Société

La face cachée de la chirurgie esthétique

16/06/2015 | par Emouna Braverman

Si en atténuant les complexes, la chirurgie esthétique peut réconcilier certains avec leur image, elle est loin de résoudre le fond du problème.

En moins de dix ans, le nombre de françaises ayant eu recours à la chirurgie ou à la médecine esthétique a plus que doublé. Selon un sondage exclusif réalisé par l'Ifop pour le Parisien, les adeptes du bistouri sont passées, entre 2002 et 2009, de 6 à 14%. Et parmi ces dernières, 15% était âgées de plus de 65 ans. Je pourrais boucler mon article avec ces statistiques ; ils sont suffisamment parlants pour décrire l’attrait grandissant que revêt la chirurgie esthétique dans notre pays.

Tout d'abord, affirmons haut et fort que la chirurgie esthétique a sa raison d'être à part entière. Certaines personnes naissent avec un physique extrêmement déformé. D'autres subissent des traumatismes importants au cours de leur existence – accidents, brûlures – et la chirurgie esthétique vient littéralement leur sauver la vie. Tenez, lorsque j'étais adolescente, mon chien m'a attaquée. Il a referme sa mâchoire sur mon visage et ne m'a pas lâchée. J'ai été déchirée en divers endroits, parfois même jusqu'à l'os ou au muscle. Heureusement pour moi, il y avait un chirurgien plastique en salle des urgences, et c'est lui qui m'a recousue. Ses compétences lui ont permis de ne me laisser que des cicatrices minimales. C'est pourquoi je suis personnellement reconnaissante à cette profession.

L’écrasante majorité des actes chirurgicaux revient aux liftings du visage ou de la paupière.

Mais nous savons pertinemment que ces statistiques ne sont pas dues à une envolée soudaine des victimes de brûlures graves ou de morsures de chien. L’écrasante majorité des actes chirurgicaux revient aux liftings du visage ou de la paupière.

Alors que conclure de telles statistiques (mise à part repenser nos choix professionnels a posteriori…) ? J'ai entendu dire, (mais je n'ai pas de chiffres à l'appui) que dans certains milieux, il est de bon ton d'offrir un nouveau nez à une jeune fille pour son seizième anniversaire. Qui aurait cru qu'il y ait tant de cloisons nasales déviées…

Je ne vais pas déplorer notre culture du jeunisme. Je l'ai déjà fait ici même. Je suis quelqu'un de sensible. Je suis aussi effrayée, et accessoirement complètement fauchée, pour envisager une quelconque opération chirurgicale. En outre, je pense que la Torah interdit tout type de chirurgie purement esthétique, uniquement motivée par le paraître et non par un besoin physique ou mental avéré . Certes nous nageons ici en eaux troubles, qui exigent beaucoup d'honnêteté et de discernement pour y voir clair ; pour plus d'information, contactez votre rabbin local. Pour autant, je ne suis pas entièrement sourde au chant des sirènes de beauté : je peux moi aussi succomber aux charmes d'une bonne crème anti-âge qui me vante ses mérites, ou d'un sérum "contour des yeux" qui me promet un regard déridé en moins d'un mois.

Je ne vais pas non plus m'étendre sur le type de message transmis à ces adolescentes à qui l'on offre un nouveau nez avant même qu'elles passent leur baccalauréat. Cela me parait évident.

Je veux explorer la racine du sujet qui est, je le crois, une insatisfaction prégnante de nos vies, couplée à l'idée que telle chirurgie, telle nouvelle maison, tel beau bijou, tel voyage lointain pourra y remédier. Et nous savons tous que c'est une illusion. Quand vous vous réveillez avec votre nouveau nez, ou vos paupières rehaussées, vous êtes toujours vous – avec vos défis et vos doutes. Rien n'a vraiment changé, mise à part quelques ecchymoses sur votre visage et une entaille dans votre solde bancaire.

Dans l'Ethique des Pères, on nous enseigne que l'homme véritablement riche est celui qui est heureux de son sort. L'interprétation courante de cette Michna est que l'on doit se satisfaire de son niveau de vie matériel, sans chercher à l'enrichir en permanence. Mais je pense que l'enseignement de nos Sages est beaucoup plus profond. Nous devons nous réjouir de chaque aspect de notre sort, que nous soyons né grand ou petit, homme ou femme, dans telle famille avec ses propres challenges et opportunités et non dans telle autre idéalisée qui vit en face de chez nous, avec des diplômes universitaires mais sans oreille musicale ni don artistique, et même avec CE nez.

Et ainsi tout au long de notre existence ici-bas, avec ce qui nous est inné, et aussi avec tout ce qui évolue dans notre vie. Nous devons nous réjouir de notre conjoint(e), de notre job, de notre appartement, de notre communauté, et de ces inéluctables signes physiques de vieillesse.

Nul ne peut goûter de paisible satisfaction s'il ressasse une liste incessante de "si seulement", et s'il égare dans la croyance erronée que les circonstances extérieures sont les clefs du bonheur.

On doit se détacher de notre propre image dans le miroir et on doit commencer à chercher qui a besoin d'aide autour de nous

La réalité est que seule une vie pleine de sens et de signification peut nous sortir de cette focalisation sur nos attentes insatisfaites ou nos fantasmes purs et simples. Nous devons cesser de regarder dans le miroir. Il faut arrêter de se comporter comme des adolescents qui ne peuvent passer devant un miroir sans s'arranger leurs cheveux. Regardons autour de nous pour chercher qui a besoin de notre aide ! Je ne désire en rien que les chirurgiens plastiques perdent leur emploi, mais je crois certainement que si nous y réfléchissions bien, nous pourrions probablement trouver un meilleur usage pour ces millions d’euros dépensés en chirurgie. Et je crois que, après une journée passée à aider autrui, nous commencerons à trouver ce sens insaisissable de satisfaction, et peut-être même un avant-goût du bonheur.

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