Respect des Parents

Pour toi Maman, avec tout mon amour

22/05/2013 | par J.R Barcyndy

Comment guérir 30 ans d'une relation mère-fille conflictuelle?

Cette année, j'ai enfin réussi à apprécier le cadeau qu'on m'a offert lorsque je suis née mais que je n'avais jamais pris la peine d'ouvrir. J'ai transformé ma relation avec ma mère.

Depuis mon enfance, ma mère et moi étions en désaccord total. On aurait pu mettre la faute sur nos personnalités divergentes – c'est une maniaque de la propreté et moi je suis plutôt du genre artiste née – ou bien sur sa relation de couple tendue, exacerbée par mes tendances "Madame je-sais-tout". Quoiqu'il en soit, entre nous l'amour n'a jamais manqué tout simplement parce qu'il n'y a jamais eu d'amour pour commencer. 

Mon adolescence pouvait se résumer à une phrase type : "Range ta chambre!", bien que le malaise était plus profond que ça. Notre famille connaissait des dynamiques diverses, et plusieurs facteurs en jeu minèrent sévèrement ma relation avec ma mère jusqu'à ce qu'on devienne presque des étrangères l'une pour l'autre – ou pire.

J'ai grandi avec le sentiment que je n'avais pas de mère ; et elle s'est résignée au fait qu'elle avait perdu sa fille aînée.

J'ai grandi avec le sentiment que je n'avais pas de mère ; et elle s'est résignée au fait qu'elle avait perdu sa fille aînée. Au fil des ans, on a mis fin aux paroles haineuses et aux guerres, et on s'est contenté d'une sorte de courtoisie froide et artificielle. C'est en grinçant des dents qu'elle venait me rendre visite ponctuellement, et je me forçais également à lui rendre visite avec la boule au ventre pendant tout le trajet.

Quand je me suis mariée, vous pouvez être sûrs que ma mère n'était pas dans le coup. En effet, j'étais bien contente d'accueillir ma belle-mère à bras ouverts comme remplaçante. C'est elle qui est venue avec moi choisir ma robe, qui m'a aidée à choisir les centres de table et les menus, et qui a partagé avec moi toutes les tribulations des préparatifs. Ma mère est venue à mon mariage en tant que convive, invitée cordialement mais reçue froidement. Elle m'a observée en tant que spectatrice épouser l'homme que j'avais choisi pour mari, et moi je n'ai fais aucun effort pour dissimuler la joie d'être enfin libérée de ses jupons. Je ne l'entendrais plus jamais me dire de ranger ma chambre.

Si ma relation avec ma mère n’était pas suffisamment désolante, celle avec ses petits-enfants était à en pleurer. J'en voulais tellement à ma mère qu'inconsciemment je refusais qu'elle voit ses petits-enfants. À l'exception d'un ultime appel téléphonique annuel pour leur souhaiter un joyeux anniversaire, ses espoirs tant attendus de recevoir un peu de joie semblaient loin de se concrétiser. Elle souriait stoïquement lorsque ses amis ou collègues lui demandaient des nouvelles du dernier petit enfant. "Adorable ! Tellement mignon !", leur disait-elle le sourire aux lèvres, telle une actrice de cinéma qui venait de recevoir un Oscar. Mais tout était faux, et on le savait toutes les deux. Elle ne connaissait pas mes enfants, et eux la connaissaient à peine. Les jours passaient, et je léguais à la prochaine génération ma colère et mon amertume profondes, donnant l'impression à mes enfants que leur grand-mère n’avait aucune importance.

Mon mari avait aussi avalé ma pilule empoisonnée. Il ne connaissait ma mère qu'à travers ma vision cynique des choses. Très vite, il en a eu tellement assez de nos disputes interminables, du regard condescendant que j'avais de son caractère et de ses idéaux, et de la souffrance continue qu'occasionnait notre relation, qu'il s'est également éloigné d'elle. Elle était devenue une persona non grata dans notre foyer, et bien qu'elle s'assurait de nous faire culpabiliser du fait qu'on ne lui rende pas visite plus souvent, elle n'aimait pas tellement non plus me recevoir chez elle.

Notre rituel favori consistait à nous disputer, puis à analyser notre relation déséquilibrée, à pleurer ensemble, à promettre de changer puis à se disputer nouveau. Parfois, il valait mieux ne rien avoir à faire ensemble. Pourtant, elle n'a jamais renoncé à l'espoir qu'un jour je reviendrai et que je lui donnerai la joie de la laisser être ma mère au sens premier du terme.

Alors que je brandissais le drapeau d'une vie juive pratiquante, j'ignorais de façon flagrante l'un des commandements de la Torah, à savoir "Honore ton père et ta mère" à cheval entre "Tu observeras le Shabbat" et "Tu ne voleras point". Bien que ma maison fût un bastion d'étude de la Torah et de pratique des mitzvot, j'enfreignais chaque jour la loi qui m'enjoignait de respecter ma mère, et j'en étais consciente. Bien sûr, j'apaisais mon sentiment de culpabilité en lui envoyant des chocolats pour son anniversaire et en me forçant à répondre à ses coups de fil, mais je n'amassais pas de bons points en ce qui concerne l'honneur dû aux parents.

Une amie que j'admire beaucoup pour sa joie de vivre et son exubérance m'a confié une fois que sa mère et elle avaient eu une relation extrêmement tendue. Un jour elle a réfléchi au fait que sa mère prenait de l'âge et qu'elle finirait par rejoindre l'autre monde. Elle s'est rendu compte que le statu quo ne lui convenait pas. Elle repoussait l'idée que sa mère mourrait comme une étrangère pour elle. Alors, elle a beaucoup prié, elle a pris son courage à deux mains et elle a fait un pas vers la réconciliation. Le processus a été fastudieux, m'a-t-elle dit, mais elles ont toutes les deux investi du temps et des efforts et ont été récompensées. Au final, sa mère et elle ont pu retrouver l'amour qu'elles avaient perdu depuis de longues années. Quelques temps plus tard, sa mère est décédée mais mon amie avait le cœur et l'esprit tranquilles.  

"Quand je rencontrerai ma mère au ciel", m'a dit cette amie, "Je sais qu'elle me dira 'Rachel, je t'aime et je suis fière de toi.' Et on se serrera dans les bras."

Son histoire ne m'a pas touchée. C'était très beau que sa mère et elle se soient réconciliées, mais ma mère et moi ? Pas question ! Notre relation était sans espoir; le patient était bel et bien mort depuis longtemps et il n’y avait aucune chance de le ressusciter. En plus, j'étais épuisé d'avoir maintes fois essayé de parer à nos différences et d'essayer de souffler sur les braises froides de notre "amour", recherchant en vain une unique braise qui raviverait le feu.

Puis j'ai réalisé que j'allais avoir bientôt 30 ans.

J'ai observé mes enfants qui semblaient grandir et embellir à vue d'œil chaque jour.

J'ai réalisé que mon mépris pour le respect et l'honneur dûs à ma mère créait un vide énorme dans ma vie spirituelle.

Je me suis demandé "Pourquoi ?" et j'ai réfléchi non seulement au message que je leur transmettais mais également à la tragédie de me sentir orpheline alors que j'avais une mère en chair et en os dont je rejetais constamment l'amour qu'elle me témoignait. Soudain, je me suis imaginée avec des enfants adultes, et je me suis demandé comment est-ce qu'ils se conduiraient avec moi. Après tout, ils n'avaient jamais été témoins d'un modèle d'honneur et de respect des parents dans leur maison ; qu'est-ce qui me faisait croire que mes enfants me traiteraient différemment de la façon dont j'avais traité ma propre mère ? Aï aï aï, ça faisait mal.

J'ai alors pris conscience que mon mépris pour le respect et l'honneur dus à ma mère créait un vide énorme dans ma vie spirituelle. Même si je trouvais toutes sortes d'excuses pour lesquelles je n'avais pas à la respecter (après tout, il y avait des "circonstances spéciales") au fond de moi je savais que cette obligation m'incombait également. Cette révélation douloureuse mais honnête m'a conduite à tenter ma chance une dernière fois.  

J'ai pris le téléphone.

Cette fois-ci, on a fait les choses différemment. Cette fois-ci, tous les coups étaient permis. Elle m'a parlé de ses peines et de ses souffrances, et je lui ai parlé des miennes. Je me suis efforcée de l'écouter au lieu de refuser qu'elle s'aventure dans certains sujets que j'avais jugés tabous. Je l'ai enfin laissée me parler de sa vie personnelle, ce qui a été un nouveau crève-cœur sur les raisons qui l'ont poussée à agir comme elle l'a fait avec moi en grandissant. Mon cri d'angoisse "Tu n'as jamais été là pour moi !" a disparu de ma bouche alors que je découvrais la femme qui se révélait à moi. J'admettais désormais la vérité : qu'elle avait été victime de violences conjugales qui l'ont laissée brisée et complètement démunie, sortant à peine la tête de l'eau. Elle ne m'avait jamais détestée et elle n'avait jamais voulu me négliger ; elle s'était battue jour après jour pour pouvoir fonctionner normalement, et seul son amour pour ses enfants l'avait poussée à continuer. Trente années de douleur se sont effondrées alors qu'on partageait ensemble notre déception, notre colère, nos craintes et notre honte. Je voyais enfin ma mère pour ce qu'elle était réellement : une mère forte, courageuse et aimante, au lieu du monstre cruel et pingre que je m'étais créé. On a parlé pendant un très, très long moment.

Peu de temps après, j'ai fêté mon anniversaire. Je ne pourrais vraiment vous décrire l'enthousiasme avec lequel ma mère a cherché le cadeau parfait pour moi – et la joie émouvante que j'ai ressenti en le recevant. Le cadeau n'était qu'un symbole du présent qu'on avait réellement reçu chacune, un cadeau qui avait attendu 30 longues années qu'on l'ouvre toutes les deux.

Aujourd'hui, j'ai une mère. Et ma mère a une fille. Et on s'aime vraiment.

Aujourd'hui, j'ai une mère. Et ma mère a une fille. Et nous nous aimons sincèrement. Nous pouvons parler ouvertement et résoudre nos problèmes comme, eh bien, comme les mères et les filles le font normalement. Mes enfants ont une grand-mère qu'ils aiment et qu'ils chérissent, et à qui ils parlent régulièrement. Nous passons de très bons moments ensemble et on se languit les uns et les autres quand on ne se voit pas. J'ai le privilège d'honorer et de respecter ma mère chaque jour. Je l'écoute, je la soutiens et je lui laisse des messages affectueux sur son répondeur. Je m'en mords même les doigts quand mon ton de voix paraît trop dur. Nous admettons ouvertement toutes les deux lorsqu'un sujet de conversation nous rappelle nos conflits passés, et ensemble nous passons à autre chose.

Ce n'était pas facile, mais là encore, toutes les choses qui valent la peine dans la vie sont loin de l'être. Maintenant, lorsqu'on se parle, ma mère et moi, il y a une énergie positive palpable entre nous ; le lien de deux personnes qui s'aiment profondément. Mes enfants le voient. Mon mari le voit. Et Dieu le voit.

Je suis tellement reconnaissante d'avoir eu l'opportunité de réparer notre relation dans ce monde-ci, tant qu'on ait pu encore le faire toutes les deux. Avec l'aide de Dieu, j'espère qu'on puisse avoir encore de longues années à partager ensemble pour rattraper le temps perdu. Tout ce que j'ai eu à faire était de tendre la main et de saisir cette opportunité.

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