Ce Qu'en Dit Une Mère Juive

Ressentir la Peine

07/08/2011 | par Aish.fr

Depuis sa disparition, la douleur me poursuit partout où je vais.

Dans un mariage juif, on attend toujours que le marié casse le verre traditionnel. Tout le monde s’écrie alors : Mazel Tov !, et la fête commence… 

Bon d’accord, tout le monde sait que briser le verre vient rappeler la destruction du Temple de Jérusalem. N’est-ce pas ce dit toujours le rabbin officiant ? Parfois, on aura fait attention à ce qu’il a dit lorsqu’il a parlé d’une joie qui n’est jamais complète tant que le Temple est détruit. Peut-être avons-nous même versé une larme lorsque l’orchestre a entamé ‘ Si je t’oublie Jérusalem…’ Mais nous sommes vite passés à autre chose. 

Il n’y a rien de mal à passer à autre chose. Nous sommes dans une Sim’ha après tout, on doit y réjouir le ‘Hatan et la Calla. 

Mais le sentiment que quelque chose manque, la douleur de la perte devraient être vrais. Ça peut être bref, mais ça ne doit pas être superficiel. 

Nous nous mettons à chanter et à danser parce que nous sommes vraiment heureux pour nos proches, pas seulement parce que c’est la partie la plus amusante de la soirée. Peut-être le faisons nous parce que notre joie présente est plus réelle, elle est là, tangible, sous nos yeux. Le deuil est moins concret, plus passager, moins ressenti. 

Alors nous nous tournons vers ce que nous pouvons le plus facilement appréhender. On danse, on chante, on se félicite, on mange, on réjouit les mariés, c’est ce qu’on est censé faire. Et on oublie, pour peu qu’on s’en soit jamais souvenu, que notre Temple est détruit. 

J’étais comme ça moi aussi. Le Temple, la douleur ? Des concepts tout ça. Aucune ombre ne venait ternir ma joie. Comment aurais-je pu ressentir cette douleur immémoriale ? 

Mais je ne suis plus comme ça. Depuis que ma petite-fille est décédée en bas âge, la douleur m’accompagne partout où je vais. La perte est toujours présente. Parfois elle se cache dans les profondeurs de mon âme, pour mieux ressurgir sans prévenir. 

Et paradoxalement, c’est précisément dans les mariages qu’il lui arrive de refaire surface. C’est quand j’ai la joie d’être en famille, au milieu des enfants, des petits-enfants, des oncles, des tantes, des cousins venus pour la sim’ha, que je ressens cette perte le plus intensément. J’ai conscience de celle qui manque. La douleur ressurgit, inexpugnable. 

Et je me dis alors, après que je sois parvenue à contrôler mes émotions et que j’aie réussi à afficher un semblant de sourire, que c’est ce que je devrais ressentir pour la destruction de notre saint Temple. 

C’est là, à l’orée de notre conscience, que le sentiment de cette perte doit se trouver, prêt à surgir dans nos joies, nos peines, et dans tout les instants de notre vie. 

Dansons joyeusement dans les mariages, en toute liberté et avec le plus grand plaisir. Mais nos émotions doivent toujours être marquées par cette tragédie inachevée de l’histoire juive. A la manière dont le souvenir de ma chère petite-fille Rina vient sans cesse tempérer mes joies. Jamais je ne verrai un verre se briser sans être triste.

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