Société

Ebola et la quarantaine

28/10/2014 | par rabbin Benjamin Blech

Une approche ancestrale d’un problème moderne

L'épidémie d'Ebola n’a pas finie de faire parler d’elle. Dangereuse et mortelle, elle est devenue une source d’interrogations depuis que les servies sanitaires ont décidé dans plusieurs pays de mettre en quarantaine les personnes éventuellement touchées. Or, la quarantaine est une procédure ancienne dont on trouve une trace dans la Bible, pour des raisons qui diffèrent pourtant.

Afin de protéger leurs populations de l'épidémie, les pays concernés ont donc décidé de mettre en quarantaine les personnes présumées porteuses du virus. À la question de savoir si le gouvernement a le droit d’assigner à résidence des « suspects » sans procédure officielle, la loi répond aux États-Unis que les États ainsi que le gouvernement fédéral ont le pouvoir légal d'isoler les gens à leurs domiciles ou à d'autres endroits si elles présentent un risque grave pour la santé publique.

Les historiens nous disent que la pratique de la quarantaine a commencé au cours du 14ème siècle afin de protéger les villes côtières européennes de la peste. Les navires en provenance de Venise qui avaient mouillés dans des ports infectés durent jeter l'ancre pendant 40 jours avant d’accoster. Cette procédure, appelée quarantaine, vient de l'italien Quaranta giorni qui signifie 40 jours.

Mais sa source est beaucoup plus ancienne. En fait, il vient du livre du Lévitique. Bien avant que le monde ne découvre l’existence des germes et des maladies contagieuses, la Torah établit des règles afin de séparer la personne « infectée » du reste de la population. Qui étaient-elles ? Le texte biblique explique que les personnes atteintes de « metzora » devaient être envoyées à l'extérieur du camp, isolées de tout contact humain, jusqu'à ce qu’elles puissent y retourner.

En fait, la mise en quarantaine du « metzora » n'a rien à voir avec la prévention de la propagation d’une quelconque contamination physique. Les commentateurs juifs sont d'accord pour définir que le mot metzora, presque toujours à tort traduit par « lépreux », est utilisé pour désigner une maladie tout à fait différente. Elle ne désigne pas un mal physique mais un problème éthique, pas une maladie du corps mais une affection de l'esprit.

Qui est donc le « lépreux » ?

Le « metzora » était littéralement un ra motzi – quelqu'un qui « mettait en avant le mal » : un calomniateur, qui répand des rumeurs et des accusations malveillantes. Son péché était d'ordre social. C’est pourquoi sa peine consistait à être écarté de la société. Son discours avait causé un préjudice à des innocents ? Il devait être isolé. Ses paroles avaient provoqué des blessures durables : le Cohen (prêtre), qui remplissait le rôle de médecin spirituel, lui ôtait la possibilité de causer davantage de tort à autrui en l’envoyant à l'extérieur du camp et en le séparant de tous ceux qu'il pouvait contaminer moralement.

Ce concept est étonnant et dépasse l’idée d’infection propre à la médecine moderne. Lorsque la Thora donne la première occurrence du « metzora », elle donne un avertissement concernant la transmission de la maladie en mettant l'accent sur la pollution de l'âme au-delà des plaies du corps. Et même si elle donne donc une définition différente de l’affection, elle apporte comme solution l’isolement comme moyen de protéger le pur de l'impur, la santé de la maladie, les victimes potentielles des « porteurs du virus ».

Certains universitaires ont même suggéré que le choix des 40 jours avait pour origine la durée des grands événements bibliques tels que le déluge ou le séjour de Moïse sur le mont Sinaï. (Fondements de la santé publique : l'histoire et le développement de Baltimore. Université Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, 2001).

En identifiant la source biblique de la quarantaine dans son contexte d'origine, nous pouvons tirer une leçon importante des mesures prises de nos jours contre la menace du virus Ebola. Mortel, il nécessite de nombreux efforts pour l’endiguer. Il justifie des mesures comme la quarantaine et l'isolement afin d’empêcher sa propagation. La Thora, des milliers d’années plus tôt, se préoccupait de nous isoler et de nous préserver – par la mise en quarantaine – de la contagion mortelle causée par la cruauté des mots et des paroles négatives.

De nos jours, cet avertissement a de quoi faire frémir. Car qu’y a-t-il de plus menaçant que l’internet, twitter, Facebook et les Smartphone qui rendent exponentielle toute calomnie, provoquant, dans des cas extrêmes de harcèlement, le suicide de certaines victimes plus vulnérables ?

À notre époque, un proverbe talmudique gagnerait à être connu : « La calomnie tue trois personnes : le calomniateur, son interlocuteur et la victime de la calomnie ».

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