Société

L’affaire Harvey Weinstein et le phénomène #MeToo

25/10/2017 | par Judy Gruen

La chute fulgurante du producteur de cinéma a levé le voile sur l’épidémie d’abus et d'harcèlement sexuel qui sévit dans nos sociétés.

Cet article discute d’un sujet sensible.

Contre toute attente, la chute fulgurante du producteur de cinéma Harvey Weinstein a levé le voile sur l’épidémie d’abus et d’harcèlement sexuel qui sévit dans nos sociétés. On découvre non sans stupeur qu’il ne s’agit plus d’un problème qui n’arrive qu’« aux autres » mais bien d’un phénomène extrêmement répandu, y compris auprès des personnes qui nous sont proches.

Quand le New York Times a publié un article exposant en détail les sordides révélations sur Weinstein, accusé d’harcèlement et d’agressions sexuelles par plusieurs femmes de l’industrie du divertissement, le magnat du cinéma a été immédiatement licencié de la Weinstein Company, le studio qu’il codirigeait avec son frère, Bob Weinstein. La liste des femmes qui témoignent publiquement avoir été victimes de comportements répugnants de la part de Weinstein, allant même jusqu’au viol, s’allonge de jour en jour, ne faisant qu’ajouter à son ignominie. Le producteur déchu fait actuellement l’objet d’une enquête policière à New York comme à Londres.

Au lendemain de ce scandale, le hashtag #MeToo (#MoiAussi) s’est répandu comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, posté par des femmes (et même des hommes) de tous les horizons pour témoigner qu’elles avaient, elles aussi, été victimes d’harcèlement sexuel ou d’abus. Par ailleurs, on encourage les femmes à diffuser ce hashtag en signe de solidarité pour les victimes, même si elles-mêmes n’ont pas souffert d’abus. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plusieurs millions de femmes ont déjà utilisé ce hashtag.

J’ai été sidérée par le nombre de personnes que je connais qui postaient ce hashtag, non pas par solidarité, mais bien parce qu’elles avaient elles-mêmes souffert d’une telle expérience.

J’ai été sidérée par le nombre de personnes que je connais qui postaient ce hashtag, non pas par solidarité, mais bien parce qu’elles avaient elles-mêmes souffert d’une telle expérience. Le message était évident : l’exploitation des femmes par le harcèlement sexuel ou pire constituait jusque-là une épidémie silencieuse. Parmi les auteurs, se trouvaient des conjoints, des membres de la famille, des étrangers, des petits amis, des superviseurs, des clients, des collègues, des ecclésiastiques, des enseignants. Certaines femmes ont témoigné (sous couvert d’anonymat dans certains cas) qu’elles étaient depuis longtemps victimes d’un harcèlement chronique et traumatisant de la part de proches, qui comme Harvey Weinstein, étaient couverts par des complices.

Un peu plus tard, je me suis soudainement rappelée de deux expériences de contact physique non désiré que j’avais moi-même vécues : la première, quand j’avais 13 ans et la seconde à l’âge de 16 ans. Un professeur de 4ème, qui me considérait comme sa « chouchoute », essaya de m’embrasser après les cours. Puis il s’enfuit de la classe, me laissant tremblante de choc et de dégoût. Plus tard, il s’excusa mais je ne réussis plus jamais à le regarder dans les yeux. Les incidents qui se produisirent quand j’avais 16 ans furent plus effrayants, mais comme tant de femmes concernées par le hashtag #MeToo, je n’en ai jamais parlé à personne. Ils étaient si répugnants que j’espérais enterrer leur souvenir.

Naturellement, la campagne #MeToo a donné lieu à sa propre controverse. Certains ont prévenu que la popularisation du hashtag risquait de banaliser le sujet, tout en favorisant la victimisation. Certes, le traumatisme de l’abus sexuel ne peut pas être réduit à un simple hashtag. Mais comme le fait remarquer Meira Schneider-Atik, une écrivaine new-yorkaise : « Veuillez comprendre que le but de tous ces hashtags #MeToo n’est pas de se disputer le titre de la « Reine de la Douleur ». À mes yeux, le fait de savoir que vous n’être pas la seule n’a pas de prix, peu importe si vous avez été victime d’harcèlement, d’abus ou de viol. »

En réponse aux voix craignant que cette campagne ne se transforme en forum de ressentiment à l’égard de la gent masculine, une femme a riposté avec le slogan « J’aime les hommes ! », saluant la gentillesse exceptionnelle de son mari, son père, ses frères ainsi que d’autres hommes qui ont veillé sur elle, l’ont aimée et protégée. J’ai « liké » son post, parce que j’ai ressenti qu’il véhiculait un contrepoids nécessaire à la sévérité et au caractère unilatéral des messages publiés dans les réseaux sociaux.

Notre société a dramatiquement échoué à enseigner le respect dû aux femmes et les limites appropriées concernant les relations hommes-femmes.

J’espère que cette campagne de prise de conscience aura des retombées positives à long terme, et que les femmes qui ont été agressées et exploitées par des hommes trouveront une certaine dose de réconfort dans la solidarité des millions d’internautes qui ont réagi à leur douleur. L’ampleur du phénomène #MeToo prouve que notre société a dramatiquement échoué à enseigner le respect dû aux femmes et les limites appropriées concernant les relations hommes-femmes. Le harcèlement, les jeux de pouvoir où un contact intime est exigé par des hommes pour une quelconque raison, et bien sûr, toutes formes d’agression sont des outrages qui ne devraient jamais se produire.

Le moment est venu de mettre les techniques d’auto-défense davantage à la portée des jeunes filles et femmes afin qu’elles puissent s’opposer à des avances inappropriées avec une plus grande assurance. Nous devons enseigner aux jeunes filles et aux femmes que si, Dieu préserve, elles se font un jour agresser par un homme, cela n’aura pas été de leur faute. Nous devons enseigner à nos fils et nos maris l’importance d’apprécier et de respecter les femmes comme des êtres humains. Les femmes ne sont pas des jouets avec lesquels ils peuvent s’amuser à leur bon gré. Nous devons redoubler d’efforts pour leur inculquer les valeurs de la maîtrise de soi et de la discipline. Bien sûr, cela aiderait grandement si les familles ne permettaient pas l’accès à des supports de divertissement dégradants qui transforment la femme en un objet. C’est une éducation nécessaire dans toutes les communautés, y compris les communautés juives, où l’habillement et la conduite pudiques ne constituent pas de protection suffisante contre un homme déterminé à faire du mal.

La loi juive reconnaît que l’instinct sexuel est si puissant et omniprésent que nous n’osons même pas nous faire confiance pour le gérer sans instaurer des mesures nécessaires qui créent des barrières protectrices.

La loi juive reconnaît que l’instinct sexuel est si puissant et omniprésent, particulièrement auprès des hommes, que nous n’osons même pas nous faire confiance pour le gérer sans instaurer des mesures nécessaires qui créent des barrières protectrices contre nos pulsions les plus basses. Ces mesures comprennent des règles limitant les interactions sociales entre les hommes et les femmes, et interdisant à un homme et une femme qui ne sont pas mariés ou unis par un lien de parenté proche de s’isoler dans une même pièce. Les réunions de travail entre un homme et une femme ne doivent pas se dérouler dans une chambre d’hôtel. Il existe des espaces semi-privés réservées à un tel usage et les femmes devraient insister pour y organiser leurs rencontres professionnelles avec des membres du sexe opposé. Les lois de la pudeur, qui portent non seulement sur la manière dont nous nous habillons mais aussi sur celle dont nous parlons et agissons – s’appliquent autant aux hommes qu’aux femmes. La discrétion est recommandée en toutes circonstances.

Bien sûr, aucun ensemble de règles et de standards n’assure une protection infaillible contre toutes les tentatives de domination ou d’abus envers les femmes. Un individu pervers et malveillant déterminé à faire du mal trouvera le moyen de parvenir à ses fins. 

Dans un foyer juif idéal, les parents inculqueront à leurs enfants nos valeurs ancestrales qui saluent et honorent ce qui est sacré, et nous séparent du profane. L’intimité physique est censée être une activité sacrée, jamais un instrument de pouvoir ou d’intimidation. Le judaïsme prône le respect pour les femmes qu’il considère comme des partenaires à part égale avec les hommes dans la famille et dans la société. En outre, il insiste sur le haut degré de responsabilité personnelle que nous devons endosser pour chacune de nos actions, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons. Il est temps d’appliquer ces messages dans nos propres foyers et dans la société environnante.

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