Franc Parler

Le plaisir de donner

Vayéra (Béréshit 18-22 )

Nous pensons à tort que donner à autrui revient à se priver soi-même. Abraham nous enseigne le contraire.

Vous vous baladez en plein désert avec deux copains. Le thermomètre frôle les 50 degrés à l’ombre. A l’horizon, vous apercevez quelques tentes, probablement un camp bédouin. Et puis soudain, sans crier gare, un vieil homme de 99 ans s’approche en courant de vous. Il se prosterne à vos pieds, son visage touchant le sable, et déclare d’une voix implorante : « Je vous en prie, mes maîtres, si j’ai trouvé grâce à vos yeux, ne dépassez pas la tente de votre humble serviteur. Attardez-vous quelques instants. Je me chargerai de vous laver les pieds et vous servirai quelques rafraichissements. Installez-vous à l’ombre de mon arbre, et puis ensuite, vous poursuivrez votre chemin ».

Essayez d’imaginer la scène : que penseriez-vous de ce personnage ?

La plupart d’entre nous en concluraient qu’il s’agit probablement d’un psychopathe qui compte les détrousser avant de les ligoter au fin fond de sa tente pour en tirer une coquette rançon. Si ce type se montre affable, c’est qu’il doit avoir une petite idée pas très nette en tête. Après tout, personne dans ce bas monde n’agit de manière aussi altruiste et désintéressée.

Personne, enfin presque… Parce que dans la paracha de cette semaine, c’est exactement ce que fait notre patriarche Abraham lorsqu’il accourt auprès des trois voyageurs pour leur proposer de faire une halte dans sa tente.

Mais s’il vivait à notre époque, personne n’aurait accepté sa généreuse proposition.

Ce constat en dit long sur la société dans laquelle nous vivons : aujourd’hui, dès qu’une personne se propose de faire quelque chose pour nous, cela éveille immédiatement nos soupçons. Pourquoi cette personne serait-elle prête à me rendre service, si elle n’en retire aucun bénéfice. D’ailleurs, la plupart du temps, nous n’avons pas tort. Mais cet état des choses n’en reste pas moins honteux et déplorable. Après tout, lequel des deux scénarios devrait-il nous paraître anormal : celui d’une personne qui se soucie d’autrui, et donne du sien en tout altruisme, ou à l’opposé une société qui se méfie d’une telle personne.

Abraham est le personnage de l’histoire juive qui, plus que tous les autres, incarnait le ‘hessed, la bonté. Pour lui, courir vers des invités potentiels et les supplier de profiter de sa générosité n’avait rien d’étrange. Car Abraham éprouvait un amour immense pour l’humanité et il n’avait d’autre mission dans la vie que de rendre ses semblables heureux.

A la réflexion, il existe peu de plaisirs plus intenses que celui qui consiste à donner, et Abraham le savait parfaitement. Au fond de nous, nous avons beaucoup plus de plaisir à donner qu’à prendre. Car donner élargit nos horizons et nous confère un sentiment d’accomplissement. En revanche, prendre génère en définitive un sentiment de vide. C’est la raison pour laquelle les parents retirent plus de satisfaction de leurs enfants que les enfants de leurs parents, quand bien même ce sont les enfants qui sont davantage comblés.

Si tel est le cas, pourquoi n’arrivons-nous pas à donner autant qu’on le devrait ?

La réponse est que nous pensons à tort qu’en donnant à l’autre, nous nous privons nous-mêmes. Si je donne 5 euros à un pauvre qui me tend la main, j’aurais 5 euros de moins dans mon portefeuille. Si je consacre une demi-heure à cette amie en déprime, j’aurais une demi-heure en moins pour vaquer à mes occupations. Bref, donner revient à perdre.

En réalité, ce raisonnement est juste mais seulement à court terme. Car à long terme, le don nous procure beaucoup plus de plaisir et de satisfaction personnelle que ce que nous pensons avoir « perdu ». Abraham avait intériorisé cette leçon et sa vie toute entière tournait autour du don. Nous autres, ses descendants spirituels, abritons le même trait de caractère en nous. Donner nous rend heureux. Et si nous prenions conscience de cette profonde vérité, notre vie serait emplie de bonheur.

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