Société

Dévarim ou le poids des mots

09/07/2013 | par Daniel Haïk

En quelques phrases, un roi quitte le pouvoir en Belgique, et un président est contraint de l’abandonner en Egypte. Eclairage à travers la paracha Dévarim ("paroles").

L’impact de deux allocutions majeures

Au cours des derniers jours, nous avons été témoins de deux allocutions importantes : mardi soir dernier, dans un discours sans grande envergure c’est le roi des Belges, Albert II qui a annoncé sa décision d’abdiquer et de confier le royaume de Belgique à son fils Philippe. En quelques mots, le souverain a mis fin à 20 années de règne. Le second discours bien plus marquant, et bien plus dramatique a été celui du ministre égyptien de la Défense Abed el Sissi qui, en quelques phrases martelées fermement en direct à la Télévision, a destitué mercredi soir dernier, sous la pression de millions de manifestants rassemblées sur la place Tahrir, le président islamiste Mohamed Morsi.

L’une des émissions les plus célèbres de la radio israélienne (Kol Israel) s’appelle en hébreu « Hakol Dibourim », un intitulé que l’on pourrait traduire par le titre d’une chanson française des années 70, « Paroles, paroles, paroles… », mais qui a contrario de cette chanson entend justement démontrer la force de la parole et son impact sur toute une population. Depuis sa création, il y a une vingtaine d’années, cette émission a joué un rôle majeur dans le débat public au sein de la société israélienne. Ainsi au début de l’an 2000, sa présentatrice la plus connue, Shely Yéhimovitz en avait fait le porte drapeau du retrait israélien du Sud Liban. Pendant des mois, Yéhimovitz, aujourd’hui présidente du parti travailliste, avait critiqué la présence israélienne au Sud Liban, provoquant un véritable mouvement populaire en faveur du retrait des soldats israéliens. Finalement la pression publique exercée par « Hakol Dibourim » a porté ses fruits, et en mai 2000, Tsahal s’est retiré du Sud Liban unilatéralement.

Ces deux exemples récents ainsi que celui, plus lointain, de « Hakol Dibourim », nous permettent de mesurer à sa juste valeur le « poids des mots ». En quelques expressions, en quelques phrases, un roi quitte le pouvoir, et un président est contraint à l’abandonner.

« Les paroles s’envolent mais les écrits restent. »

Dans le judaïsme, ce principe laissant sous entendre que la parole a moins d’importance que l’écrit, n’a pas lieu d’être. Si notre foi et notre histoire reposent solidement sur le socle millénaire de la Torah, la Loi écrite, celle-ci demeure incomplète sans la Loi Orale qui depuis près de 2000 ans a offert au peuple juif la codification indispensable pour faire du judaïsme un mode de vie qui a traversé les âges.

Mais dans un cas marquant, paroles et écrits se confondent et c’est précisément le cinquième livre de la Torah, Devarim, dont nous débutons cette semaine la lecture. S’il est appelé en français le Deutéronome, c’est parce qu’il renferme une forme de répétition des trois autres livres relatant l’histoire du peuple juif depuis l’époque de la sortie d’Egypte : Shemot (l’Exode), Vaïkra (Lévitique), et Bemidmar (Les Nombres). Mais la traduction littérale de ce cinquième livre est plus simple : Devarim, ce sont les…. « Paroles ». Et pour cause : l’essentiel des chapitres de ce livre est consacré au discours prononcé par Moché Rabbénou devant le peuple réuni, à l’entrée de la Terre promise.

Le grand discours du rav

Ceux qui ont vu récemment le beau film de Tom Hooper, « le discours du roi » qui relate l’histoire du souverain britannique Georges VI surmontant son bégayement maladif pour rassurer ses sujets aux heures tragiques du déclenchement de la seconde guerre mondiale, doivent savoir qu’il y a 3500 ans, Moché Rabénou s’est déjà trouvé dans une situation semblable: au moment crucial de l’entrée en Terre d’Israël, et 37 jours avant sa mort, le même Moché qui bégayait devant Pharaon, devient l’homme de la Parole ,l’homme qui parlera jusqu’à son dernier souffle, l’homme qui saura trouver les mots justes, d’abord pour réprimander son peuple, puis pour le rassurer, le conseiller et lui offrir les instruments nécessaires pour prendre possession de la Terre d’Israël et surtout pour s’y maintenir. Devarim c’est donc le grand « Discours du Rav », celui de Moché Rabbénou.

Et d’ailleurs ce n’est pas un hasard si, chaque année, nous lisons la paracha de Devarim lors du Chabbat « Hazon » précédant le jeûne de Ticha Beav, qui commémore la destruction du Temple de Jérusalem et la fin d’une souveraineté juive sur la Terre d’Israël.

En effet, si nous avions écouté les paroles de vie et de bonté de Moché livrées dans Devarim, nous aurions été préservés de cette issue douloureuse. Au lieu de cela, nos ancêtres ont préféré la médisance. Ils ont colporté le Lachon Hara, la langue du Mal et ont sombré dans la haine gratuite qui a conduit à la perte du Temple et à l’Exil de notre peuple.

Aujourd’hui, la lecture de Dévarim peut nous permettre de corriger ces dramatiques égarements, car elle renferme la « formule magique » indispensable pour réparer ce mal, propager le Bien et, vivre enfin serein sur notre Terre.

Le roi Salomon dans le livre de Michlé (18, 21) nous enseigne que « la vie et la mort sont ‘entre la main’ de la parole ».

Après deux millénaires d’égarements et de souffrances, le peuple juif de retour sur sa Terre détient l’occasion unique de réparer ses fautes. Il lui suffit pour cela d’utiliser comme feuille de route le livre de Devarim. Il lui suffit de prendre conscience du poids des mots et d’être à l’écoute des paroles de vie léguées par Moché Rabbénou dans son Discours.

Chabbat Chalom !

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram