Société

Autant en emporte l’ouragan

11/11/2012 | par Charlie Harary

Sandy m’a giflé de plein fouet. Et moi, j’ai décidé de ne pas tendre l’autre joue.

Mardi 30 octobre 2012, à 12:00.

— Bonjour, c’est bien le SAMU ? »

— Oui. En quoi puis-je vous aider ? »

— Il y a des tas d’eau devant ma maison. La première marche est déjà invisible, et je vois une grosse vague arriver. Je ne sais pas exactement ce qu’il se passe, mais j’ai comme l’impression qu’on ne va pas tarder à se faire engloutir par les eaux.

— Monsieur, nous avons repéré votre lieu de résidence, mais notre équipe d’urgence ne pourra pas accéder à votre rue.

Hé ! Mais j’ai cinq enfants avec moi. Je fais quoi, maintenant ?

— Nous sommes désolés, monsieur. Nous ne pouvons rien faire pour vous. Bonne chance.

Clic.

Je me tenais devant la fenêtre, mon téléphone à l’oreille, tandis que l’eau se précipitait sur les marches de notre entrée. Dans l’autre chambre, ma femme et mes cinq enfants dormaient d’un sommeil profond. Impuissant, je me suis tourné vers D.ieu pour lui demander son aide.

Découvrez Sandy, l’un des pires ouragans n’ayant jamais touché le Nord-Est des Etats-Unis. Des centaines de blessés, plus de cinquante morts. Des milliers de sans-abri. Des millions d’habitants privés d’électricité.

Alors que New York panse ses plaies, l’adage de Nietzsche passe en boucle dans mon esprit : « Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. » A en juger par la puissance de l’attaque, c’est une sacrée force que l’on devrait en retirer.

J’ai donc décidé d’en tirer mes propres leçons.

Leçon n°1: Se réjouir de la normalité

Je me rappelle d’un épisode datant de mes seize ans. C’était un samedi soir, et je tournais en rond à la maison en m’apitoyant sur mon sort, lorsque mes grands-parents nous ont rendu une visite surprise.

– Que se passe-t-il ? m’a demandé ma grand-mère, avisant ma mine défaite.

– Je passe une sale soirée, mes projets ont été annulés et je m’ennuie à mort.

Ma grand-mère qui, à mon âge, se trouvait à Auschwitz, a répliqué : « Mon garçon, qu’aurais-je donné pour m’ennuyer lorsque j’avais ton âge. »

Et vlan ! Elle n’aurait pas su mieux dire pour me remettre les pendules à l’heure.

Il est fascinant de constater que lorsque nos vies se déroulent normalement, nous nous concentrons sur ce qui nous manque. Nous passons toutes nos journées à faire à peine attention à tous les bienfaits dont nous jouissons comme la santé, un abri, une famille, l’électricité et la chaleur. Nous sommes trop occupés à courir, à téléphoner et biper, à réfléchir et nous préoccuper de ce que nous pourrions encore avoir, pour nous réjouir de tout ce que possédons déjà.

Et puis quelque chose vient menacer notre « normalité. » L’un de nos proches tombe malade. Nous sommes confrontés à la tragédie. Presque instantanément, nous changeons de perspective. Nous arrêtons de penser à ce qui nous manque. Nous arrêtons de nous préoccuper de ce qui adviendra par la suite. Nous aspirons uniquement à ce que tout rentre dans l’ordre, redevienne « normal. »

Mon expérience de l’ouragan Sandy a commencé lundi soir. Nous avions passé la journée à la maison. Le vent hurlait et les arbres tremblaient. Les lumières ont commencé à clignoter et tout à coup, ce fut le noir…

L’électricité avait été coupée. Même si on avait été prévenus, on ne peut jamais vraiment se préparer à perdre le courant. Il faisait noir. Vraiment noir. Au cours des quelques heures qui ont suivi, les effets se sont lentement fait ressentir. Pas d’Internet, de téléphones portables, de chauffage, d’eau chaude, de frigo. Nous nous sommes blottis les uns contre les autres. Je ne pouvais m’empêcher de penser, de prier, et d’implorer silencieusement un retour de l’électricité. C’est tout ce que je souhaitais. Je ne me préoccupais même pas de ce que cette électricité alimentait ; je voulais juste du courant.

L’électricité ? Qui apprécie la valeur de l’électricité ? Je n’ai jamais allumé la lumière en disant : « Ouah, le courant passe. C’est top ! »

Mais à ce moment-là, c’est tout ce que je souhaitais.

Nos Sages définissent le bonheur comme la faculté de prendre plaisir à ce que nous avons, et à ne pas éprouver de douleur quand à ce qui nous fait défaut. Des gourous de la psychologie positive comme Tal Ben Scha’har évoquent la relation scientifique entre le bonheur et la gratitude. Nous le savons tous, mais il semblerait que nous ne l’intégrions jamais à notre existence.

Nous vivons à une époque où le commun des mortels dispose de plus de luxe que l’élite des générations précédentes. Nous en avons tellement, et pourtant nous en voulons encore. Nous sommes dans l’attente de l’objet ou de la personne qui nous rendra heureux. Mais rien ne peut nous rendre heureux. Car le bonheur est un choix.

Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il ne faille pas aspirer au changement. Le progrès fait partie intégrante de la vie. Mais il faut s’efforcer de garder les choses dans leur juste perspective. Il nous faut commencer à prendre plaisir à la « normalité ». Il nous faut commencer à apprécier la vie telle qu’elle est. Il ne faudrait pas attendre un ouragan de première classe pour nous réjouir et nous éteindre quand les lumières se rallument.

Résolution n°1 : Chaque jour, relever une chose dans ma vie « normale » et en éprouver de la reconnaissance.

Leçon n°2: Croyez au héro qui est en vous.

Alors que j’observais la tempête se déchaîner à l’extérieur, la réalité m’a frappé de plein fouet. Personne n’allait venir pour nous sauver. Personne.

J’avais toujours pensé qu’y aurait quelqu’un vers qui se tourner en cas de besoin ; Un policier, un pompier, un médecin, un parent ou un ami. Il suffit d’un coup de fil pour que les renforts arrivent.

C’était faux.

Dans ce cas précis, personne ne pouvait voler à mon secours.

Et soudain, une pensée m’a traversé l’esprit. Personne n’est jamais seul. D.ieu n’est pas dans le ciel à observer de haut la terre. Il est infini et présent partout, dans chaque parcelle de réalité. Il n’est pas seulement « là-haut », Il est « ici », le ciment qui nous lie ensemble. Nous possédons tous une réserve de force, de sagesse et de ténacité que nous pouvons exploiter. Il est avec nous, toujours. Et à ce moment là, j’ai prié pour trouver cette étincelle de divinité en moi, ici et maintenant.

Une idée m’est venue. Prends ta famille et enfuie-toi par l’arrière cours. Mais avant de les réveiller, je devais m’assurer que j’avais un endroit où aller.

J’ai dévalé les escaliers en courant, et je suis sorti par la porte de la cour arrière. J’ai sauté une barrière, foncé à travers des bosquets d’arbres et je me suis trouvé dans l’arrière-cour d’une maison qui donnait sur une autre rue. J’ai aperçu une fenêtre et j’ai frappé jusqu’à ce qu’on m’entende.

Par bonheur, les habitants se trouvaient chez eux et ils étaient prêts à m’aider. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’ai couru chez moi, réveillé ma famille et je les ai escortés l'un après l’autre jusqu’à l’autre maison

En même temps, je suis conscient que ma propre réaction fut dérisoires comparée au courage, à l’héroïsme et à la force dévoilés pendant l’ouragan Sandy.

Tout au long de l’ouragan, des milliers de personnes « ordinaires » ont exploité des ressources internes qu’elles n’avaient peut-être jamais soupçonnées. Des médecins et des infirmières ont déplacé des ailes d’hôpital et sauvé des vies. Des policiers et des pompiers ont nagé, couru et ramé pour sauver des individus dont les maisons étaient inondées. Des voisins, des amis et des personnes tout à fait inconnues ont littéralement sauvé la vie d’autres

Pourquoi ? Ce n’est pas parce que la crise fait naître des héros. C’est parce que la crise permet aux hommes de faire ressortir l’héroïsme qui dort en eux.

Nous sommes créés avec une âme divine. À l’instar d’un puits, plus nous puisons, plus nous reconnaissons sa profondeur. Parfois, il faut une tragédie pour nous révéler à quel point nous sommes bons, bienveillants et généreux. Parfois, il faut une tragédie pour souligner le courage, la bravoure et la force qui sommeillent en nous.

Résolution n°2: Osez l’excellence. Chaque jour, fixez-vous un objectif au-delà des limites perceptibles et tentez de l’atteindre. Surpassez-vous pour découvrir votre potentiel réel.

Leçon n°3: Restructurez votre existence pour l’aligner avec vos priorités

Le célèbre auteur et orateur Dr. Stephen Covey,dirigea un séminaire où il invita les participants à placer des pierres de différentes tailles dans un seau. Après de nombreuses tentatives manquées de faire entrer toutes les pierres, Covey fit la démonstration. Il commença par les grandes pierres et après les avoir placées soigneusement, il parvint à toutes les insérer. Il se tourna vers son public et lança : «  Si vous ne placez pas les grosses pierres en premier, vous n’arriverez jamais à les y placer. »

Combien de fois nous sentons-nous au comble de la joie, mais insatisfaits ? Occupés, mais sans maîtrise de notre vie ? Nous ressentons que la vie devrait être différente de son cours actuel. La raison tient à ce que souvent, nos vies ne s’alignent pas avec nos priorités. Nous sommes déséquilibrés et nous le ressentons.

Rien de mieux qu’une crise pour réaligner nos actes avec nos priorités.

Après avoir mis les miens en sécurité, je suis retourné chez moi pour chercher quelques objets de première nécessité. Sur le chemin du retour, j’ai évalué les dégâts. Ma voiture était sous l’eau, ma maison se remplissait d’eau. Je me suis rendu compte que cet ouragan allait peut-être me ravir tous mes biens.

J’essayais d’être contrarié, mais je n’y arrivais pas. Je ne m’en souciais pas. Pas le moins du monde. Je savais que le lendemain, je m’en préoccuperais, mais ce soir, j’avais des choses plus importantes en tête. Je me suis dépêché de prendre des couches, de l’eau, des chaussettes et des pyjamas et me suis hâté de retrouver ma famille. Les affaires ne sont que ce qu’elles sont, des affaires. Ce soir-là, elles ne faisaient pas partie de mes priorités.

Combien de fois devons-nous retarder notre retour à la maison en raison de nos obligations professionnelles ? Combien de conversations avons-nous manquées bien que nous fussions présents, au sens physique ? Combien de membres de notre famille reçoivent-ils moins d’attention que nos loisirs ?

Et on se demande pourquoi l’on se sent insatisfait…

Dans mon quartier, il y a une famille qui a été réveillée par le bruit de l’eau déferlant dans sa maison. Ils ont été forcés de se réfugier dans le grenier jusqu’à l’arrivée des secours, quelques heures plus tard. Le lendemain, j’ai aperçu le père marcher avec ses enfants. Il portait un sac de sport avec les seuls biens qui lui restait au monde. Sa maison était sous l’eau. Je lui ai demandé comment il allait. Il m’a répondu : « D.ieu merci, tout va pour le mieux ! » Devant mon étonnement, il a jugé bon de préciser: « Je ne suis plus sûr d’avoir une maison, mais j’ai ma femme et mes enfants. C’est tout ce qu’il me faut. »

Résolution 3: Chaque jour, serrez dans vos bras chacun de vos enfants. Téléphonez à l’un de vos proches pour lui dire que vous l’aimez.

Leçon n°4: Le don est ce qui fait tourner le monde

« Le monde a été construit sur la bonté » (Psaumes 89:3)

Alors que nous étions confortablement installés dans le salon de nos voisins, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. Nous étions pratiquement des étrangers. Et pourtant leurs marques chaleureuses de soutien étaient étonnantes. Nous nous sentions aussi bien que chez nous. Ils nous ont offert de la nourriture, de l’eau et des couvertures. Avec notre joyeuse troupe, nous avons fait pas mal de désordre et de grabuge, et cela ne les a pas gênés pour un sou.

Donner est plus agréable que prendre, car le don est une qualité divine, et plus nous agissons comme Dieu, mieux nous nous sentons.

Il y a quelque chose dans la tragédie qui fait ressortir le meilleur de nous-mêmes. En temps « normal », il est facile de se concentrer sur les différences. Il est facile de se retrancher et de se protéger. Mais lorsque notre normalité est menacée, nous réalisons que nous avons besoin les uns des autres. Nos différences sont éclipsées par nos ressemblances. Nous sommes libres d’exprimer notre véritable intériorité. Nous sommes libres de donner.

Le lendemain de l’ouragan, je marchais dans la rue. Les gens étaient dehors et se proposaient des coups de mains. On partageait nos pompes à eaux et nos aspirateurs et des aspirateurs. Une femme, dont la maison avait été épargnée, sillonnait les rues en voiture pour proposer des vivres. Une autre a déposé une pizza chez nous. Le soir, un copain est passé pour nous prêter des chauffages d’appoint. Des familles ont ouvert leurs maisons à d’autres. Les téléphones n’arrêtaient pas de sonner pour relayer les messages d’encouragements.

Résolution n°4: La prochaine fois que l'occasion de donner se présentera devant moi, je donnerai sans compter.

Mardi, 30 octobre 2012, à 9:00

Je sors de ma maison pour évaluer les dégâts. Les rues sont encore submergées d’eau. Des bateaux de la garde côtière évacuent des gens de leurs maisons. Des sirènes hurlent dans les rues.

Et maintenant, Papa, où fait quoi ? m’a demandé mon fils.

Il n’y a plus qu’un endroit où aller, lui ai-je répondu.

Où cela ?

De l’avant !

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