Société

La La Land : quand il ne suffit pas d’aimer

02/03/2017 | par Aish.fr

Acclamée aux Oscars, la comédie musicale de Damien Chazelle rompt avec les clichés hollywoodiens sur l’amour idyllique. Il était temps…

La La Land n’en finit pas de briser des records. Après avoir été couronnée par sept Golden Globes, la comédie musicale de Damien Chazelle a râflé six trophées lors de la 89ème cérémonie des Oscars, dont ceux de la meilleure actrice, du meilleur réalisateur et de la meilleure musique.

Le succès rencontré par ce long-métrage, avec Emma Stone et Ryan Gosling dans les rôles principaux, nous prouve que la comédie musicale est un genre cinématographique qui a encore de beaux jours devant lui.

Mais mis à part l’univers de la musique et de la chanson qu’il nous fait (re)découvrir, La La Land explore un sujet très sérieux : la difficile conciliation entre la quête de l’amour et le besoin d’ambition professionnelle.

Agrémentée de fantaisie, le film met en scène Mia, une actrice en devenir, et Sebastian, un pianiste qui rêve de monter son propre club de jazz. Leur point commun ? Tous deux luttent pour percer, elle au cinéma, lui dans la musique.

Mia vit en colocation après plusieurs autres aspirantes actrices, et travaille dans un café situé sur une zone de tournage ; elle arrache son tablier de serveuse dès qu’on la convoque pour une audition. Malgré son talent, elle essuie sans arrêt échecs et humiliations et n’arrive pas à décrocher ne serait-ce qu’un rôle de figurante.

Sebastian, lui, est un musicien bourré de talents mais aussi d’ambitions irréalistes, comme celle de rétablir la splendeur oubliée du jazz « pur et dur ». Des projets chimériques qui lui valent licenciement sur licenciement.

Alors que leur histoire d’amour se développe, chacun trouve en l’autre une oreille attentive et un soutien dans la poursuite de ses ambitions professionnelles. Mais quand le succès finit par leur sourire, ils s’aperçoivent qu’il vient accompagné d’un prix à payer. Car comment entretenir la flamme quand l’autre se trouve constamment en tournée ou en tournage ? Comment renoncer à sa propre réussite professionnelle pour suivre et épauler l’autre dans la sienne ?

Visiblement, La La Land est bien décidé à bouleverser les dénouements classiques à la « ils-vécurent-heureux-jusqu’à-la-fin-de-leurs-jours » des comédies musicales d’autrefois. Dans ce scénario, ce n’est plus l’amour qui conquiert toute chose, comme le prétendait Virgile, mais plutôt l’ambition.

Quand Mia finit par décrocher un rôle principal dans un film tourné à Paris qui racontera sa propre histoire, le film fait une ellipse de cinq ans. La jeune femme est enfin devenue la star de cinéma qu’elle avait toujours rêvé de devenir. Elle file le parfait amour avec son mari – qui n’est pas Sebastian – et est devenue maman. Sebastian a, lui aussi, réalisé le rêve de sa vie en ouvrant son propre club de jazz qui rencontre un franc succès. Quand Mia et son mari se retrouvent par hasard dans son club, les yeux des deux amants se rencontrent pendant un court instant. Ce qui déclenche une séquence fictive dans laquelle Mia et Sebastian imaginent tous deux la vie qu’ils auraient menée s’ils avaient décidé de rester ensemble.

Certaines critiques de cinéma et commentateurs sociaux ont accusé les deux personnages d’égoïsme pour avoir privilégié leur carrière au détriment de leur histoire d’amour.

Pour ma part, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si nos deux héros n’auraient pas pu trouver le moyen de réaliser leurs ambitions professionnelles sans pour autant sacrifier leur relation amoureuse. N’auraient-ils pas pu maintenir une relation à distance ? Pourquoi Sebastian n’aurait-il pas ouvert son club de jazz à Paris ? Pourquoi Mia n’aurait pas pu retourner à Los Angeles après le tournage de son film à Paris ? Mais c’est peut-être là que se trouve tout le message que Damien Chazelle a voulu glisser en filigrane : dans la vie, il faut apprendre à choisir ses priorités. Et comme l’affirmait André Gide, choisir c’est apprendre à renoncer. C’est trouver le courage de faire des sacrifices. Car il est souvent impossible de tout vouloir, de tout avoir, sans aucune contrepartie. Et si les parcours de vie de Mia et Sebastian n’étaient pas compatibles à long terme, il était bien plus sage de leur part de le reconnaître avant de se marier, et prévenir ainsi la douloureuse éventualité d’un divorce.

Le judaïsme souligne l’importance du mariage et de la famille. Mais il reconnaît également qu’il ne suffit pas que deux personnes s’aiment pour qu’elles décident d’unir leur destin. Il faut aussi et surtout s’assurer que les éléments qui leur importent respectivement – que ce soit sur le plan matériel, spirituel  – concordent véritablement.

Si Mia et Sebastian avaient soif d’amour, ils ont eu l’honnêteté d’admettre que la poursuite de leurs ambitions respectives revêtait à leurs yeux davantage de poids que la perspective pourtant séduisante d’une vie commune. Tous deux ont été prêts à sacrifier leur amour naissant pour se consacrer à ce qu’ils croyaient être la cause de leur vie.

La La Land a bien mérité ses six statuettes. Outre sa mise en scène d’une inventivité impressionnante, le scénario et les dialogues « clean » du film sont rafraichissants, ce qui lui ajoute encore un point positif. Mais surtout, il offre un regard optimiste mais pourtant lucide sur le pouvoir de nos rêves et les compromis inévitables que nous sommes tenus de faire sur la voie menant à l’épanouissement personnel.

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