Société

L'enfer à domicile

10/02/2013 | par Rhonda Greenberg

Victime de violence domestique, elle revient sur sa douleur, ses failles et son lent cheminement dans la voie de la reconstruction personnelle.

Les gens ont différentes manières de réagir aux expériences traumatisantes. Certains se réfugient dans l’excès de nourriture, d’autres dans l’excès de travail, et d’autres encore se tournent vers l’abus de substances illicites. Certains développent une personnalité séductrice, d'autres deviennent des individus destructeurs et nuisibles. Certains développent des troubles nerveux. D'autres tombent une dépression profonde dont ils ne se remettent que difficilement.

Pour ma part, les effets de mon enfance tragique et mon mariage cahoteux se sont manifestés en me rendant passive et peu sûre de moi. J’étais incapable de dire non, d’exprimer mes besoins, et surtout, de réagir à l’abus. La seule chose que je maîtrisais était l’art de la survie. Après tout, c’est ce que j’avais fait depuis ma naissance.

Jusqu'à ma mon adolescence, j'ai enchaîné les traumatismes. Je suis née dans une famille souffrant à la fois de pauvreté et d’un manque cruel d’harmonie. Mes parents, occupés par leurs propres problèmes, en négligeaient mes besoins aussi bien physiques qu’émotionnels. Mes vêtements miteux et ma mauvaise hygiène de vie m’occasionnaient bien des soucis à l'école ainsi qu’avec les enfants du quartier. J’étais constamment intimidée, mise de côté et isolée.

Mon adolescence a été un pur cauchemar. Je me suis engagée dans des relations malsaines dans une tentative désespérée d'obtenir un sentiment d’approbation et de reconnaissance. J'étais malheureuse, insatisfaite, aigrie et oisive. Mes talents, mes ambitions, mes rêves et mes objectifs n’étaient désormais rien de plus que de vagues souvenirs. De leur côté, mes parents avaient résolu le problème de ma délinquance juvénile en m’envoyant en pension à l'âge de 13 ans. La manière dont ils se sont débarrassés de ma présence est une histoire en soi.

J'ai fait mes valises et je leur ai dit au revoir, ne réalisant pas du tout que mon départ deviendrait définitif.

Ma mère m'a demandé si je voulais rendre visite à mes anciens voisins avec qui j'entretenais de bonnes relations car ils avaient une fille de mon âge. Toujours en quête de nouvelles aventures, j'ai accepté avec enthousiasme. J'ai fait mes valises, je suis montée dans le bus et je leur ai dit au revoir, ne réalisant pas du tout que mon départ deviendrait définitif.

Après quelques jours, j’ai voulu rentrer chez moi, mais Mme L. m’a annoncé que mes parents n'étaient pas chez eux et que je devais rester quelques jours de plus. Ces quelques jours de plus se sont transformés en semaines puis en mois et en années. À un certain stade, l’abattement a eu raison de moi et j’ai commencé à me renfermer sur moi-même. Mon cœur était brisé. Je n’avais plus la force de me battre. Je m’acquittais de mes responsabilités (qui consistaient en des travaux ménagers et de la garde des enfants) comme un robot.

Je suis restée chez ces gens jusqu'à l’âge de 15 ans avant d'emménager avec mon frère aîné chez qui j’ai vécu jusqu’à ce que je rencontre mon futur mari. A cette époque, mon estime personnelle était si mauvaise que je pensais que personne ne voudrait jamais de moi. Résultat, j’ai épousé la première personne qui m’a demandé en mariage. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment j’ai pu commettre une si grave erreur de jugement après tous les traumatismes que j’avais vécus.

Le mariage n'a résolu aucun de mes problèmes émotionnels. Bien au contraire, il n’a fait que les exacerber. J'ai accepté les fréquentes crises de colère de mon mari comme une autre démonstration de la douleur insensée de la vie. Tandis que les autres jeunes femmes, au parc, comparaient les marques de leurs poussettes, j'étais assise à leur côté dans un état de stupeur, me demandant s’il était « normal » pour un homme de crier pour un oui ou pour un non. Une tache de ketchup sur le visage d'un bébé de 15 mois, une trace collante sur la porte du réfrigérateur, l’impossibilité d'assister à une fête de famille à cause de la grippe, toutes ces situations se soldaient soit une utilisation excessive des cordes vocales soit par la « punition des 24 heures de silence ».

C’est ainsi qu’à tout juste 22 ans, je me suis retrouvé, moi cette femme faible, passive et incapable de revendiquer ses droits, entourée de deux enfants turbulents et vivant dans l'ombre d'une « machine à hurler. » Je n'avais aucun soutien familial car mon frère s'entendait bien avec mon mari et n'était pas du tout intéressé à découvrir son comportement derrière les huis clos. J’essayais de gérer la situation et, étant une personne timide, je préférais ne pas ébruiter notre situation. Vu de l’extérieur, nous projetions l’image d’un beau couple béni de deux enfants magnifiques. Mais la réalité était bien loin de ce portait de famille modèle.

Je prenais soin de mes enfants et je les éloignais autant que possible de la maison afin d’éviter les explosions de colère de mon mari, mais ma vie ne tenait qu’à un fil. Et puis un jour, les choses se sont corsées.

C'était un jour d'été torride du mois d’Août, où le baromètre frisait les 35°. Je n'avais pas d'autre choix que de rester à la maison et d’allumer les climatiseurs. Je me suis installée sur le canapé avec un livre pendant que mes deux bambins s’occupaient dans leur chambre. Soudain, j'ai entendu un bruit assourdissant. J'ai couru dans la chambre pour vérifier ce qui s’était passé et ce que j'ai vu restera à jamais gravé dans mon esprit.

A ce moment là, je ne pensais pas à ma sécurité. Je n’avais qu’une idée en tête : éviter la fureur de mon mari.

L'énorme armoire de deux mètres qui atteignait le plafond était tombée à plat sur le tapis à seulement quelques centimètres de mes enfants. Comment a-t-elle bien pu tomber ? C’est un mystère que je n'ai pas encore réussi à résoudre. Que les enfants s’en soient sortis sains et saufs est un miracle pour lequel je serais éternellement reconnaissante. Il restait une heure avant le dîner, et je savais que mon mari s’énerverait de voir tout ce désordre. J'ai alors fait une chose qui, je l’ai réalisé rétrospectivement, était très dangereuse. J'ai soulevé cet énorme meuble toute seule. Je dois tout de même vous préciser ici que je mesure 1,52 m de haut et que je pèse moins de 43 kilos, mais à ce moment là je ne pensais pas du tout à ma sécurité. Je n’avais qu’une idée en tête : éviter la fureur de mon mari.

J'ai poussé, poussé, et avec une force que je m’ignorais, j’ai remis l'armoire à sa place. Au début, je ne ressentais aucune douleur, mais cette nuit là, je me suis réveillée à minuit avec une douleur atroce dans mon dos. Les prochains jours ont été consacrés à des visites chez le médecin orthopédiste et puis à faire beaucoup de physiothérapie dans une tentative de remettre mon dos en état. J'avais une sorte d’entorse au cou et les muscles très tendus dans la partie supérieure et inférieure du dos. J'avais besoin de temps pour récupérer, mais mon mari a décidé que « tout était dans ma tête » et a refusé de me laisser me reposer. Il m’a crié et hurlé d’arrêter cette comédie jusqu’à ce que j’en arrive au bord de l’évanouissement. Autour de moi, la pièce s’est mise à tourner. Alors, sans plus attendre, j’ai composé le numéro des urgences.

Couchée sur ma civière sous les sirènes hurlantes, j’ai finalement pris conscience que je ne pouvais plus jouer la politique de l’autruche et nier la réalité. Je ne pouvais plus me payer le luxe du silence et de la passivité. J'avais deux enfants qui avaient besoin de moi. Il était temps de changer les choses.

J'ai dressé mentalement une liste de tous mes biens, en essayant de voir si j'avais ce qu'il fallait pour opérer un véritable changement dans ma vie. Côté argent ? Pas grand-chose - 20 $ dans mon compte bancaire. Côté énergie physique ? Il valait mieux ne pas trop y compter, certainement pas avec mon dos cassé. Côté force émotionnelle ? Un cœur brisé et un esprit abattu. Côté soutien ? Seule une bonne amie connaissait la vérité. Ma situation n'était pas au beau fixe.

A ce moment, je me suis souvenue de l'histoire biblique de Joseph. Jeté par ses frères dans un puits grouillant de serpents, sa robe de soie en lambeaux, tout portait à croire qu’il s’abandonnerait au désespoir. Mais ce ne fut pas le cas. Rassemblant ses dernières forces, il s’écria vers Dieu qui en retour, lui accorda son salut et sa protection tout au long de la voie qui le mena à la grandeur. Il finit même par devenir vice-roi d'Egypte, le pays le plus puissant au monde.

Forte de cette proximité avec Joseph, j’ai ajouté un autre bien à ma liste : Dieu. Avec Lui à mes côtés je pourrais faire tout ce qui m’incombait de faire. Une vague de détermination s’est emparée de moi et la volonté, non seulement de survivre, mais aussi de m’épanouir, a embrasé mon cœur.

Une vague de détermination s’est emparée de moi et la volonté, non seulement de survivre, mais aussi de m’épanouir, a embrasé mon cœur.

En attendant d'être examinée, j’ai engagé la discussion avec une infirmière amicale à qui j’ai fourni une version abrégée de ma situation. Sans hésiter, elle en a conclu : « Un cas classique de violence domestique ». Ensuite, elle m’a mise en relation avec une assistance sociale qui m’a fourni de  nombreuses informations dont un numéro de téléphone d'une permanence téléphonique contre la violence domestique.

Après m’avoir mise au repos total, le médecin m’a renvoyé chez moi. Le lendemain matin, dès que j'ai pu être seule, j'ai composé le numéro de la permanence téléphonique en question. Quelques heures plus tard, je me suis retrouvée avec mes enfants dans un refuge pour femmes. Grâce à leur aide, j'ai finalement déménagé dans un petit appartement confortable dans un sous-sol.

Dotée de capacités créatives et artistiques, j'ai trouvé un emploi consistant à concevoir des paniers-cadeaux. J'aime beaucoup parler avec les clients et les aider à exprimer les mots justes sur la carte pour le destinataire du cadeau. Passer mes journées à travailler avec des fleurs, des fruits frais, du chocolat et des sucreries a beaucoup contribué à me remonter le moral.

Pour moi, aller de l’avant signifiait apprendre à me débarrasser de cette passivité, de cette peur de tout contact humain qui me collait à la peau. Cela signifiait apprendre à dire non. Cela signifiait apprendre à rejeter les valeurs inutiles pour adopter  à leur place de nouvelles attitudes saines. Cela signifiait apprendre à prier chaque jour pour demander à Dieu son amour et son soutien continu. Et cela signifiait également se joindre à un programme de création littéraire au YMCA local qui a eu sur moi un effet thérapeutique. C’est au sein de ce cercle que j’ai pu forger des amitiés durables.

Le processus a été lent et a nécessité une persévérancecontinue, mais j'ai finalement commencé à sentir que je me détachais du cocon dans lequel je vivais confinée et qui m’empêchait de m’épanouir. J'ai réalisé que j’étais devenu un papillon, enfin libre.

Il n'y a pas de situation trop désespérée pour le Tout-Puissant. Il n'y a rien qu’il ne puisse réaliser. Il est avec vous et attend votre appel. Son aide peut venir en l’espace d’un instant. Son amour pour vous n'a pas de frontières. Ressentez son étreinte. Ressentez sa main tenant la vôtre. Son désir de prendre soin de vous dépasse votre entendement. Mes amis, croyez moi: Vous pouvez vous en sortir ! Vous allez vous en sortir ! Vous surmonterez tous les obstacles et irez de l'avant. Vous réussirez. Telle est la récompense de la foi.

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