Odyssées Spirituelles

Chabbat version égoïste

02/05/2013 | par Sarah Zeldman

Je croyais à peine en l'existence de Dieu lorsque j'ai commencé à observer le Chabbat. Je ne l’ai fait que pour une seule raison : j’étais égoïste.

J’aurais tellement aimé pouvoir dire que j'ai commencé à observer Chabbat du fait de ma grande spiritualité, d’un appel irrésistible qui ne me faisait aspirer qu’à une chose, communier avec Dieu. Mais ce serait mentir. Je croyais à peine en l'existence de Dieu quand j'ai commencé à observer Chabbat.

J’aimerais aussi pouvoir dire que j'ai commencé à observer Chabbat après avoir connu d’autres expériences vraiment sympas comme méditer avec des bouddhistes ou danser avec des soufis. Mais cela aussi serait mentir. Je ne me suis pas lancée à la découverte d’autres religions en quête de vérité spirituelle avant d’explorer le Judaïsme.

Je n'ai commencé à observer Chabbat que pour une seule raison. J'étais égoïste.

J'ai regardé autour de moi et j'ai vu parmi mes amis et ma famille des gens qui ne savaient jamais quand s’arrêter de travailler. Ils étaient sans cesse en mouvement, à la poursuite de quelque chose, de la Réussite avec un grand R. J’ai vu ces amis déprimés et perplexes: « Serait-ce là tout ce que la vie a à offrir? » Mais ils ne formulaient pas vraiment cette question, ils la réprimaient chacun à leur manière, car ils ignoraient comment faire pour trouver les réponses.

J'ai vu des familles se disloquer, des relations partir en lambeaux, s’effilocher, en partie à cause de leur dévotion à la « poursuite du Bonheur » (traduisez par confort matériel) au détriment d'un réel intérêt pour leur vie familiale et leur épanouissement spirituel. Et j'ai vu un monde qui reflétait de plus en plus tragiquement les conséquences de ces décisions.

Alors j’ai commencé alors à observer Chabbat parce que je voulais une vie meilleure.

Un week-end ennuyeux

Mais faisons d'abord un petit retour en arrière. J’ai fréquenté jusqu'à l'âge de 12 ans une école juive où je reçus une éducation traditionnelle. Ma famille faisait parfois les diners du vendredi soir, mangeait cacher à la maison, et respectait les fêtes juives. J'aimais bien être juive, mais on ne peut pas dire que le Judaïsme faisait vraiment partie de ma vie quotidienne.

Après ma Bat Mitzvah, tout ce que nous faisions ou presque fut relégué au second plan, jusqu'à mon entrée à l'université. Là, j'ai commencé à participer aux activités des associations juives sur le campus (où d'autre pourriez-vous avoir une chance de rencontrer des jeunes gens juifs bien comme il faut ?). Je n'étais pas pour autant très motivée par le Judaïsme en lui-même. Mon opinion était que j’avais déjà goûté au Judaïsme un peu par-ci, par -là, j’avais déjà donné et cela ne s’était révélé ni très intéressant ni particulièrement stimulant. Comme c'est souvent le cas pour ceux qui n’ont suivi que des cours basiques sur le Judaïsme, mes connaissances en la matière datant de mon enfance ne répondaient en rien à mon attente en tant qu’adulte. Je pensais connaitre plus ou moins tout ce qu'il y avait à savoir sur le sujet.

Puis un jour je suis tombée sur un livre du rabbin Joseph Telushkin intitulé Le Grand Livre de la Sagesse Juive. Tout s’en trouva changé. Je compris de ce livre qu'il y avait énormément de choses que je ne connaissais pas dans le Judaïsme, qu'il s’y trouvait un véritable trésor de sagesse qui n'attendait pour le découvrir qu’un geste de ma part, que je veuille bien ouvrir un livre ou poser des questions.

J'en ai donc posé, une, dix, cent. J'ai parlé à toutes sortes de gens, de toutes tendances, de tous courants du Judaïsme: reconstructionistes, réformés, conservateurs - même ces étranges orthodoxes avec lesquels mon père était en relation pour son travail. J’ai assisté à des programmes d’études et je lisais, lisais, lisais, livre après livre. Au bout du compte, je ne pouvais plus me défiler des invitations d’amis religieux .Je les rejoignis donc pour passer un Chabbat en leur compagnie.

Ce que j’ai vu m'a vraiment ému aux larmes.

Je me souviens du trajet en voiture pour m’y rendre. Je repassais dans ma tête ma liste pour être sûre de ne rien oublier: « Bon, se rappeler que ces gens sont orthodoxes, donc porter une jupe, surveiller mon langage, ne pas allumer ni éteindre les lumières, essayer de faire mon possible pour garder le sourire et en finir le plus vite possible avec ce week-end ennuyeux. »

Mais ce que j'ai trouvé sur place fut tout sauf ennuyeux. Ce que j'ai vu m'a vraiment ému aux larmes. J'ai vu une famille, une vraie famille et pas seulement un groupe de personnes avec des liens de parenté. J’ai vu une famille composée d’individus qui nouaient une relation sincère les uns avec les autres. J'ai vu une famille véritablement unie par le fait de savoir que durant les prochaines 24 heures, ses membres n’auraient nulle part où aller et s’investiraient donc totalement dans leur relation - pas de dossier à étudier, de travail à finir ni de cuisine à faire, aucun coups de fil à donner, personne à rappeler.

J’ai perçu dans les yeux des enfants, une innocence et une sécurité que je n’avais jamais vues auparavant. J'ai ressenti le bonheur et la sérénité émanant des parents, qui sont si rares de nos jours. Tout le monde et toute chose avait revêtu un air de fête en l’honneur du Chabbat. Une atmosphère de liberté insouciante flottait dans l'air, évoquant la libération du mondain, de la banalité. J'ai alors compris pourquoi il est dit que le « Chabbat garde davantage les Juifs que les Juifs ne gardent le Chabbat ».

Toutefois, admirer la signification de Chabbat et respecter toutes les lois qui contribuent à créer cette atmosphère si particulière sont deux choses différentes. Je finis par me convaincre qu’il me fallait intégrer le Chabbat dans ma vie, tant pour moi que pour ma future famille. Cette décision me fit déclarer à une amie religieuse lors de ma première année d’université: « Ecoute, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle: la bonne nouvelle est que je veux commencer à faire Chabbat. La mauvaise est que je ne commencerai qu’après avoir reçu mon diplôme! »

De toutes les Mitzvot, seul le Chabbat m’intéressait. Je ne voulais respecter que cette Mitzvah, Chabbat et seulement Chabbat – un peu comme si je choisissais un plat dans un menu. Un Chabbat s’il vous plait sinon rien.

C'est alors que mon voyage a vraiment commencé, car au lieu de me contenter de lire des informations sur le Judaïsme, je pouvais enfin le vivre, étape par étape. Le premier Chabbat après ma remise de diplôme, je suis restée chez moi. Je ne suis pas allée faire des courses, je ne suis pas allée voir un bon film au cinéma, je ne suis pas sortie non plus avec des amies. Je suis restée à la maison à faire la cuisine, monter mes meubles et regarder la télévision - beaucoup de choses qu'un Juif pratiquant ne ferait pas le Chabbat! Mais quoiqu’il en soit, je ne suis pas sortie et c’était à mes yeux l’essentiel.

Après quelques semaines d’un tel programme, une amie m'a dit: « Sarah, c'est bien de faire ce que tu fais, mais Chabbat ne se réduit pas à s’abstenir de faire des choses. Chabbat, c'est aussi faire des choses, d’autres choses. Pourquoi ne vas-tu pas à la synagogue la semaine prochaine? »

Je me noyai dans un océan d’Hébreu.

Le Chabbat suivant, je me rendis à pied à la synagogue, où je me noyai dans un océan d'Hébreu. Il me tardait d’entendre les gens chanter les quelques prières qui m’étaient familières et avec lesquelles j avais grandi, notamment « Alénou », la prière qui clôture l’office. Non pas parce que je l'aimais tout particulièrement mais parce que la récitation d’« Alénou » était le signal que l’office allait bientôt se terminer.

J'ai survécu. Mais cette expérience eut une conséquence inattendue: Avant même de savoir mon nom, de nombreuses familles commencèrent à m’inviter pour le diner ou le déjeuner de Chabbat, et aussi pour Pessah et Hanouka de l'année prochaine au cas où je serais toujours libre! C'était tout à fait nouveau pour moi. Je me demandais, très étonnée: « Qui sont donc ces gens et comment peuvent-ils m'inviter, moi, une parfaite étrangère, dans leur maison? »

Ma première réaction aurait été plutôt de leur répondre : « Euh ... je peux voir vos papiers, s'il vous plaît? » J’appris plus tard qu’il s’agissait là d’une pratique courante et tout à fait naturelle pour ceux qui suivent les préceptes de la Torah. Hachnassat Orchim, accueillir des invités, est en effet une Mitsvah très spéciale qui me facilita grandement mon processus du respect du Chabbat. Je me rendais chez ces familles Chabbat pour le déjeuner et j’y passais un moment agréable. Puis, je rentrais chez moi et allumais toutes les lumières – juste pour me prouver que rien ni personne ne pouvait m’empêcher de le faire!

En l’espace d’un an, j'ai cessé d'allumer la lumière, d'utiliser le téléphone pour finalement totalement respecter le Chabbat.

J'avais été fidèle à la promesse que je m’étais faite durant mes études et j'avais accompli mon objectif : j’observais le Chabbat. Cela aurait du se terminer là. Pourtant j’ai continué. Tout comme une simple goutte d'eau qui tombe régulièrement peut au bout d’un certain temps faire un creux dans un rocher, la Torah elle aussi peut pénétrer dans le cœur de quelqu’un d’aussi têtu que moi.

Après avoir côtoyé chaque Chabbat des familles pratiquantes, il était temps, après un an, de passer à l’étape suivante. Si le respect d’une seule Mitsvah avait réussi à tant m’apporter dans ma vie personnelle et familiale, que dire alors des autres Mitsvot. Bien entendu, je n’allais pas pour autant faire les Mitsvot qui, à mon sens, ne m’apporteraient rien de plus dans ma vie, ou celles qui pouvaient s’avérer trop difficiles. Je vous avais prévenu que j'étais égoïste et que ma décision de devenir religieuse n'avait rien à voir avec Dieu.

J’avais l’impression d’être terriblement hypocrite. Je faisais ces Mitsvot sans avoir la moindre foi en Dieu.

Mais je découvris bientôt que je n’allais plus pouvoir ignorer Dieu plus longtemps. J’avais l’impression d’être terriblement hypocrite. Je faisais ces Mitsvot sans avoir la moindre foi en Dieu, ou pour être plus exacte, j’étais remplie d’énormes doutes et de craintes concernant le Créateur de l'univers. Je me rendais pourtant régulièrement dans des familles qui avaient une foi à toute épreuve et entretenaient un lien profond avec Dieu. Il était donc temps d'aller plus loin dans mon exploration. J’étais consciente du problème auquel je risquais de me trouver confrontée : si je persistais à ne choisir que les Mitzvot qui me convenaient, ne faire que ce qui me plaisait, tous les changements positifs que j'avais constatés dans ma vie n’allaient pas pouvoir durer. De plus, je ne serais certainement pas non plus en mesure de les transmettre à la génération suivante.

C'est ainsi que je pris la décision de me rendre en Israël pour étudier dans une Yeshiva. Je me lançai dans une quête pour trouver des réponses à mes questions et briser les murs de doute et de peur qui se dressaient sur mon chemin, entravant ma relation avec Dieu. Le chemin qui me mena de celle que j'étais en montant dans l’avion à la femme que je suis devenue aujourd'hui, ne fut pas de tout repos. Il fut long certes, mais aujourd’hui je suis une femme qui parle à Dieu quotidiennement et Lui demande de la guider et lui donner de la force.

Un peu plus près du but

Je rencontre souvent des jeunes d’une vingtaine d’années et je me revois au même âge. Je brûle de partager avec eux ce que je mis longtemps à découvrir. Je souhaite tant leur dire gentiment: « si vous pensez tout savoir sur le Judaïsme, détrompez-vous. Le plus grand des rabbins lui-même ne sait pas tout sur la Torah. Lisez des livres ou mieux encore, assistez à des cours. Ne vous fiez pas à ces quelques connaissances du Judaïsme qui remontent à votre enfance. Investissez-vous maintenant, en tant qu’adulte, pour étudier et mieux comprendre. Vous serez surpris par l’étendue de ce que vous ignoriez mais également de ce que vous pensiez savoir.

Commencez par une Mitsva.

Vous trouvez, tout comme moi, que les Mitsvot sont merveilleuses et vous souhaitez qu’elles fassent partie de votre vie ? En même temps vous vous sentez intimidés par leur nombre et leur complexité ? Je vous suggère alors de commencer par une seule Mitsvah. Apprendre à vivre selon la Torah doit se faire graduellement, en faisant preuve d’une certaine mesure. Il ne s’agit nullement de faire « tout ou rien ». Commencez là ou vous voulez. Apprenez par cœur une bénédiction et récitez-la à chaque opportunité. Cessez de faire votre ménage Chabbat. Prenez l’engagement de mieux connaitre la Torah.

Surtout , et c’est le plus important, continuez à penser, réfléchir, apprendre et poser des questions. Si vous faites un pas, même minime, vers Dieu, alors c’est grâce à Sa force et à Son amour, contenus dans les Mitsvot, que vous pourrez faire reste du chemin.

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram