Vie Juive

La première coupe de cheveux

23/04/2013 | par Shraga Simmons

D’où vient la coutume de laisser pousser les cheveux des petits garçons juifs jusqu’à l’âge de trois ans ?

Il y a quelques années, j'ai accompagné mon petit garçon au zoo par une belle après-midi d’été. Une femme s’est arrêtée près de nous et m’a dit: "Votre petite fille est si mignonne". Je l’ai remerciée et lui ai répondu: "A propos, c'est un garçon."

La dame n’a pas caché sa surprise... Pour ma part, je savais pertinemment ce qui l’avait induite en erreur: les cheveux de mon fils lui tombaient en-dessous de la taille! Alors, j’ai jugé bon de m’expliquer:

Les Juifs traditionnels attendent souvent que leurs garçons aient trois ans pour leur faire la première coupe de cheveux. Cette cérémonie est appelé "Halake" chez les Juifs séfarades et "Upsherin" chez les Juifs ashkénazes. Cette coutume est mentionnée pour la première fois dans le livre "Cha'ar HaKavanot" de rabbi 'Haïm Vital, le disciple du grand Kabbaliste du XVIème siècle, le Arizal.

A partir de trois ans, le petit garçon commence officiellement à recevoir son éducation juive.

Le troisième anniversaire représente une étape importante dans la vie d'un garçon juif. A partir de ce moment-là, il commence officiellement à recevoir son éducation juive et à porter une kippah et des tsitsits.

Au niveau du développement, trois ans est un âge transitoire clé. Jusqu'à présent, le garçon était un bébé - doudou, biberon, couches. Désormais, il s'apprête à entrer dans le monde des camarades, de l'école, etc. Lui couper les cheveux à ce moment va provoquer sur l'enfant une impression émotive très forte. Il sait qu'il passe une nouvelle étape vers la maturité et ceci l'aide à vivre en accord avec ce nouveau rôle.

Détail intéressant, sapar, la racine hébraïque renvoyant à la coupe de cheveux signifie également limite. Cette coupe de cheveux instaure une nouvelle norme comportementale, ce qui était acceptable pour un bébé est désormais hors limite.

Pourquoi trois ans?

L’idée de considérer le troisième anniversaire comme un âge de transition découle du commandement de Orla. La Torah affirme que si l'on plante un arbre, tous les fruits poussant les trois premières années sont "orla" – interdits (Lévitique 19,23). Tout comme les fruits Orla sont défendus à la consommation pendant trois ans, de même nous ne touchons pas aux cheveux de l'enfant jusqu'à l'âge de trois ans.

Pourquoi cette analogie? Parce que la Bible, en plusieurs occurrences, compare l'homme à un arbre:

  • "Oui, l'arbre du champ, c'est l'homme même…" (Deutéronome 20,19)
  • "Mais les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres…" (Isaïe 65,22)
  • "Il sera tel qu'un arbre planté au bord de l'eau…" (Jérémie 17,8)

Voilà pourquoi, à l’instar des fruits Orla, nous ne touchons pas aux cheveux d'un garçon jusqu'à sa troisième année.

A propos, pourquoi les hommes sont-ils comparés aux arbres?

Un arbre a besoin de quatre éléments fondamentaux pour survivre: la terre, l'eau, l'air et le feu (soleil). Au sens figuratif, les êtres humains en ont également besoin.

La terre est l'endroit où l'arbre a besoin de s'enraciner fermement. Un foyer solide est également la base nécessaire à l'homme pour y ensemencer des valeurs et des principes moraux et pour lui fournir l'environnement soutenant sa croissance. Aujourd'hui, malheureusement, beaucoup d'arbres sont exposés aux risques d'être abattus par l'ouragan des médias, du matérialisme et de l'excès d'information. Il nous faut un "filtre", un refuge sûr où venir reprendre des forces. Le foyer est la "terre" sur laquelle nous pouvons être nous-mêmes, commettre des erreurs mais néanmoins être acceptés, aimés et nourris.

Le Talmud (Maximes des Pères 3,24) fait l’éloge de l’homme pourvu de nombreuses racines: "Même si tous les vents se lèvent et soufflent dessus, ils ne pourront le déplacer".

La pluie, comme la Torah, descend des cieux et procurent un soulagement à celui qui a une soif inextinguible.

L'eau est également essentielle. Sans elle, l'arbre va se flétrir et mourir. La Torah est comparée à l'eau, ainsi que Moïse l'écrit dans le cantique adressé au peuple d'Israël avant de mourir: "Que mon enseignement s'épande comme la pluie" (Deutéronome 32,2). La pluie ainsi que la Torah descendent des cieux et procurent un soulagement à celui qui a une soif inextinguible. D.ieu fait ruisseler la Torah pour nourrir d'enthousiasme et de vitalité l'esprit humain.

L'air est composé, entre autres, d'oxygène permettant à l'arbre de respirer et de gaz carbonique servant à la photosynthèse. Dans une atmosphère non équilibrée, l'arbre suffoquerait et mourrait. La Torah affirme que "D.ieu insuffla dans ses narines un souffle de vie" (Genèse 2,7). Le terme hébraïque renvoyant au "souffle" – néchima – est le même que celui désignant "l’âme" – néchama. La force de notre vie spirituelle provient, métaphoriquement parlant, de l'air et de la respiration.

L’arbre a besoin de feu (le rayonnement solaire) pour survivre. Les hommes, aussi, ont besoin de feu, symbolisé par la chaleur de la société. Les gens absorbent l'énergie de leurs semblables, de leurs amis, de leur famille, de leurs voisins et de leurs collègues et la canalise pour se forger une identité et agir. Les principales pratiques juives, telles les cérémonies de naissance comme de décès, se pratiquent au sein d'une communauté. Si l'on ne se lie pas à une collectivité solide, on risque d'être jeté dans l'anonymat blafard et lugubre de la vie urbaine.

Effectivement, l’homme a beaucoup en commun avec l’arbre.

Blocage spirituel

Le terme "Orla" apparaît dans la Torah à trois reprises, la première concernant les fruits, le deuxième la Brith Milah (la circoncision) et la troisième la recherche de la vérité. Mais quelle est la signification littérale du mot "Orla" et quel est le point commun entre ces trois éléments?

Dans le Lévitique (19,23) il est dit que les fruits poussant les trois premières années sont classés comme "orla" et ne peuvent pas être mangés. Voici, en substance, l'explication de Nachmanide: puisque l'arbre est encore jeune, les fruits sont alimentés par un excès de fluides et, de la sorte, peuvent être nocifs; "orla" signifie "blocage".

La deuxième mention, et peut-être la plus fameuse, faite au sujet de "orla" parle du prépuce qui est excisé lors de la circoncision (Genèse 17,11). Les commentateurs expliquent que, là aussi, orla se réfère au blocage, mais, dans ce cas, au blocage spirituel. Un garçon juif ne reçoit pas sa pleine mesure d'âme jusqu'à ce que la circoncision soit accomplie et c'est pourquoi la Torah met en garde tout juif mâle non circoncis du risque de "retranchement spirituel" (Genèse 17,14).

L'étude de la Torah est le moyen le plus sûr pour briser le blocage spirituel et éliminer les barrières empêchant de voir la vérité.

La troisième référence à la "orla" se trouve dans le Deutéronome (10,16). D.ieu dit au peuple juif: "supprimez la orla de votre cœur". Le mot est ici employé symboliquement; le Tout-puissant exhorte le peuple à rechercher la vérité. Pour atteindre ce but, il faut retirer tout ce qui empêche d'apercevoir la vérité, c'est-à-dire "les barrières entourant le cœur".

Par conséquent, il est juste que le jour de la première coupe de cheveux du jeune garçon (quand il quitte symboliquement la catégorie de "orla" en ce qui concerne ses cheveux) marque aussi celui où il entame son éducation juive. Car l'étude de la Torah est le moyen primordial pour ôter le blocage spirituel et enlever les barrières empêchant de voir la vérité.

Alors que ses boucles se détachent, l'enfant sent qu'il est en train de se propulser vers une nouvelle étape. Car ce jour est celui où il peut se débarrasser des barrières qui l’entravent.

Mode d'emploi

Pour le petit garçon juif, l’anniversaire de 3 ans est un événement spécial par sa signification et par les nombreuses activités qui vont remplir la journée. Il est d'usage que chacun des amis et des membres de la famille donne un petit coup de ciseaux pendant la coupe de cheveux. Le premier coup de ciseaux est fait sur le haut du front, à l'endroit où le garçon posera plus tard son Tefilin quand il deviendra Bar Mitsva.

Certains ont l'usage de peser les cheveux et de faire la charité de l'équivalent en poids d'or ou d'argent.

Après ces petits coups de ciseaux, les gens bénissent l'enfant en lui souhaitant le succès dans l'étude de la Torah. Si c'est possible, il est bien de l'amener chez des grands rabbins afin qu'il reçoive leurs bénédictions. D’autres ont la coutume de peser les cheveux et de faire la charité de l'équivalent en poids d'or ou d'argent pour que, grâce à cette bonne action, l'enfant réussisse dans la Torah.

Lors de cette première coupe de cheveux, on va souvent lui laisser les "Péot", les favoris, afin de respecter le commandement de ne pas raser les extrémités de la chevelure des deux côtés du visage (Lévitique 19,27). Les "Péot" peuvent être aussi longs ou courts que vous le désirez pourvu qu'ils ne soient pas complètement coupés. Les adultes accomplissent cette mitsva en laissant pousser les favoris jusqu'à mi-oreille.

Nous enseignons aussi à l'enfant le verset: "Moïse nous a prescrit la Torah, héritage de l'assemblée de Jacob" (Deutéronome 33,4). Ce sont les premiers mots qu'un enfant juif doit apprendre à dire car cela montre combien chaque Juif a une relation unique et personnelle avec la Torah.

En Israël, beaucoup de petits garçons font leur première coupe de cheveux à Lag BaOmer sur la tombe de Rabbi Shimon Bar Yo'haï à Méron. On assiste alors à une scène incroyable de milliers de garçons dont on coupe les cheveux le même jour!

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