traversaient leur vie sans y prêter attention, la même beauté s’offrait sans être découverte. Elle aurait voulu être peintre ou musicienne pour déceler cette mystérieuse harmonie derrière les voiles de l’existence concrète. L’errance a une fin, pensa-t-elle. Dehors, la pluie faisait rage, comme pour laver la terre d’une trahison millénaire. Elle se sentait l’esclave d’une certaine fatalité, comme si elle ne pouvait faire face à son destin. Elle se souvenait pourtant, enfant, avoir été fée princesse ou même reine, héroïne de tous les possibles. Elle se souvenait des éclats de lumière dans la brume et des ciels impétueux aux nuages ivres de bonheur. Elle avait goûté aux rêves des immortels et à la splendeur des océans d’écume.

C’était la nuit. Les gens de la ville couraient à leurs occupations, indifférents à la course de la lune et à son reflet sur le pyramidion de l’Obélisque. Seul un cœur vaillant, comme celui d’Ève, percevait l’immensité des soleils invisibles à l’œil. Quelque chose de supérieur se préparait.

Elle prit soudain conscience qu’elle n’avait toujours pas ôté son manteau. Peut-être était-ce la raison de son léger malaise ? Elle mit les mains dans ses poches et en retira deux pyramides : le ticket d’entrée de la Capitale - qui avait perdu sa forme et à l’intérieur duquel elle découvrit un papier miroir -, et le schéma de Clémence. Elle se sentit rassérénée. Le départ était pour demain. Son impatience subite serait bientôt comblée. Et Clémence l’accompagnerait un peu, grâce à sa fine écriture couchée sur ce papier à en-tête. Elle examina l’intérieur de la pyramide bleue et vit son visage s’y refléter. Ses yeux, d’un noir incandescent, scrutaient l’envers du décor.


Rendez-vous jeudi 22 mai pour découvrir le chapitre 9...

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