Société

La mort tragique de Brittany Maynard

09/11/2014 | par rabbin Benjamin Blech

Le point de vue juif sur le suicide assisté

Brittany Maynard a obtenu que son dernier souhait s’accomplisse. La jeune femme de 29 ans qui a fait la Une du magazine People, a été médiatisée à travers des centaines d'articles de presse après avoir pris la décision de ne pas laisser sa maladie se détériorer lentement et dans la douleur.

Comme l'a dit un post sur son site Internet, « Brittany a choisi de mourir dans la dignité car elle était atteinte d’une terrible maladie, douloureuse et incurable. Elle a déménagé dans l’Oregon dans une petite maison jaune dans la belle ville de Portland ». Dans un communiqué, Compassion & Choices, une ONG qui veut légitimer « le droit à mourir dans la dignité » et qui avait travaillé en étroite collaboration avec Maynard, a expliqué qu’elle était « morte comme elle en avait l'intention – paisiblement dans sa chambre, dans les bras de ses proches ».

Une tumeur maligne au cerveau avait été diagnostiquée par les médecins suite à de violents maux de tête ressentis par la jeune fille en janvier dernier, à peine un an après son mariage. Elle avait subit depuis plusieurs interventions chirurgicales, puis les médecins ont expliqué en avril qu’il ne lui restait plus que six mois à vivre. Elle a déménagé de la Californie à l'Oregon afin de profiter de la loi de cet État qui permet le suicide assisté – un des cinq États où cette pratique est légale.

À la suite de son décès, les médias ont souligné que son choix avait suscité un large soutien auprès du public.

Il est difficile de ne pas ressentir de la compassion pour cette jeune femme qui a expliqué avec émotion sa résolution sur CNN.com : « Je ne veux pas mourir. Mais je suis en train de mourir. Et je veux mourir comme je l’entends. Pouvoir faire ce choix à la fin de ma vie est devenu extrêmement important. Cela m'a donné un sentiment de paix au cours d'une période tumultueuse qui aurait été autrement dominé par la peur, l'incertitude et la douleur ».

Elle a également expliqué sa décision dans un article de fond :

« Je ne souhaite dire à personne quel choix faire et si oui ou non on doit choisir de mourir dans la dignité », dit-elle. « Ma question est plutôt : Qui a le droit de me dire que je ne mérite pas ce choix et que je dois souffrir pendant des semaines ou des mois, accablée par la douleur physique et psychologique ? Pourquoi pourrait-on avoir le droit de faire ce choix pour moi ? »

Ce raisonnement a été adopté aujourd’hui, après sa mort, comme le discours incontestable du mouvement qui vise à légaliser le suicide assisté sous la noble appellation de « mourir dans la dignité ». Son credo est basé sur ​​la glorification de ce choix et dénigre ceux qui choisissent de continuer leur combat pour la vie, comme une décision implicitement « indigne ». Brittany Maynard est en train de devenir involontairement l’icône de Compassion & Choices. Nous nous devons de répondre aux défenseurs de la légalisation du suicide avec une compassion toute morale.

La réponse de la foi

Permettez-moi d'être clair. Si Brittany Maynard était venue me voir en me demandant de l’aider à prendre sa décision, j’aurais partagé avec elle mon ambivalence entre ma foi et mes sentiments. J’aurais compris sa peur de faire face à un avenir insupportable. J’aurais compati à ses difficultés et totalement compris son désir d'éviter apparemment certaines horreurs. Pourtant, à sa question – qui a le droit de me dire que je ne mérite pas ce choix ? – j’aurais répondu : « Seul Celui qui vous a donné le don de la vie a le droit d'y mettre fin. » Prendre la vie d'un autre est appelé « assassiner ». Ce n’est pas parce que nous n’avons pas le droit de prendre la vie de quelqu'un d'autre en particulier. C’est parce que nous n’avons pas le droit d'ôter la vie en général. Ainsi, nous n’avons pas le droit d’abréger notre propre existence sur cette terre.

Ne devrions-nous pas avoir de la compassion pour ceux qui sont forcés d’endurer des souffrances ? Mes sentiments me demandent de prendre en compte les difficultés ; ma foi me rappelle que mon empathie n’est assurément pas plus grande que celle de Dieu, qui est miséricordieux, infiniment bon et qui n’a pas encore décrété la mort.

Le suicide marque un désaccord avec le verdict divin. À la question de savoir pourquoi ? – Pourquoi devrais-je continuer à vivre quand je souffre tant ? Pourquoi devrais-je vivre si je suis un fardeau pour les autres ? Pourquoi devrais-je m’accrocher alors que la fin que je désire est de toute façon inévitable ? – nous pouvons trouver un élément de réponse dans ce que D.ieu dit à Moïse. Lorsque celui-ci demanda à D.ieu de lui « montrer Sa gloire et de comprendre Ses voies », D.ieu répondit : « L'homme ne peut Me voir et vivre ... Je vais passer devant vous et vous verrez mon dos, mais mon visage vous ne le verrez pas » (Exode 33:18 - 23). En tant que mortels, nous ne pouvons jamais saisir pleinement le pourquoi de la direction du monde par D.ieu. Pourtant, il existe une vérité qui sert souvent à nous donner un aperçu de sa Sagesse. Nous ne pouvons jamais voir Son « visage » : la vie se déroule dans des voies parfois mystérieuses, nous sommes souvent perplexes quand nous sommes témoins d’apparentes cruautés, désorientés par des difficultés inexplicables. Pourtant de nombreuses fois, nous pouvons voir « Son dos » : avec le recul, les événements prennent un sens, les difficultés deviennent identifiables et l’on comprend leur raison d’être.

Le philosophe Kierkegaard a exprimé avec justesse cette idée : « La plus grande tragédie de la vie est qu'elle doit être vécue au présent mais ne peut être comprise qu’au passé. » Pour ceux qui ne peuvent comprendre le pourquoi de leur souffrance, la réponse de la foi est de retenir son jugement. La sagesse divine est plus grande que la nôtre. Et pour les gens de foi, cela apporte même aux années de douleur et d'angoisse une signification plus profonde, à la fois pour nous-mêmes et pour les autres qui peuvent accomplir de nobles actes de dévouement.

Quel est le danger ?

Il existe un véritable danger de confusion entre la compassion pour Brittany Maynard et l'approbation de sa décision qui est déjà devenue dans de nombreux milieux une sorte de manifeste idéologique. Le suicide assisté pose un réel danger pour les personnes handicapées. Qui sera à même de décider que la sclérose en plaques ou la maladie de Charcot sont classées comme "terminales" ? Qui prendra la décision de la mort assistée pour des handicapées comme option idéale ? Aux Pays-Bas, par exemple, les médecins sont libres de décider si un enfant né avec un handicap doit vivre ou mourir. Le gouvernement a mis au point un guide de normes et si l'équipe médicale estime que l'enfant, ou ses parents, vont faire face à de grandes souffrances, le bébé peut être euthanasié.

Plus inquiétant encore, Marilyn Golden qui travaille au centre pour l'éducation et la défense des droits de l'homme à Berkeley, craint que l'histoire de Maynard soit source de distorsion. « Pour chaque personne vivant au sein d’une famille heureuse qui ne risque pas d'abus, il y a en a beaucoup d'autres qui peuvent être subtilement guidées vers le suicide assisté par leur compagnie d'assurance ou sous la pression de leur famille. » Marilyn Golden redoute que les services de santé qui ont des contraintes financières orientent les malades dans la direction de… quel est le mot ? La « dignité ». Golden se demande si dans ce monde où les choix sont nouveaux, il y aura toujours une place pour « les gens qui sont malades mais ont perdu leur fonction productive. »

L’opinion publique est progressivement amenée à penser qu’il vaut mieux mourir qu’être handicapé. Il y a une pente glissante puissante qui tend à légitimer la douleur et le handicap comme motifs suffisants pour le suicide. On tend à définir les gens handicapés comme indignes pour la vie. Or, certains d'entre nous sont suffisamment âgés pour se souvenir que l'Allemagne nazie a commencé par exterminer des handicapés mentaux pour finalement aboutir au génocide d'une « race inférieure ».

Une note personnelle

Les lecteurs de mes articles sur aish.fr peuvent se souvenir qu’il y a quelques années, les médecins m’informèrent que j’étais atteint d’une maladie mortelle pour laquelle il n'y a pas de remède. Ma recherche sur Internet m’indiqua qu'à partir du moment où la maladie est diagnostiquée, je n’avais pas plus de six mois à vivre. Cela se passait il y a près de trois ans. En remerciant encore D.ieu et certain que ce fut la réponse à mes prières et aux prières de tant d'autres, je me sens bien aujourd'hui et j'espère que mes jours se prolongeront jusqu’à 120 ans.

Le suicide est également mauvais pour une autre raison : il n’est pas un terme à la souffrance, mais à l’espoir. Il n’admet pas les rémissions miraculeuses et l'intervention divine.

Le suicide aujourd'hui est la 10e cause de décès aux États-Unis. Je suis triste pour Brittany Maynard et tous ceux qui ont opté pour sa solution contre la douleur et la souffrance. Mon but n’est pas de les condamner pour leur décision, mais de prier pour que tous puissent choisir l’espoir et non le désespoir, le chemin de la foi et non le sentiment d'abandon de D.ieu.

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