Odyssées Spirituelles

Comment j'ai dissipé le brouillard de ma dépression

26/05/2015 | par Aish.fr

Les antidépresseurs n'ont fait qu’apaiser ma douleur. En revanche, l'apprentissage du bonheur ne dépendait que de moi...

Chez nous, la dépression est une histoire de famille. Mais cela n’en reste pas moins une maladie sournoise qui avance masquée, et surtout sans être nommée. Quand j'étais petite, personne ne disait que mon père était dépressif – on le disait juste un peu "déprimé". Quant à ma grand-mère, qui ne tenait pas en place même pour préparer un repas, elle était simplement qualifiée d'excentrique.

Mais des dépressifs cliniques ? Pensez-vous, pas chez nous

Arrivée à l'âge adulte, je me suis frayée tant bien que mal un chemin dans le brouillard d'une lancinante douleur émotionnelle. J'étais constamment taraudée par des pensées négatives : je ne valais rien, j'étais paresseuse et stupide, et rien ne pouvait changer cela. Je n'envisageais aucunement que quelqu'un puisse m'aimer; je ne m'aimais pas moi-même. Malgré tout, je n'ai jamais vraiment pensé au suicide. Mais si j'avais pu me procurer une gomme cosmique géante, je me serais volontiers effacée de la surface du monde.

Respectueuse de la tradition familiale, je ne prononçais jamais le mot "dépression". Je répétais à qui voulait l'entendre que j'avais un tempérament d'artiste.

Respectueuse de la tradition familiale, je ne prononçais jamais le mot "dépression". Je répétais à qui voulait l'entendre que j'avais un "tempérament d'artiste", élégante expression qui ornait d'une plume créative un bien sinistre état d'esprit.

Pour couronner le tout, j’ai dû affronter de très graves difficultés dans ma vie. Mon époux souffrait d'un cancer. Il s'est pourtant battu pendant de longues années, mais les traitements ont échoué. Nos enfants étaient encore petits quand leur père s'est éteint.

Pendant un temps, j’ai mis mes humeurs changeantes sur le compte de cette terrible tragédie. J'étais une maman de trois enfants, veuve à 34 ans ; n'importe qui aurait perdu la joie de vivre dans de telles circonstances ! Mais au fil du temps, le prétexte ne tenait plus la route.

Un beau jour, je me suis tout simplement effondrée. Je suis restée assise sur la même chaise, en pleurant, pendant trois jours d'affilée, sans raison particulière. Mes enfants ont bien essayé de dissimuler leur angoisse, mais je me rendais compte que ma dépression allait leur causer préjudice. Alors j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant : je suis allée consulter un spécialiste.

Il m'a posé des questions, m'a soumise à des tests, et m'a finalement prescrit un antidépresseur. Je savais que j'en avais besoin, mais pourtant j'avais honte de ne pas être assez forte pour combattre ma dépression sans médication.

Le psychiatre n'a pas du tout goûté ma remarque. Il m'a répondu très fermement : "Votre dépression provient probablement d'un déséquilibre chimique. Ce genre de "fracture" est aussi réel qu'une jambe cassée."

C'est donc à contrecœur que j’avalais mon médicament chaque matin. Une semaine ou deux plus tard, ma vie a commencé à changer. La douleur intérieure avait disparu, évaporée comme la rosée. Soudainement je pouvais ressentir du plaisir dans des choses simples : être avec mes enfants, préparer le dîner, faire une promenade.

Cela paraissait miraculeux, mais ce n'était pas artificiel. J'avais eu peur que les médicaments me contrôlent, m'assujettissent à une fausse gaieté frénétique, mais ce ne fut pas le cas. Le médicament a simplement mis fin à cette douleur émotionnelle continue et a nivelé mes émotions. J'étais encore moi-même.

En fait, pour la première fois de ma vie, je pouvais réellement être moi, sans pensée négative ni revirement d'émotions. J'étais enfin maitre de moi-même.

Médication et spiritualité

Pendant quelques années, tout allait très bien. Je m'étais rapprochée d'une communauté juive orthodoxe et je devenais petit à petit plus pratiquante. Beaucoup d'aspects de ma vie ont changé ; j'ai décidé de manger cacher et de respecter les mitsvot – et j'ai adoré cela !

J'étais tellement enthousiaste qu'en fait, j'ai arrêté de prendre mes médicaments. J'avais bénéficié de cette béquille chimique pendant deux ans, mais je pensais que la dépression était désormais derrière moi. De plus, me disais-je, maintenant que Dieu fait partie de ma vie, de quoi pourrais-je avoir besoin ?

"Quel Juif peut avoir besoin d'être sous médicament pour être heureux ?"

Pendant un certain temps, tout continuait à baigner. Mais peu à peu, mes humeurs ont recommencé à fluctuer, et je me suis finalement à nouveau retrouvée dans le cabinet du médecin. Si je m'étais sentie coupable lors de la première visite, je me trouvais cette-fois-ci submergée de honte. Non seulement j'étais faible, mais j'avais déçue Dieu par-dessus le marché.

Je parlais de cet échec à mon rabbin : "Quel Juif peut avoir besoin d'être sous médicament pour être heureux ?"

Il m’a répondu alors quelque chose de très semblable à ce que le médecin m'avait dit : "Si vous aviez un cancer, que Dieu préserve, prendriez-vous un traitement ?". Tandis que j'acquiesçais, il a poursuivi :"Où est la différence ? Vous avez un problème médical. Dieu vous demande de prendre soin de vous. En réalité, c'est même l'une des 613 mitsvot."

J'avais confiance en mon rabbin ; aussi ai-je décidé de suivre son conseil. En outre, je commençais à réaliser que, avec ou sans antidépresseur, il me fallait encore apprendre à être heureuse.

Je n'avais en fait jamais envisagé l'idée que j'étais responsable de mon propre bonheur. Quand le brouillard de la dépression s'est dissipé pour la première fois, j'avais attendu passivement que le bonheur survienne. Comme ce ne fut pas le cas, j'étais frustrée et en colère. Je réalisais finalement que les médicaments apaisent la douleur, un point c'est tout. Le reste dépendait de moi.

Pourtant je me suis indignée lorsque j’ai entendu pour la première fois que le bonheur était une affaire de volonté. Et ce d'autant plus que cela s'adressait directement à moi. J'étais en train d'égrener à une amie la liste de mes ennuis : l'un de mes enfants ne faisait rien à l'école, mon salaire était insuffisant, et, cerise sur le gâteau, ma voiture était bonne pour la casse !

J'étais d'une humeur massacrante, et il y avait de quoi ! En réalité, je "kiffais" ma mauvaise humeur. Eh bien mon amie a cassé la magie de l'instant, en me lançant :"Sache que le bonheur ne dépend pas des circonstances. Tu peux choisir d'être heureuse, figure-toi".

J'ai ouvert des yeux ronds comme des soucoupes ; je ne comprenais rien à ses propos, qui me semblaient être du charabia New Age. Moi ? Choisir d'être heureuse ? L'idée ne m'était jamais venue à l'esprit.

C'est alors que j’ai entendu parler de Brouria.

Ce fut à l'occasion d'un cours de Torah. Le rabbin expliquait qu'il y avait une véritable mitsva de se réjouir le jour du Chabbath. Et me voici de nouveau confrontée à l'idée qu'on pouvait "commander" le bonheur, même pour une journée. Le rabbin raconta ce qui suit pour illustrer son propos :

Brouria vivait à l'époque du Talmud. Son mari, Rabbi Méir, était à la synagogue lorsque leurs deux fils décédèrent pendant Chabbath. En l'honneur de ce jour saint, Brouria ne prit pas le deuil. Lorsque Rabbin Méir revint de la synagogue après la sortie du Chabbath, Brouria dut lui annoncer la terrible nouvelle.

Elle ne lui dit pas que leurs fils étaient morts. En fait, elle interrogea Rabbi Méir au sujet d'un objet prêté par un tiers, lequel lui demandait de le lui rendre.

Son mari lui répondit que bien évidemment, elle devait rendre l'objet en question.

C'est alors qu'elle lui annonça que Dieu avait rappelé à Lui leurs deux fils.

"Soyons sérieux, dis-je au rabbin à la fin du cours, ses fils sont morts et elle n'a pas versé une seule larme ? En l'honneur de Chabbath ?"

Mon rabbin me répondit avec tact, en précisant que la plupart des personnes ne jouissaient pas d'un tel niveau spirituel. "Mais cette histoire nous enseigne que nous avons le devoir d'être heureux notamment le jour de Chabbath."

Puis il me confia une mission : découvrir ce que l'Éthique des Pères disait du bonheur. Dès que je suis rentrée à la maison, j'ai ouvert un exemplaire de cet ouvrage.

Voici ce que j'y ai lu : "Qui est riche ? Celui qui est heureux dece qu'il a" (Ethique des Peres 4:1)

Si je dois attendre que ma vie soit parfaite, je ne serai jamais heureuse

Etre heureux avec ce que l'on a ? Et si l'on a un enfant handicapé, ou des dettes par-dessus la tête, on peut en être heureux ? De qui se moque-t-on ?

Soudain, mon esprit a été frappé d'une fulgurance. Si je dois attendre que ma vie soit parfaite, je ne serai jamais heureuse. Je dois décider d'être heureuse, coûte que coûte.

La décision d'être heureux

J'avais appris que la Torah nous ordonne d'être heureux. Ce qui implique le fait que le bonheur soit sous mon contrôle. Dieu n'exige jamais des hommes ce qui leur est impossible de faire. En l'occurrence, la Torah rapporte que le peuple juif a été puni, non pas d'avoir fauté, mais de ne pas avoir observé les commandements pins dans la joie.

J'ai donc pris une grande décision ; je serai désormais heureuse.

Ma décision ne m’enchantait guère mais je décidais de jouer le jeu.

Désormais, quand je me réveillais de mauvaise humeur - ce qui m'arrivait très souvent  - je choisissais délibérément de sourire et de me réjouir.

Cela m'a demandé un peu d'entrainement. Pas évident de se réveiller ronchonne et de se répéter "Sois heureuse !" Surtout qu'une petite voix exaspérée intervient alors en précisant : " Mais je ne suis PAS heureuse !" Souvent le débat s'arrêtait là et je passais le reste de la journée dans mon habituelle panique émotionnelle.

Néanmoins, petit à petit, j'ai appris à m'habituer au bonheur. J’ai acheté un marqueur effaçable et j’ai maculé les miroirs et les fenêtres de mon appartement de citations sur le bonheur. "Qui est heureux ? Celui qui est content de ce qu'il a" : voilà ce que je lisais dès mon réveil sur le miroir de ma chambre à coucher. Quand je me dirigeais, encore groggy de sommeil, vers la cuisine, la porte coulissante du couloir me renvoyait cette magnifique apostrophe de Tolstoï : "Si vous voulez être heureux, alors soyez-le !"

Et ça a marché ! Mon attitude allait en s’améliorant. J'étais plus calme et moins prompte à m'énerver sur les petites choses. Je me sentais mieux. Plus heureuse.

Certes il restait des sujets qui me renvoyaient illico à mon déséquilibre émotionnel. La plupart d'entre eux avaient maille à partir avec le contrôle. J'AIME maitriser. Je VEUX être en position de contrôle. Et quand je ne le suis pas, quand d'autres personnes ont l'aplomb de me gêner, cela me met en rogne.

Quelques exemples entre cent : je m'énerve aux feux rouges interminables, et invective d'adjectifs pers les automobilistes trop lents à mon goût. Je soupire lourdement — et souvent — quand je suis dans une longue ligne d'attente à la banque. Je tape impatiemment du pied quand un vendeur ne m'a pas vu tout de suite et me plains vertement du service le cas échéant.

Le problème est que j'entends contrôler des situations plus complexes. Par exemple, la classe de ma fille devait partir en voyage, aventure annuelle pour laquelle j’étais au départ favorable. Puis les manifestations de violences se sont multipliées sur place au point que l’on craignait une véritable escalade.

D'un côté, je ne voulais pas être LA mère juive qui empêche sa fille de partir, mais de l'autre, j'étais inquiète. J'avais déjà perdu mon mari ; il était inimaginable que je risque de perdre ma fille aussi.

Ma fille l’a pris avec philosophie : "Maman, rien de mal ne peut m'arriver, Dieu veille sur moi".

C'est exactement le genre de phrase à laquelle j'adhère… quand je suis en train de prier à la synagogue. Mais ma fille, elle, avait la force de la ressentir dans la vie "réelle", à la maison, face à une situation risquée.

Finalement, elle a participé à ce voyage, et y a pris beaucoup de plaisir. C'est après cet épisode que je commençais à travailler sur ma émouna, c'est-a-dire ma confiance en Dieu, car je réalisais que la émouna est une composante intrinsèque du bonheur.

Je comprenais finalement que la croyance et la confiance en Dieu étaient en fait LE secret du bonheur. Dans la mesure où Dieu dirige le monde — et qu'Il désire le meilleur pour Ses enfants —, alors tout ce qui nous arrive est pour notre bien. Tout.

C'était une idée révolutionnaire, et l'effet a été libérateur.

Certes, l'on se doit de faire tous les efforts visant à atteindre un certain but. Mais au-delà de ça, la réussite est dans les mains de Dieu. Dans la mesure où je vais consciencieusement travailler, je n'ai aucunement à me soucier de problèmes d'argent. Je reçois ce que Dieu a décidé de m'attribuer, et ma seule responsabilité se limite à donner la tsedaka (charité) et à dépenser mes revenus de façon cohérente. Si je reste reliée à mon Créateur, Il pourvoira à tous mes besoins.

De même, il est superflu de s'inquiéter pour nos enfants. S'ils passent des moments difficiles, il faut leur donner de bons conseils… et prier ! Au-delà de ces efforts minimum, ils sont dans les meilleurs "mains" possibles, celle de Dieu Tout-Puissant.

En fait, je réalisais que j'avais seulement trois devoirs essentiels dans ma vie :

  1. Faire ce que Dieu attend de moi : pour le savoir, je dois chercher dans la Torah.
  2. Faire tous les efforts possibles pour assurer la sécurité financière et le bonheur de ma famille, ainsi que son épanouissement spirituel.
  3. Etre heureuse de ce dont je dispose.

Et c'est tout !

Pendant la première semaine, les choses ne se sont pas déroulées de façon optimale. Et c'est un euphémisme ! En fait, rien n'est allé dans le bon sens ! J'ai dû me répéter sans cesse les mêmes leçons sur la émouna pour tenir le choc. Et même avec ca, je n'étais pas complètement à l'aise dans mes baskets. Mais cela fait partie du jeu. Personne n'a dit que c'était simple.

J'avais traversé nombre de tragédies et de souffrances, et je ne savais toujours pas pourquoi. Mais j'avais tout de même bien ancré en tête quelques points essentiels :

  • Dieu a créé le monde et le dirige dans ses moindres détails.
  • Rien n'arrive par hasard ou par accident.
  • Tout ce que fait Dieu est pour notre bien.

J'aime à penser que, en admettant mon état de dépression, et en le combattant selon les conseils de mon médecin, je me suis moi-même renforcée. J'ai encore à beaucoup à apprendre pour faire complètement confiance au Tout-Puissant. Mais c'est un point que je vais travailler pour le reste de ma vie. Et je suis une étudiante plutôt lente.

Mais heureusement, Dieu est patient.

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