Société

Pourquoi je ne touche pas les hommes

11/07/2017 | par Rachel Spangenthal

Avec une franchise rafraichissante, une jeune femme nous explique pourquoi elle ne serre pas la main aux membres du sexe opposé (et leur fait encore moins la bise...)

Mon langage amoureux a toujours été celui du contact physique. Toujours.

La chaleur des bras de ma mère alors qu’elle me protégeait des maux de ce monde. Le sentiment de sécurité procuré par la main de mon père tandis qu’il me faisait traverser des rues encombrées.

Pour moi, le contact signifiait beaucoup plus que de la simple affection.

Il signifiait que j’étais en sécurité. Il signifiait que j’étais en terrain de confiance. Il signifiait que j’étais entourée des êtres qui m’étaient chers.

Depuis, j’ai grandi. Mais le contact physique revêt encore une importance capitale à mes yeux.

L’effleurement de doigts contre une peau pourrait parfaitement s’avérer anodin ; ce pourrait même être un geste dénué de toute importance. Un contact professionnel, utile ou platonique.

L’effleurement de doigts contre une peau pourrait aussi être chargé d’une valeur sentimentale considérable ; ce pourrait être un geste doté d’une importance suprême. Un contact réconfortant. Thérapeutique. Voire sensuel.

D’ailleurs, pour la plupart des femmes, le contact est instinctif. Quand un homme vous tend la main pour serrer la vôtre, vous le regardez dans les yeux et lui tendez la vôtre. Après tout, c’est ce que font les enfants bien élevés. Mais la poignée de mains n’est pas seulement une marque de courtoisie, c’est la pierre angulaire de toute les relations.

La plupart des gens tendent la main sans y réfléchir à deux fois. Et la plupart des gens réciproquent aussitôt à ce geste. Mais en ce qui me concerne, il y a toujours cette légère hésitation.

Parce que, voyez-vous, je ne serre pas la main aux hommes. Et je leur fais encore moins la bise.

Du coup, pendant une fraction de seconde, je me tiens là de façon un peu maladroite. Tout en pesant les options qui s’offrent à moi pour expliquer mon flagrant délit de courtoisie. Vais-je tout bonnement tendre à mon tour la main et puis m’en tirer ainsi ? Vais-je annoncer que je souffre d’une sévère allergie aux membres du sexe opposé ? Ou vais-je plutôt relever les pans de ma jupe, esquisser une élégante révérence, avant d’ajouter : « je suis absolument ravie de vous rencontrer, mais, pour des raisons religieuses, je ne serre pas la main aux hommes » ?

Même un geste aussi banal qu’une poignée de mains implique à mes yeux une certaine proximité.

Si j’ai le temps et l’assurance qu’il faut, j’explique que j’appartiens au club sélect des « chomer néguia » (litt. s’abstenir de tout contact avec les membres du sexe opposé en dehors du mariage). Et que je réserve la magie du contact aux membres de ma famille proche. Si j’ai le temps et l’assurance, j’explique que j’ai forgé une sensibilité exceptionnelle envers le contact physique.

Et que, effectivement, même un geste aussi banal qu’une poignée de mains implique à mes yeux une certaine proximité.

Il y a des fois où je n’ai pas le temps. Et il y a des fois où je n’ai pas l’assurance requise pour expliquer tout cela à mon interlocuteur.

Et puis, pour tout vous dire, il y a des fois où j’ai simplement envie de me complaire dans ce sentiment de sécurité et d’appartenance.

Ce sentiment d’être en osmose avec mon corps.

Parce que le fait d’être chomer néguia fait partie de ces choses qui deviennent de plus en plus difficiles avec l’âge. C’est un défi de la condition humaine. Nous vivons dans un monde physique où le contact est un composant essentiel aussi bien de la communication que de l’attachement. Nous vivons dans un monde physique où le contact est un composant essentiel de l’affection.

Que ce soit dans l’univers professionnel, romantique ou social, le contact (ou son absence) a un impact considérable sur toutes nos relations.

Et autrefois, (quand j’étais encore jeune et alerte…), c’était bien plus facile.

Quand j’ai décidé d’être chomer, j’étais en classe de seconde. Comme beaucoup de lycéennes, j’avais des soucis avec les garçons. Mais en ce qui me concernait, le problème était plutôt l’absence de garçons dans mon entourage. Et pour cause, j’ai passé toute ma scolarité dans des écoles juives non mixtes.

J’ai donc mené ma petite vie de collégienne puis de lycéenne en ignorant délicieusement toutes les méthodes et stratégies permettant d’impressionner les membres de la gent masculine. J’allais à l’école avec des queues de cheval désordonnées. Avec des chemises blanches démodées. Avec des affreux mi-bas qui n’arrêtaient pas de retomber. Et le plus beau, c’est que cela ne me faisait ni chaud ni froid.

Je chantais à pleins poumons. Je dansais comme une folle dans les couloirs. Et j’étais bien dans ma peau. Parce qu’il n’y avait absolument personne que je devais impressionner ou séduire.

Néanmoins, l’absence de garçons dans mon entourage me dérangeait.

Sérieusement.

Parce que, après tout, j’étais une adolescente.

Pourtant, je respectais les règles. Je n’avais pas de petit copain en secret. Le soir, je ne me sauvais pas en douce de chez moi pour rejoindre les bandes de jeunes qui trainaient en ville. Parce que je tenais à faire ce que les gens que je respectais faisaient.

Cela dit, je tenais aussi à respecter ces règles parce que j’y croyais fermement. Parce que ces règles me parlaient. Parce qu’elles me plaisaient sincèrement et profondément.

Car à mes yeux, le judaïsme n’appartient pas seulement à mes ancêtres, il m’appartient à moi.

Alors j’ai fait la meilleure chose que je sache faire : j’ai posé des questions.

Je suis allée de rabbin en rabbanite, de professeur en mentor et leur ai posé les mêmes questions à maintes reprises : « Pourquoi devrais-je être chomer ? Qu’y a-t-il de si mal à ce que des garçons et des filles se touchent ? »

Et puis un beau jour, l’un de mes rabbins a poussé un soupir rabbinique et m’a répondu : « Ce n’est pas parce que le contact est si mal que nous respectons les lois de chomer néguia. C’est justement parce que le contact est si bien que nous respectons les lois de chomer néguia. »

Et de conclure :

« Parce que le contact est sacré ! »

Cette réponse a réussi à me convaincre. J’ai pris la résolution d’être chomer.

J’ai pris la résolution d’être chomer parce que, pour moi, le contact est quelque chose de magique. Parce qu’à chaque fois qu’une peau en touche une autre, une réaction chimique enivrante se produit dans le cerveau, éveillant les cœurs et les corps au rapprochement et à l’attachement.

Or j’ai eu très envie d’éprouver de telles sensations. J’ai eu très envie de me sensibiliser à ce genre de réactions. J’ai eu très envie que mon cerveau sécrète des déluges d’ocytocine au moindre contact physique.

Et j’ai eu très envie de ne pas avoir besoin de serrer l’autre dans mes bras pour éprouver cette délicieuse sensation. J’ai eu très envie de réserver la magie d’une étreinte à mon futur prince charmant.

J’ai pris la résolution d’être chomer, parce que quand vous êtes chomer, vous n’avez même pas besoin de vous toucher pour que vos cœurs palpitent. Parce qu’il y a quelque chose de délicieux à réfréner vos ardeurs pour ensuite leur laisser libre cours au moment opportun.

J’ai pris la résolution d’être chomer parce que je suis une grande romantique. Parce que j’adore Jane Austen, Edmond Dantes et Le Petit Prince. Des histoires d’amour empreintes de retenue, de limites, de courbettes, de mots d’esprit et où les sentiments évoluent lentement mais sûrement.

J’ai pris la résolution d’être chomer parce que j’ai voulu que ma toute première caresse, mon tout premier baiser, se destinent à l’homme à qui je veux unir mon destin.

J’ai pris la résolution d’être chomer parce que le contact est sacré. Parce que mon corps est sacré. Et que les choses sacrées doivent être réservées à des moments sacrés.

Parce que les choses sacrées doivent être soigneusement protégées.

J’agis ainsi parce que j’y crois sincèrement. J’agis ainsi parce que je trouve ce principe magnifique.

Je vais vous faire une confidence. Au début, c’était plutôt facile. Mais au fil des années, le défi devient de plus en plus difficile. De plus en plus gênant. Sur le plan professionnel. Émotionnel. Social.

J’hésite un peu plus longtemps quand un homme me tend la main.

Parce que, pour être honnête avec vous, j’ai presque 25 ans.

Et pourtant, comme je me le rappelle à moi-même, j’agis ainsi parce que j’y crois sincèrement. J’agis ainsi parce que je trouve ce principe magnifique.

Quelle que soit votre position face au contact avec les membres du sexe opposé, il me semble qu’un peu de retenue et d’appréciation ne pourra qu’améliorer vos relations.

Le contact doit être apprécié à sa juste valeur.

Pour la bonne raison qu’il relève du sacré.

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